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Les Livres

Le peuple de Manet, Marc Pautrel (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 24 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le peuple de Manet, juin 2021, 176 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

 

« Il a vu des morts, il va montrer des vivants, il n’a pas pu sauver ceux-là, il va rendre éternels les autres, tous les corps glorieux qu’il croisera, les humains et leurs visages, parfois même les perroquets ou les chiens, et jusqu’aux fleurs, les pivoines, les roses, l’hibiscus dans les cheveux d’une femme offerte, les violettes, les lilas, les tulipes, les œillets et les clématites dans leurs vases de cristal. La vraie vie vécue dans l’étendue du Temps ».

Manet est au cœur de la mitraille ce 4 décembre 1851, Paris se révolte, c’est là dans les rues que le peintre apprend à voir sur le motif. Il voit des corps, du sang, les barricades, la charge des dragons, l’œil est dans sa main, et sa main dessine, c’est sa manière de se mêler à la révolte. Vingt ans plus tard, c’est la Commune, Manet est loin de Paris, il y revient à la fin de la « Semaine sanglante », une nouvelle fois, c’est la mort, les larmes et les fusillés : contraire exact de l’Art, et donc contraire à la vie.

Ce n’était que la peste, Ludmila Oulitskaïa (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 24 Juin 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Russie, Roman, Gallimard

Ce n’était que la peste, avril 2021, trad. russe, Sophie Benech, 138 pages, 14 € . Ecrivain(s): Ludmila Oulitskaïa Edition: Gallimard

 

Ce fut un accident idiot – comme au fond ils le sont tous. Un biologiste travaillant dans un institut de recherches à Saratov, sur des souches de la peste pulmonaire, reçoit en pleine nuit, alors qu’il est dans son laboratoire, un appel téléphonique lui enjoignant de se rendre sans délai à Moscou. Dans l’Union soviétique de Staline, ce n’est pas le genre de convocation qui fait plaisir, et pas seulement parce que cela représente un voyage aller-retour de mille cinq cents kilomètres. Dans la précipitation, le chercheur ne rajuste pas son masque correctement et, sans le savoir ni le vouloir, il emporte ainsi la peste dans le train, puis dans la capitale, à son hôtel et à l’hôpital où son état le conduira. Il sera le premier à mourir, mais pas le seul. En 1720, la peste fit disparaître entre 30.000 et 40.000 personnes, la moitié de la population marseillaise. Moscou comptait en 1939 plus de quatre millions d’habitants…

May Fly, Gérard Coquet (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 23 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Jigal

May Fly, Gérard Coquet, mai 2021, 256 pages, 18,50 € Edition: Jigal

 

La mouche de mai est un insecte éphémère dont raffolent les farios, ces truites sauvages à la robe ornée de gros points rouges comme autant de gouttelettes de sang, qui pullulent dans les eaux pures des rivières irlandaises. C’est surtout le leurre préféré des pêcheurs à la mouche, et principalement, dans ce dernier roman de Gérard Coquet, le symbole d’une histoire où mensonges et manipulations, distillés par l’ex-comptable d’une organisation de blanchiment de l’argent de Daesh basée dans les pays de l’Est, fonctionnent à merveille pour brouiller les pistes et déstabiliser une enquêtrice de la Garda. Il faut préciser que l’homme a eu la très mauvaise idée de détourner une grosse somme d’argent et que son salut ne tient qu’à un fil : celui de sa sécurité qu’il négocie auprès des autorités policières irlandaises en échange de renseignements sur les comptes secrets de l’organisation.

La vie sans savoir, Christophe Etemadzadeh (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Mercredi, 23 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Arléa

La vie sans savoir, Christophe Etemadzadeh, janvier 2021, 398 pages, 21 € Edition: Arléa

 

Du côté de chez Etemadzadeh.

En 2006, dans Zardosht et autres pièces du puzzle (Gallimard), Christophe Etemadzadeh évoquait déjà la figure paternelle dans un récit autobiographique qui avait été salué par la critique. Quinze ans plus tard, dans La vie sans savoir, l’auteur revient sur les douze premières années de son enfance lilloise et sur ceux qui l’ont entouré, parmi lesquels son père qui fera « ce que font les autres hommes : boire, fumer, refaire le monde, jouer aux échecs, tromper sa femme », qui quittera la maison et dont le narrateur n’entendra plus parler pendant longtemps.

Dès les premiers mots, Christophe Etemadzadeh inscrit son texte dans la lignée des autobiographies les plus classiques : « Je suis né en septembre 1975, à Lille, de Zardosht Etemadzadeh et de Catherine B ». L’état-civil de ses parents ayant été déclaré, le pacte signé, le narrateur peut se lancer dans le récit de sa vie, même si du tout début de sa vie, il n’a rien à dire : « Si je me fie aux souvenirs qui m’appartiennent en propre, il ne s’est rien passé au cours de mes deux premières années ».

Ainsi parlait, W. B. Yeats (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 23 Juin 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Ainsi parlait, W. B. Yeats, éditions Arfuyen, avril 2021, trad. anglais Marie-France de Palacio, 176 pages, 14 €

 

Exploration

J’ai été frappé par ce « ainsi parlait » du poète irlandais et prix Nobel de littérature, W. B. Yeats, car ce que relatent ses dits et maximes recoupe tout à fait des préoccupations qui me traversent. En effet la quête spirituelle de tout lecteur, de tout créateur aussi, en passe par cette aporie : figurer une abstraction dans des termes concrets, contenir dieu dans un langage qui par essence se prête à tout, alors que la divinité est seulement hauteur. Donc appuyer une recherche métaphysique sur la physique du langage, les règles de la prosodie. Et Yeats y arrive et contribue à donner de l’espoir pour ceux qui cherchent cette exploration du domaine de l’esprit.

Cependant, nous n’assistons pas à une opposition du profane et du sacré, mais à leur mélange : L’homme sous la lumière et Dieu, la tension terrestre sous la vivacité de l’existence céleste, activité poétique se distinguant de la pensée matérialiste. Donc, le chant, la psalmodie, la musique du poème.