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Les Livres

Tourbillon, Shelby Foote (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Mars 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallimard

Tourbillon (Follow Me Down, 1950), Gallimard, Coll. La Noire, trad. américain, Maurice-Edgar Coindreau, Hervé Belkiri-Deluen, révisée par Marie-Caroline Aubert pour la réédition mars 2021, 400 pages, 21 € . Ecrivain(s): Shelby Foote Edition: Gallimard


Avant de tenir le moindre propos sur ce roman, il faut relever l’étrange pénombre dans laquelle il est encore tenu de nos jours, alors que sa traduction en français – magnifique comme toutes les traductions de Maurice-Edgar Coindreau (ici assisté de Hervé Belkiri-Deluen) – date de 1978. Et bravo à Gallimard La Noire qui a aujourd’hui l’intelligence de conserver la traduction de Coindreau avec seulement une révision de Marie-Caroline Aubert. Tourbillon (Follow Me Down) est un absolu chef-d’œuvre de la littérature américaine, à placer au rang des plus grands Faulkner. Dans une écriture éblouissante de vie, de richesse idiomatique, Shelby Foote se hisse dans ce que l’acte littéraire porte de plus magique : transposer le réel des hommes, composer l’incantation quasi biblique des pauvres blancs du Sud profond, le chant de cette terre mythique du Mississippi, la langue inimitable des paysans miséreux et oubliés de ce bout de monde.

Tordre la douleur, André Bucher (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 23 Mars 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Mot et le Reste

Tordre la douleur, janvier 2021, 152 pages, 15 € . Ecrivain(s): André Bucher Edition: Le Mot et le Reste

 

C’est une voix bourrue, rude, brute, en accord avec le paysage de montagne et les rapides changements de temps, qui se fait entendre, qui s’élève et s’adoucit pour conter de petits faits, de petites existences brisées par le quotidien, par le cours des choses, ce qu’on n’attend pas, ce qu’on ne supporte plus… un trop-plein d’injustice, de minuscules gouttes qui font déborder le vase ou d’un raz-de-marée brisant une existence… la vie à vif, qui décape.

C’est une série de faits divers advenus à des personnages qui ne se connaissaient pas, et qui se rencontrent, un destin commun, comme on dit un pot commun, de brindilles ballottées.

La voix des hommes se mêle, sans la reconnaître, sans se reconnaître, à celle de la nature, la re-lisant, l’accompagnant parfois sans la déchiffrer : « La neige, cette douceur sourde surgie de la nuit assiégée, attisée par le vent, se durcissait à vue d’œil et en propulsant ses cristaux à l’horizontale, elle leur fouettait le visage » (p.122).

Le complexe de la sorcière, Isabelle Sorente (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 23 Mars 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Folio (Gallimard)

Le complexe de la sorcière, Isabelle Sorente, Folio, janvier 2021, 320 pages, 7,50 €

Comme Didier Smal l’a rappelé dans un article paru ici récemment (https://www.lacauselitteraire.fr/la-femme-est-une-sorciere-comme-les-autres-premiere-partie-par-didier-smal ), les sorcières sont à la mode – pour le pire et le meilleur, d’Instagram à la riche Collection Sorcières des éditions Cambourakis, où il n’est d’ailleurs pas question que de sorcières – à moins que si, selon la façon dont on les définit.

Voilà donc un livre de plus consacré à cette figure : certes, mais un livre singulier et étonnant. Il s’ouvre sur une sinistre visitation, qui devient peu à peu un personnage : l’image d’une femme interrogée et suppliciée, au crâne rasé, surgit dans l’esprit de l’auteure, un jour de juin, et s’y installe à demeure. Habitée, fascinée, Isabelle Sorente entreprend une quête dont le cheminement, fait de tours et de détours, de méandres et de cahots, est l’objet de ce livre où se mêlent récit intime, enquête historique abondamment documentée, psychologie, notamment transgénérationnelle, et des considérations, une sensibilité, d’ordre mystique – pas fumeux, pas farfelu, ni rien de cet acabit : mystique. Se mêlent aussi, dans ce livre, les temporalités – passés et présent – et les plans réel, symbolique et imaginaire, et ces entrecroisements apparaissent comme la façon la plus juste de relater l’expérience humaine, quelle qu’elle soit.

Brèves de solitude, Sylvie Germain (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 22 Mars 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Brèves de solitude, janvier 2021, 210 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Sylvie Germain Edition: Albin Michel

 

Destins croisés au temps de la Covid 19

Que l’épidémie de la Covid 19 puisse donner lieu à une contagion de récits romanesques, cela est certain. On peut s’attendre à être submergé par des fictions qui vont s’emparer de cette pandémie. Qu’on soit écrivain ou pas, d’ailleurs, on n’échappe pas à son époque. L’épisode que nous vivons avec ses conséquences, confinement, couvre-feu, gestes-barrières et relations aux autres à reconsidérer, tout cela nous tracasse, nous agace, voire nous obsède, on ne peut le nier. L’idiosyncrasie de l’écrivain avec sa porosité à tout ce qui est humain le prédestine à cette source d’inspiration pour le pire, et on l’espère, pour le meilleur.

Le dernier ouvrage de Sylvie Germain s’installe d’emblée dans cette époque chaotique que nous vivons. La romancière évoque plusieurs dizaines de personnages, tous différents dans leurs singularités, des « caractères » ou des types humains et que l’auteure nomme par leurs seuls prénoms. Une sorte de comédie humaine où l’on découvre Joséphine, Guillaume, Magali, Anaïs, Xavier… Des personnages de tous âges et de toutes conditions.

Journal d’un rabbin lituanien du XVIIIe siècle, Menahem Mendel Slatkine (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 22 Mars 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Editions Honoré Champion, Israël

Journal d’un rabbin lituanien du XVIIIe siècle, Morceaux choisis et édités à partir d’un ouvrage attribué au rabbin Shlomo David de Radoshkovitchi par Menahem Mendel Slatkine, éd. Honoré-Champion, 2020, trad. hébreu Claire Darmon, 478 pages, 65 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Dans les premières pages du Nom de la rose (Un manuscrit, naturellement), Umberto Eco s’est moqué avec virtuosité et volubilité du vieux topos littéraire du manuscrit retrouvé au fond d’une malle, tout en reprenant ce même lieu commun avec force détails destinés à l’accréditer. Ce Journal d’un rabbin lituanien est-il autre chose qu’une fiction ? Il faut s’interroger sur la personnalité de celui qu’on regardera, selon la réponse qu’on donnera à cette question, comme son véritable auteur ou son simple éditeur.

La vie de Menahem Mendel Slatkin (1875-1964) forme un pont entre deux mondes. Né à Rostov-sur-le-Don, il vécut sa jeunesse dans le climat d’antisémitisme slave, survécut aux pogroms de 1905 et choisit la voie de l’exil vers la Suisse, Zurich d’abord, puis Genève qui abritait une importante communauté russe.