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Les Livres

Je me transporte partout, Jean-Claude Pirotte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 21 Janvier 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Je me transporte partout, Jean-Claude Pirotte, Le Cherche Midi, octobre 2020, 750 pages, 29 €

Les maints carnets de la mort

Que de choses à dire sur cette anthologie complexe et profuse de Jean-Claude Pirotte, tout autant à cause du nombre de poèmes du recueil, que par l’expérience de lecture qui en découle. Quelques lignes simples, et je crois insuffisantes, pourraient au mieux faire partager ce qui a été ma pérégrination dans ce gros ouvrage, et les temps différents qu’il traverse (poèmes produits entre avril 2012 et février 2014). Je ne pouvais guère que tailler dans l’aubier, si l’on m’autorise cette métaphore arboricole. Mais il me fallait atteindre au principe essentiel de mon sentiment, sans pouvoir accéder à une exhaustivité du livre ni du parcours de Pirotte durant les derniers mois de sa vie, ou encore qui m’accompagnait en ces longues journées à lire et prendre des notes au porte-mines parmi cette belle collection de textes. J’ai d’ailleurs interrompu ce travail au milieu des 5000 poèmes inédits qui me demandaient une vraie force d’attention, pour écrire une autre chronique, sorte de point d’orgue de ce voyage vers la poésie et la mort. Reprenant le cours de cette étude, bien vite je suis revenu à mon idée centrale : ces poèmes inédits sont une cathédrale, une espèce de « capitale de la douleur » dont le point focal reste la souffrance due au cancer, et dont l’esprit capital se résumerait brièvement par beaucoup de quatrains, de sonnets, de strophes rimées, parfois irrégulièrement, ou encore par un rythme d’octosyllabes.

Cette lumière est mon désir, Rûmî (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 20 Janvier 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Poésie, Gallimard

Cette lumière est mon désir, Rûmî, novembre 2020, trad. persan, Mahin Tajadod, Nahal Tajadod, Jean-Claude Carrière, 336 pages, 9,50 € Edition: Gallimard

 

Sous-titré Le Livre de Shams de Tabrîz, le présent recueil de poèmes dits par Jaâl al-din Mohammad Balkhi, dit Rûmî (1207-1273) est en fait une sélection de cent poèmes extraits de ce Livre. Poèmes dits plutôt qu’écrits, puisque recueillis de la bouche du maître par ses disciples, ces textes montrent l’évolution du savant vers le mysticisme, c’est-à-dire une union entre l’homme et un principe divin, de la parole au silence.

C’est peut-être cela qui frappe le plus, dans l’agencement voulu par Jean-Claude Carrière, avec l’assentiment de feue Mahin Tajadod et sa fille Nahal, deux connaisseuses fines de l’œuvre de Rûmî : le sentiment d’un voyage, initié par la rencontre avec le derviche errant Shams de Tabrîz, voyage à la rencontre d’une spiritualité détachée de tout savoir (et pourtant savante, mais peut-être bien avant tout savante de ses limites terrestres), voyage dont le terme ne peut être que le silence, évoqué dans l’ultime poème du présent recueil, dont voici les six derniers vers :

Li Ann ou le Tropique des chimères, Patryck Froissart (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 20 Janvier 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

Li Ann ou le Tropique des chimères, janvier 2021, 204 pages, 19 € . Ecrivain(s): Patryck Froissart Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Un coup de foudre et trois enterrements

Jean Martin, dit Le Borain (comprendre qu’il est né dans le Borinage, contrée minière franco-belge), proviseur d’un lycée polyvalent de l’archipel des Allobroges (comprendre que dans ces îles tropicales, parfaitement imaginaires, les habitants(es) vouent un culte immodéré à la liberté, à l’instar de l’hymne éponyme des Savoyards), prépare la rentrée scolaire dans l’effervescence d’une structure administrative débordée par la multiplication des tâches, leur complexification, le tout à personnel constant. Aussi est-ce avec un immense soupir de soulagement que Jean Martin, dit Le Borain, obtient une notification d’autorisation de recrutement dans le cadre d’un Contrat Emploi Jeune. Reste à trouver le bon candidat, ou pour entrer dans le vif du sujet, sans pour autant le (la) déflorer, la bonne candidate.

Secrets barbares, Rodney Hall (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 19 Janvier 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Océanie

Secrets barbares (Captivity Captive, 1988), Rodney Hall, éditions L’Arbre Vengeur, octobre 2020, trad. anglais (Australie) Françoise Cartano, 246 pages, 17 €

Des surprises, des irruptions littéraires d’une telle intensité sont d’autant plus formidables qu’elles sont rarissimes. Ce voyage dans les ténèbres du bush australien hantera longtemps ses lecteurs. C’est une traversée des replis les plus sombres de l’âme humaine, un véritable roman de terreur dans les ombres d’une famille effroyable, liée par une forme d’amour létale, travaillée par les pulsions les plus barbares. L’amour néanmoins – et c’est là sûrement le trait le plus terrible de ce terrible roman – l’amour qui soude, qui marque les cœurs et les corps, qui torture, qui dépasse toutes les limites de la morale, qui tue enfin.

En 1956, un octogénaire avoue un triple meurtre commis en 1898, au cœur de l’Australie pauvre, rude, oubliée. Une affaire réelle, mais dont Rodney Hall se défait très vite, ne prétendant à aucun moment à l’authenticité historique. « Les faits n’importent pas. C’est la fiction qui importe » écrit-il dans la préface. Il va même se défaire aussi en grande partie du prétexte du triple meurtre. Ce qui fait la matière essentielle du roman, c’est la famille Murphy avec le père, la mère et les dix enfants, dont trois, deux filles et un garçon, sont les victimes du meurtre. Des parents géants – tous deux dépassent les deux mètres et les 150 kilos – des enfants écrasés par cette parenté massive, physiquement et moralement.

Lucie d’enfer, Conte noir, Jean-Michel Olivier (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 19 Janvier 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions de Fallois

Lucie d’enfer, Conte noir, Jean-Michel Olivier, novembre 2020, 160 pages, 18 € Edition: Editions de Fallois

 

« Avec Lucie, les masques tombent les uns après les autres.

Et sous le dernier masque il n’y a pas de visage ».

Lucie d’enfer est un roman où le narrateur devenu écrivain, est hanté par le souvenir de Lucie, une amie de jeunesse, un amour d’adolescence, une passion singulière, disparue sans laisser d’adresse. Un hasard romanesque conduit le narrateur à retrouver Lucie lors d’un déplacement à Montréal, il doit y parler de Jean-Jacques Rousseau et de ses livres, et c’est dans une librairie que l’apparition a lieu – Ses yeux sont embués de nostalgie. Il y a ensuite l’Île de Skye, où s’est installée Lucie avec son nouvel amour, rencontré lors d’un stage de développement personnel que dispense la chamane. Elle vit dans un manoir hanté, avec ses chiens, les deux fils de son mari, et les photographies des ancêtres, le clan. A son tour le narrateur vient l’y retrouver, répondant à un appel à l’aide, pour déposer une caution servant à libérer Lucie, emprisonnée à la suite de l’étrange chute mortelle d’une falaise de son époux.