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Les Livres

Vigiles des villages, Bernard Fournier (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 16 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Vigiles des villages, éd. Cahiers de Poésie Verte, Coll. Trobar, Prix Troubadours/Trobadors, 2020, 42 pages, 12 € . Ecrivain(s): Bernard Fournier

 

Ce trente-deuxième recueil de la Collection Trobar est publié en supplément au n°131 de Friches, Cahiers de Poésie Verte, dirigés par Jean-Pierre Thuillat, pour nous emmener au pays des « pierres levées, pierres pointées, pierres soignées », ces monuments mégalithiques dont les menhirs et les dolmens sont les Vigiles des villages dans le département de l’Aveyron (ancien comté du Rouergue). L’occasion pour le poète Bernard Fournier d’y tracer ses lignes non loin de Guillevic, natif de Carnac, qui a aussi chanté les pierres ; de rester en contact avec une mère disparue à travers ces figures maternelles représentées par les « statues-menhirs » du Musée Fenaille de Rodez (« mères à la poitrine lasse, mère aux hanches fécondes ») ; de garder trace de ses racines modelées dans la langue d’oc au pays rouergat.

La personnification de ces « pierres nues / vieilles archives, aïeules aux hanches larges / aux baisers enfuis » prend corps dans le mystère et l’obscur lumineux des strates de « nos mémoires » sur lesquelles

Animaux, Étienne Ruhaud (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 16 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Unicité

Animaux, Étienne Ruhaud, octobre 2020, 50 pages, 12 € Edition: Unicité

Étrangeté

Outre le vif sentiment que j’ai ressenti à la lecture des Animaux d’Étienne Ruhaud, je ne cessais d’inventer des titres à cette chronique. Est-ce la profusion des images – entre doute et effroi –, la qualité de la surprise, la liberté d’invention, l’aspect débridé des descriptions d’animaux imaginaires, est-ce cela qui me poussait dans cette science des titres ? Tel a été en tout cas mon chemin dans le livre. Je consigne ici quelques-unes de ces tentatives : Zoomorphie, Pur animal organique, Les bêtes intérieures, L’en-soi des faunes, Matière des bestioles, L’animal plurivoque, Là où meurent la raison des proies, Bêtes soûles, Rien de naturel. Cette liste veut seulement rendre la complexité et ce qui déréalise en même temps ce bestiaire riche et original.

Ce qui ressort de cette écriture, c’est le mélange de didactique feinte, qui permet de voir ce qui se déroule dans l’esprit du rédacteur, et cette impression d’insolite constante, qui me ramenait à Lynch ou Cronenberg, pour me référer au seul cinéma. Cependant, il faut dire aussi que cette collection bizarre d’un belluaire littéraire se rapproche plus facilement de Michaux ou encore du Cthulhu de Lovecraft que d’Apollinaire et des gravures de Dufy.

La Grande Peur dans la montagne, Charles-Ferdinand Ramuz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

La Grande Peur dans la montagne, 187 pages, 6,20 € . Ecrivain(s): Charles Ferdinand Ramuz Edition: Le Livre de Poche

L’écriture de Ramuz, en touches légères et répétées à l’envi comme un air évanescent, est l’outil rêvé pour ce roman allusif, où tout est à peine suggéré et où les mouvements des gens sont une répétition interminable de montées et descentes – de la lumière à l’obscurité, de la vie à la mort, de la paix à la peur. En bas, le village dans la vallée, paisible. En haut l’alpage de Sasseneire, un temps abandonné en raison d’histoires qui courent chez les anciens, histoires de malédiction, de sort funeste, mais réoccupé cette année-là – le temps a passé, les légendes s’usent, les jeunes n’y croient pas.

De quelle peur nous entretient ici Ramuz ? Peur de quoi ? Peur provoquée par qui, par quoi ? Se poser la question inclut forcément la réponse parce que LA peur des hommes n’a que peu de visages, il n’en est guère d’autres : la mort, les ténèbres, le mal, la souffrance, la solitude. Et il n’en est pas d’autres dans ce roman, la peur ne sera jamais nommée précisément, seuls ses manifestations et ses effets composent cette histoire de terreur. Les seuls moments où Ramuz semble dire l’auteur de la terreur qui saisit l’alpage et le village il le désigne par le pronom Lui, avec une majuscule, lui attribuant tous les oripeaux traditionnels du Malin Satan.

Le Mystère Sammy Went, Christian White (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 15 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Le Mystère Sammy Went, Christian White, Folio Policier, novembre 2020, trad. anglais (Australie) Simone Davy, 400 pages, 8,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Alors que Kimberley Leamy fait une pause, en lisant un vieux Stephen King, entre deux cours de photographie à la cafétéria du TAFE (Technical and Further Education – Collège d’Enseignement Technique et Professionnel Australien) de Northampton Communauty où elle dispense ses cours trois fois par semaine, un inconnu fait irruption. Il prend place à sa table, lui demande si elle s’appelle bien Kimberley Leamy et se présente sous le nom de James Finn. Puis, il lui présente une photo et insiste pour qu’elle la regarde avec attention. Le cliché représente une fillette. Kimberley lui explique qu’elle ne voit pas de quoi il retourne. Il lui précise que l’enfant figurant sur la photo a été enlevée à Manson dans le Kentucky (USA), il y a vingt-huit ans à peu près, qu’elle se nommait Sammy Went et qu’ayant grandi lui-même à Manson, il est un très bon ami de la famille Went. Kim lui indique qu’elle ne comprend pas ce qu’elle aurait à voir avec un enlèvement. Alors la phrase suivante tombe brutalement : « Je crois que Sammy West, c’est vous ».

Les Lumières de l’ombre, Libres penseurs, hérétiques, espions (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 14 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Histoire, Editions Honoré Champion

Les Lumières de l’ombre, Libres penseurs, hérétiques, espions, éditions Honoré-Champion, mai 2020, Sophie Bisset, Marie-Claude Felton, Charles T. Wolfe, 310 pages, 55 € Edition: Editions Honoré Champion

 

« Le côté obscur des Lumières » : la formule est facile et ressemble à une accroche de journaliste en mal d’inspiration. C’est pourtant bien le territoire que ce volume prospecte. Que furent les Lumières ? On se représente une confrérie d’écrivains élégants et de penseurs raffinés regardant tous dans la même direction, tous préoccupés jour et nuit d’améliorer le monde en général et l’humanité en particulier, de libérer celle-ci de tout ce qui peut contribuer à l’amoindrir, à l’effrayer ou à l’oppresser. Cela, c’est l’image d’Épinal ou la vision propagée par les manuels de littérature. La réalité fut sensiblement différente. De nombreux écrivains des Lumières se haïssaient. On préfère fermer les yeux sur l’antisémitisme et le racisme qui se donnent libre cours dans les œuvres de Voltaire. Ainsi qu’on l’a finement remarqué, l’univers clos et étouffant du marquis de Sade, lieu de supplices infinis, annonce la rationalité concentrationnaire.