Minuit à Atlanta, Thomas Mullen (par Jean-Jacques Bretou)
Minuit à Atlanta, Thomas Mullen, mai 2021, trad. anglais US, Pierre Bondil, 496 pages, 23 €
Edition: Rivages/noirNous sommes en 1956 à Atlanta, au moment du début du mouvement des droits civiques, alors que Rosa Parks a organisé le boycott des bus à Montgomery. Tommy Smith, un ancien policier noir, coéquipier de Lucius Boggs, devenu reporter dans le seul journal noir d’Atlanta, le Daily Times, réveillé par un coup de feu alors qu’il s’était endormi sur sa table de travail, découvre le corps sans vie de son nouveau patron, Arthur Bishop, dans les locaux du quotidien alors que ce dernier travaillait tard le soir. Il fait appel à un de ses anciens collègues, Joe McInnis, pour tenter d’élucider cette mort violente. McInnis est un flic blanc à la tête d’une brigade d’agents noirs et comme tel aussi mal perçu par les blancs que les noirs.
Ce roman se déroule à une période bien particulière de l’histoire des États-Unis, les lois Jim Crow mises en place pour entraver l’exercice des droits constitutionnels des Afro-Américains au lendemain de la guerre de Sécession ont introduit la ségrégation dans les services publics, les lieux de rassemblement et l’interaction entre les gens de couleur – (séparés mais égaux). Cependant que l’arrêt Brown de 1954 déclarant la ségrégation raciale inconstitutionnelle dans les écoles publiques et l’action de Rosa Parks refusant de céder son siège à un Blanc dans un bus public ont commencé à ouvrir quelques brèches dans ce monde inégal.
Tout se trouve intriqué dans le beau livre de Mullen et rien n’est là pour faciliter la tâche de McInnis. D’un côté les mouvements raciaux, de l’autre les mouvements antiségrégationnistes, parmi eux celui de la NAACP ou les mouvements de tendance marxiste, les flics racistes et les flics noirs dont l’action se trouve bridée par des lois d’exception, des figures émergentes telles celles de Martin Luther King, de Rosa Parks, tout cela constituant un climat particulièrement tendu pour que notre flic blanc chef de flics noirs puisse œuvrer sereinement. De plus à tout cela, il faut ajouter les intérêts financiers bien compris des uns et des autres, une gestion des affaires de la ville plus ou moins pourrie et nous avons le problème que doit résoudre McInnis.
Malgré tout cela, Mullen tient le suspense et nous emmène, avec une écriture exceptionnelle, à la puissance narrative forte, propre à dresser la description de situations psychologiques et sociologiques incomparables sur les routes du crime et du mystère, baignant dans un climat des plus délétères, avec un intérêt toujours grandissant. Ce tour de force en fait un des grands écrivains américains contemporains, un maître du thriller du sud de l’Amérique et un grand peintre de cette période de la fin de la ségrégation raciale au U.S.A.
Jean-Jacques Bretou
Thomas Mullen est l’auteur de six romans salués par la presse américaine et distingués par de nombreux prix, dont le Prix James Fenimore Cooper de la meilleure fiction historique. Après Darktown, lauréat du Prix Rivages des Libraires, Temps noirs, et Minuit à Atlanta confirment le succès d’une remarquable saga policière sur la Ségrégation.
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