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Les Livres

La vie brûle, Jean-Claude Leroy (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 26 Novembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La vie brûle, Jean-Claude Leroy, Editions Lunatique, octobre 2020, 212 pages, 20 €

 

 

« Tout le réel, rien que lui, dans mon je essoufflé » (in Ça contre Ça, Rougerie, p.61, 2018).

L’auteur (né en 1960) de ce livre, poète et essayiste, est ici aventurier et chroniqueur (instruit, agité et fin) d’une période de quelques mois du début 2011 où il se trouvait en Egypte (Alexandrie, Le Caire), assistant, par le jeu des circonstances, en direct à la révolution qu’on sait. Révolution qu’il soutient sans l’avoir prévue, qu’il accompagne sans s’en prétendre digne, qu’il aime et photographie sans l’admirer tout à fait, comme on va voir. Une sorte de samouraï perplexe, en sac à dos et baskets, misanthrope et bienveillant, comprenant mieux l’Occident (capitaliste, nucléarisé, cynique) quitté sans regret que ce qu’il vient là découvrir, avec effroi, gourmandise et scrupule :

Gueule noire, Estelle Fenzy (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 25 Novembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La Boucherie Littéraire

Gueule noire, 54 pages, 12 € . Ecrivain(s): Estelle Fenzy Edition: La Boucherie Littéraire

 

Le responsable éditorial, Antoine Gallardo, le précise dans les remerciements inscrits à la fin de l’opus : « Tout comme moi, Estelle Fenzy ne s’imaginait pas au moment où elle me confiait ces tendres souvenirs d’enfance, qu’ils m’inspireraient une nouvelle collection ». Après la collection éminente des éditions de La Boucherie littéraire, « Sur le billot », Gueule noire ouvre ainsi la nouvelle collection « Sur le billot pour tous » avec un opus poétique s’adressant à des lecteurs de 7 à 107 ans qui souhaiteraient goûter « la saveur de l’enfance retrouvée ». Et celle-ci, universelle par sa période d’inédite exploration à un âge où les perspectives du monde offert sont encore indemnes, indéfinissables et terriblement ouvertes, est profondément palpable entre les pages de cette publication aussi rafraîchissante que chaleureuse, comme la tendresse peut remuer les herbes folles et verdissantes de l’enfance, réactiver la joie ou la nostalgie dans un présent traversé par les souvenirs.

Le Cœur en bandoulière, Michel Tremblay (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 25 Novembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud, Théâtre

Le Cœur en bandoulière, 128 pages, 10,99 € . Ecrivain(s): Michel Tremblay Edition: Actes Sud


Michel Tremblay considère Le Cœur en bandoulière comme « un roman hybride » ; il serait possible pour lui de créer à la façon des agronomes un nouveau fruit littéraire. En effet, son texte rassemble deux genres : un récit à la première personne, dont le narrateur est un auteur de théâtre septuagénaire, en villégiature à Key West, aimant aller voir les couchers de soleil sur la jetée, et une pièce de théâtre en un acte, Cher Tchékhov, présentée avec sa première de couverture, sa liste de distribution, et dont l’auteur n’est autre que le promeneur de la jetée. L’écrivain vieillissant désire reprendre le texte de 82 pages qu’il a abandonné et tenter enfin de l’achever. Les deux genres s’entrecroisent tout au long de l’œuvre. On sait que Michel Tremblay écrit romans et pièces. Même s’il rejette l’écriture autobiographique, les lecteurs pourront reconnaître des morceaux de vie de l’écrivain : l’âge du narrateur, les séjours à Key West, l’homosexualité de l’un des personnages, le métier d’auteur dramatique redoublé sous les traits du narrateur principal et de Benoît, personnage principal de la pièce, ou encore le décor québécois près d’un lac dans la seconde partie du texte.

Le Cœur révélateur (Contes), Edgar Poe (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 25 Novembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA, Flammarion, Contes

Le Cœur révélateur (Contes), Edgar Poe, Flammarion, Coll. bilingue Aubier, 1966, 375 pages

 

L’artiste défie le moraliste, une parodie de Platon

Poète maudit, auteur de célèbres contes fantastiques et policiers, critique littéraire implacable, très apprécié en France depuis les traductions de Baudelaire et de Mallarmé mais écrivain mal-aimé dans son pays natal, l’Amérique puritaine, où il déplaît pour sa vie dissolue (ivresses, mariage avec une cousine de 13 ans, dettes de jeu, mort d’éthylisme dans le caniveau de Baltimore), sa critique de la démocratie américaine et son esthétique aux antipodes de la pensée positive. Fasciné par la folie, le crime et le mal sous toutes ses formes, il appartient à un genre littéraire équivoque, le romantisme noir, et met en scène des monstres pervers aux passions sombres et destructrices dans des atmosphères lugubres et angoissantes.

Le Cœur révélateur, publié en 1843, illustre bien la formule de Mallarmé : « Poe, c’est le cas littéraire absolu » : entre maîtrise artistique et folie, jeux ambigus du réel et de l’imaginaire, polysémie et ironie, symbolisme subtil, l’histoire du cœur révélateur voile et dévoile. Défenseur de l’art pour l’art dans ses Principes Poétiques, Poe réfute le didactisme de convention et, avant Nietzsche, réhabilite le poète chassé de la cité par Platon.

Le bruit et la fureur (The Sound And The Fury, 1929), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 24 Novembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Le bruit et la fureur (The Sound And The Fury, 1929), trad. américain, Maurice-Edgar Coindreau . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

L’histoire d’une décadence a plus d’une fois fasciné Faulkner. Au point de justifier que l’on se demande si – en basse continue – ce n’est pas éternellement l’histoire du Sud qu’il raconte encore et encore. C’est l’arc de Absalon ! Absalon !, de la trilogie des Snopes et, ici, la grandeur et la décadence de la famille Compson. Le Sud au fond, comme trame romanesque, le Sud et son basculement de la gloire à la défaite, au délitement de son mode de vie, de son modèle économique fondé sur l’esclavage, de sa fierté triomphante.

On a beaucoup dit que lire Le bruit et la fureur est une épreuve redoutable. La structure achrone du roman déconcerte, au moins pendant la première partie, la narration de Benjy. De tous les romans de Faulkner, c’est assurément le plus « difficile », essentiellement en raison de l’absence à peu près totale de chronologie. Faulkner mêle présent et passé dans la tresse serrée d’un récit dont le moteur est le flux de conscience avec ce qu’il implique d’aléatoire et d’inattendu. Et plus encore qu’inattendu, d’imperceptible. C’est là la clé de l’opacité de ce roman : le lecteur ne se rend pas compte de tout. On en a une preuve évidente quand on en est à la deuxième lecture de l’œuvre – c’est le cas ici avant d’écrire cet article – : la première lecture ne nous avait pas fait apparaître les mêmes reliefs, les mêmes sens.