La Robe blanche, Nathalie Léger (par Philippe Leuckx)
La Robe blanche, Nathalie Léger, 144 pages, 16 €
Edition: P.O.L
Quatrième livre de la romancière française, La Robe blanche déroule plusieurs facettes d’une fiction, qui joue entre chronique familiale, accompagnement délirant d’une aventure aussi délirante, et enfin domaine d’écriture rendue nécessaire, impérieuse.
En 2008, une artiste de Milan, Pippa Bacca, décide d’entamer un voyage, vêtue d’une seule robe blanche, pour réparer des injustices, et ce, par un long périple qui la mène à traverser toute l’Europe. L’épilogue est tragique. On retrouvera dans un fossé la belle robe assassinée.
Ecrire sur cette histoire à la fois dramatique, surréaliste et volontaire, c’est le projet de la narratrice, qui se livre à sa mère, lui explique les tenants et aboutissants de cette intrigue à laquelle la mère ne croit guère.
En contrepoint de ce projet d’écriture et du récit étonnant de l’artiste italienne au destin brisé, il y a la propre tragédie de la mère, et la volonté chez la fille d’en rendre compte, comme si elle aussi devait réparer quoi que ce soit.
L’écriture, dès l’entame, occupe fortement la narratrice : pourra-t-elle mener à bien sa fiction, documentaire romancé d’un périple authentique ?
Sera-t-elle capable de mener à bonne fin, hissant cette « robe blanche » au statut d’apologue, de revendication féministe et littéraire ?
Aura-t-elle la force de conjoindre l’expérience italienne et l’expérience maternelle, sans oublier la sienne, scripturale en diable ?
Autant de questions que ce « faux » roman dévide.
La construction romanesque ici, pour intellectuelle qu’elle est, semble répondre à un investissement personnel de l’autofiction et du témoignage prélevé de la presse à sensation.
Le lecteur se sent un peu déboussolé, bousculé par la narration même qui prend plaisir à chantourner son propos.
Sans omettre l’insertion dans le fil narratif d’œuvres qui, par leur audace et leur féminisme, font écho à l’aventure ici : que ce soit Niki de Saint-Phalle, ou encore la Serbe, Marina Abramović.
Marina Abramović, elle, se souvient que dans « Rythm O », c’était en 1974, le public arracha ses habits, enfonça des épines dans sa chair, zébra sa gorge au rasoir, but son sang, l’attacha avec des chaînes, la frappa avec des sangles, la menaça avec un revolver (p.65).
Le texte sollicite aussi une autre lecture, celle d’un projet d’écriture qui se dévoile et se nourrit sous nos yeux, dans le droit fil d’un certain nouveau « nouveau roman ». On reprochera peut-être à son auteure d’obscurcir ainsi la ligne mélodique de son roman par le biais métalinguistique, un peu pesant, un peu daté aussi. Nous ne sommes plus au temps de Robbe-Grillet, qui s’égayait de brouiller les pistes, à sa manière, de La Maison de rendez-vous, par exemple.
L’écriture, par bonheur, sait décrire, en longues phrases, le couple que forment mère et fille :
De là, j’observe ma mère, je la vois venir avec son petit visage suppliant et son navrant dessein, je nous vois, elle et moi, rusant, tapies dans les hautes herbes de la circonspection, elle dans la demande et moi dans l’esquive, vivante illustration de la fameuse théorie du conflit central, une théorie qui a le mérite de la simplicité : « Quelqu’un veut quelque chose et un autre ne veut pas qu’il l’obtienne » (pp.90-91).
Philippe Leuckx
Nathalie Léger, écrivaine française, est l’auteur de plusieurs livres : Les Vies silencieuses de Samuel Beckett ; L’Exposition ; Supplément à la vie de Barbara Loden.
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