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Les Chroniques

L’étoile dansante, Maxime Dalle (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 15 Février 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’étoile dansante, Maxime Dalle, Editions Herodios, janvier 2023, 200 pages, 20 €

 

L’étoile dansante de Maxime Dalle aurait pu s’intituler Vie d’Athanase, enfant du siècle. On pense en effet à Musset, à Nizan, toute comparaison qualitative écartée. Autant qu’un parcours individuel, c’est une trajectoire inscrite dans une époque qui nous est retracée, et se dessinant souvent contre elle. Et comme Musset ou Nizan, Dalle, né en 1989, ne donne pas de son époque, la nôtre (grégaire, bégayante, pusillanime), une image réjouissante.

Athanase approche de la trentaine dans le chapitre I ; il a vécu, a été déçu, se demande où porter ses pas ; inadapté et irréconcilié, il apprend le funambulisme (discipline symbolique, bien sûr) dans le cirque tzigane de M. Mirwaïs – clin d’œil à Genet et à Abdallah Bentaga ? Il chutera d’ailleurs (accident symbolique, évidemment), comme Abdallah Bentaga, à la fin de la première partie, et sombrera dans le coma. Nous ne dévoilerons pas comment se termine son aventure.

Jeu, sets et malt, Christophe Roque & Jules Vipaldo (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 14 Février 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Jeu, sets et malt, Christophe Roque & Jules Vipaldo, éditions Contre-Pied, Coll. Le Parasol Pleureur, janvier 2023, 56 pages, 10 €

 

Jeu, sets et malt est une création d’AUTRES ET PAREILS qui a donné lieu à une exposition et une performance le 17 janvier 2023 à la Maison des Jeunes et de la Culture de Martigues. Co-édité par les Éditions Contre-Pied et la Librairie l’Alinéa, avec le comédien Christophe Roque aux photographies et l’auteur Jules Vipaldo aux textes, cette création de toute élégance esthétique avec son papier glacé figure une publication idéale pour ce qu’elle célèbre : « la terrasse de café » où nous entrevoyons avec évidence qu’elle y trouvera parfaitement sa place nomade comme dans un hall de gare, une salle d’attente, … tout lieu de passage où la lecture deviendra un plaisir de dégustation, chaque lecteur en buvant les images et les mots suivant son envie et comme en toute dilettante. Le concept est réussi : qui ne serait pas tenté de feuilleter cette création, attractive en tant qu’objet et gustative par l’arôme des mots qui s’en échappe comme la saveur d’un café sur le bord d’être mise en bouche ?

La Peur de peindre, Jacques Le Scanff (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 07 Février 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La Peur de peindre, Jacques Le Scanff, préf. Claude Louis-Combet, éd. Fario, 2022, 13€50

 

Je tordrai à dessein la citation de Boileau dans L’Art poétique : « Ce que l’on conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément », pour faire valoir ce que la représentation écrite recouvre parfois de difficultés, d’obscurités, de tensions littéraires, propres à décrire les états divers du peintre et de sa peinture. Ici, cela aboutit à une écriture intense, pleine, mais qui reste assez maigre, sur laquelle il ne faut pas hésiter à revenir plusieurs fois (ainsi que le peintre use de sa brosse ou de ses pinceaux). Ici, donc, un petit traité de l’art de peindre. Ici, le sujet agissant et le sujet disant, faisant acte de création et revenant sur cet acte par écrit. Ici, enfin, un univers personnel tout autant qu’universel, lequel se satellise sur la vérité intérieure, la profondeur exigée d’un tableau.

Ceci dit, il faut rentrer plus avant dans l’ouvrage (illustré richement par des reproductions des travaux plastiques de Jacques Le Scanff). Lecture légèrement âpre, à l’image des allées et venues de Cézanne vers la Montagne Sainte-Victoire, escarpements, confrontation du regardeur et du regardé, comme si l’œuvre peinte faisait parole, énigme, affaire de style, endroit de coupure du poème et de la toile, réflexions, agissements, connaissances et pratiques. Nous sommes en l’espèce dans une forme de schize. Le mystère : peindre.

Ainsi parlait, Stefan Zweig, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Gérard Pfister (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Lundi, 06 Février 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Langue allemande, Arfuyen

Ainsi parlait, Stefan Zweig, Arfuyen, janvier 2023, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Gérard Pfister, Edition bilingue, 192 pages, 14 €

 

Zweig l’a lui-même remarqué : son œuvre plaît toujours et partout parce qu’il n’en garde, en la composant, que le mouvement essentiel. Il préfère « élaguer » un développement pourtant réussi, sacrifier tout ce qui ne serait que bien écrit pour que le lecteur, devinant un auteur en sachant méthodiquement plus qu’il n’en dit, ne quitte jamais des yeux le secret qu’avec art on lui porte plus loin et dérobe. Mais il n’a pu, bien sûr, élaguer le (formidable) succès même qu’il en obtint (la renommée n’est pas une intrigue qu’on puisse rendre plus agile et sobre !), et son vœu constant de limiter strictement son influence propre à celle de son œuvre n’a pu s’exaucer que dans toutes les tragiques – persécutoires – dernières années où l’anonymat personnel l’attendit aux divers lieux où l’exil le jetait (il n’y était plus le visage identifiable de son nom).

« Même l’exil – je l’ai appris à suffisance – n’est pas si difficile à vivre que la solitude dans sa patrie » (§.203).

Dictionnaire des anthropologies, Mathilde Lequin & Albert Piette (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 03 Février 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Dictionnaire des anthropologies, Mathilde Lequin & Albert Piette (dir.), Presses Universitaires de Paris Nanterre, septembre 2022, 1076 pages, 25 €

 

Quand il arrive qu’on s’ennuie, le fait est là : on ne se sent alors plus guère avancé d’être un homme. On pense le monde, mais rien pourtant ne nous y intéresse. De même, dans l’angoisse : on préfèrerait carrément alors (mais toujours en vain, car toute préférence est humaine) ne pas être homme. On y est face au néant (chance que n’a jamais l’animal), sans face à face possible. Enfin dans la perplexité intellectuelle (troublé de devoir choisir sans savoir quoi, cherchant l’idée qui invaliderait les autres en terminant le problème), notre propre irrésolution, justement, nous paraît exclusivement et invinciblement humaine. Par exemple dans ce Dictionnaire des anthropologies, quand les conceptions de l’humain de 115 penseurs nous sont (en huit-dix pages chacune) remarquablement restituées, presque toutes convaincantes et presque toutes incompatibles, une certitude naît de notre trouble même : l’homme est l’être que la diversité des réponses à la question de son être rend perplexe. L’homme est le seul animal que le problème qu’il est intéresse : les problèmes qu’ils ont semblent largement suffire à tous les autres animaux.