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Les Chroniques

Les Terrains, Écrits sur le sport, Pier Paolo Pasolini (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 07 Février 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les Terrains, Écrits sur le sport, Pier Paolo Pasolini, Le Temps des Cerises, Cahiers Roger-Vailland, 2004, trad. italien, Flaviano Pisanelli, 142 pages, 8 €

 

Quelle bonne idée ont eue les éditions Le Temps de Cerises, en 2004, dans les Cahiers Roger-Vailland, de réunir, traduits et préfacés par Flaviano Pisanelli, un certain nombre d’écrits sur le sport de Pasolini, parus dans la presse italienne de 1956 à 1971, auxquels s’ajoute une interview publiée en 1975 au lendemain de son assassinat !

Quatre domaines suscitent la réflexion de l’auteur des Cendres de Gramsci : les Jeux Olympiques de Rome de 1960, le football, la boxe et le cyclisme (il assiste avec enthousiasme en 1969 à l’éclosion d’Eddy Merckx). Je me limiterai ici à ses analyses sur le ballon rond (pages 63 à 104) dont il était à la fois un spectateur passionné, tifoso de la Bologna, même après son installation à Rome, et un pratiquant assidu.

Innombrable en ta lumière, Nathalie Swan (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Février 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Innombrable en ta lumière, Nathalie Swan, éd. de Corlevour, janvier 2024, 128 pages, 16 €

 

Corps

L’exercice du poème est tendu par la matière qu’il recouvre, dont il fait un sujet de chair, comme si la totalité du poème avait la nécessité d’une enveloppe physique. Ici, le recueil de Nathalie Swan ressemble à ce carrefour. Le corps/le poème, le corps au sens strict : main, voix, souffle, regard, souffle, bras, peau, bouche, yeux, artères, seins, reins, sang, salive, par exemple. Vertèbre, ossature du poème. Celui-ci peut se comprendre grâce à cette tension, ce long feu syntaxique, et sa souplesse descriptive, sans épopée, ni histoires simples ou compliquées. Juste le langage du corps aimant. De ce fait, si l’on considère le peu de qualificatif, nous sommes en présence d’une littérature maigre. Je m’explique : je crois que le poème doit être un lieu hivernal, devoir se comparer au blanc de la neige, à l’ossature de la forêt l’hiver. Moins il y en a, mieux c’est. Rien de superfétatoire, tout est affaire d’équilibre, équilibre des corps abouchés. Et pourquoi dès lors nous interdirions-nous les images de fluides, de passions, d’amour, presque d’effets glandulaires ?

Fille du chemin, Jean-Pierre Vidal (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 02 Février 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Récits

Fille du chemin, Jean-Pierre Vidal, éditions Le Silence qui roule, janvier 2024, 98 pages, 12 €

 

« Le premier matin, quand je me réveille un peu plus tard qu’elle, comme un éclat, je reçois en pleine face ses seins blancs à la toilette, son pubis, la violence de sa toison très noire sur le blanc de sa peau. Mon regard ne lui importe pas, elle n’a pas souci de me séduire, ni de cacher sa féminité. Je suis heureux de l’avoir vue nue, un instant. Ce n’est pas de sa part un don personnel, volontaire, encore moins un appel. Le simple signe, au contraire, que je n’existe pas pour elle. Mais pour moi, sa nudité pure est le présent tout autant que tout à l’heure le ruisseau, les cailloux blancs, les feuilles nues des arbres. Au vrai, alors qu’elle n’a pas voulu me donner sa nudité en vue d’un avenir d’étreinte, elle m’a donné le présent sans chercher à le donner. Ce présent m’a suffi, dans sa légèreté incandescente, et je ne veux pas en faire un souvenir » (p.22).

L’iris sauvage, Meadowlands, Averno, Louise Glück (par Didier Ayres)

, le Lundi, 29 Janvier 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, USA, Poésie

 

Tintinnabulement

C’est à un fin tissage de la vie et de l’œuvre de la poète Louise Glück, Prix Nobel de littérature 2020, que nous sommes conviés ici dans l’édition bilingue de trois de ses recueils. Je dis cela car je trouve important cette coalescence de la poétesse et de son écriture, et déterminant pour ma lecture. Il s’agit d’une découverte car peu de traductions sont accessibles en français (j’ai d’ailleurs publié une traduction faite avec Michaël Taugis d’un de ses poèmes, pour la revue L’Hôte). Et cette vie en sous-texte qui gagne en grâce poétique grâce à un fond matériel et vivant, tend les poèmes, les étoffe, leur donne un mystère. Donc, des références mythologiques, ou bibliques, ou encore ici ou là des petits faits de la vie quotidienne. En tout cas, quelque chose altère la prosodie, laquelle confrontée à du connu et du surprenant, se dilate et se fait meuble, profonde et englobante. Cette littérature ne se conçoit que faite de ce mélange de la vie et de l’art, et sans doute de l’art et de la vie. Le mystère : un tintinnabulement grâcieux et prenant. Cette existence sonne comme point de mire, comme punctum.

Le Rhin, Victor Hugo (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 22 Janvier 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Rhin, Victor Hugo, Folio Classique, avril 2023, Édition d’Adrien Goetz, 928 pages, 13,50 €

 

« Je suis un grand regardeur de toutes choses, rien de plus, mais je crois avoir raison ; toute chose contient une pensée ; je tâche d’extraire la pensée de la chose. C’est une chimie comme une autre ». Ainsi Victor Hugo justifie-t-il, lui qui se veut « plutôt flâneur de grandes routes que voyageur », son admiration pour le paysage « charmant » vu après « Rheinfelden jusqu’à Bruck », dans la Lettre XXXIV de ce recueil de lettres fictives qu’est Le Rhin, publié en 1842 et aujourd’hui à nouveau rendu disponible dans la forme voulue par l’auteur grâce au travail éditorial d’Adrien Goetz.

Ce voyage littéraire sur les rives du Rhin et parmi les villes qui le bordent, pour fictif qu’il soit en partie (Hugo a bel et bien voyagé en Allemagne durant les années qui précédèrent la publication du Rhin, et a écrit des lettres en 1838), répond à une motivation d’ordre politique : la question de la rive gauche du Rhin, cédée à l’Allemagne au détriment de la France, se pose de façon cruciale à la fin des années 1830, et Hugo y réagit à sa façon :