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Les Chroniques

M. Quelle, Pierrick de Chermont (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Mai 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

M. Quelle, Pierrick de Chermont, L’atelier du Grand Tétras, mars 2024, ill. Marianne K. Leroux, postf. Gwen Garnier-Duguy, 128 pages, 20 €

Fable

Livre curieux, que publie Pierrick de Chermont, où l’effet poétique est mis en crise par la présence d’un personnage (M. Quelle). Ce monsieur fait éclater la représentation grâce à des images personnelles, invente des situations, qui, pour finir, évidemment, sont les fruits d’un être de papier. Là tout le dilemme du livre : fable ou poème. En tout cas, présence aussi de l’écrivain qui prête vie à ce personnage de fiction, figure bizarrement attachante d’un héros plus proche du Don Quichotte que de Roland Furieux (même si des rapprochements pourraient être justifiés).

Cette relation entre le fictif, qui s’avère pure imagination (cet être ne peut pas exister) et la réalité (l’on pense à l’auteur dont les traits sont peut-être ceux de ce personnage de fantasmagorie), convient parfaitement au caractère littéraire qui trouve présence et existence justement dans le récit des extravagances de Quelle, donc à travers divers fantasmes, espèces lointaines de fatrasies, d’un curieux mélange métaphysique et ultra matériel. Ce qui laisse entendre que la vie de Quelle est tourmentée, profuse et parfois déconcertante.

L’Histoire Splendide, Guillaume Basquin (par Philippe Thireau)

Ecrit par Philippe Thireau , le Vendredi, 03 Mai 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’Histoire Splendide, Guillaume Basquin, éditions Tinbad, 2022, 341 pages, 23 €

 

Le poète se fait voyant par un long,

Immense et raisonné dérèglement de tous les sens.

Arthur Rimbaud

 

Pas de bonheur plus grand que commencer la lecture d’un livre qui place immédiatement le foutre au centre de tout. I-Au commencement. L’advenue au monde est immaculée, issue du souffle de l’ange Gabriel ensemençant l’oreille de Marie sainte. Verbe avant naissance. Ainsi le verbe est foutre. L’Histoire splendide de Guillaume Basquin, Éditions Tinbad, est donc d’abord l’histoire tragique de l’enfantement du monde (et suites pénibles).

Lettre (d’une mère) à un jeune poète (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 02 Mai 2024. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Poésies, Une saison en enfer, Illuminations, Arthur Rimbaud, édition de Louis Forestier, Poésie/Gallimard, 1973, 304 pages, 8,20 €

 

Monsieur,

Je n’ai pas l’honneur d’être connue de vous, ni vous de moi : aussi est-ce après mûre réflexion que je me permets de vous écrire afin de vous exprimer mon irritation, pour ne pas dire ma colère, suite à la lecture de deux de vos poèmes (Au-Cabaret-Vert et La Maline) que mon fils vient d’étudier avec sa professeure dans la perspective de l’épreuve orale de français du baccalauréat. Je ne sais d’ailleurs pas si je dois vous appeler « monsieur » car, si je suis plus jeune que vous d’une certaine façon, puisque nous ne vivons pas à la même époque, je suis cependant, étant mère, plus âgée.

Le Scribe et son Théâtre, Brève rétrospective, Marie Etienne (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 30 Avril 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, Critiques, La Une CED, Editions Tarabuste

Le Scribe et son Théâtre, Brève rétrospective, Marie Etienne, éd. Tarabuste, décembre 2023, 120 pages, 13 €

 

« Dans le titre, le masculin du mot scribe est un neutre. La langue française n’ayant pas d’autre moyen de désigner le troisième genre, ou son absence, je me contente de celui-là, sans toutefois en être contrariée. À l’impossible nulle et nul n’est tenu » (Note, p.111).

Un(e) scribe a bonne allure, et mauvaise presse. Bonne allure comme vif secrétaire, qui consigne et atteste ; mauvaise presse, comme « commis » aux écritures, sorte de parasite de l’expressivité, bon qu’à gratter notre paperasse. Mais que compile ou fixe ordinairement un scribe ? Une réalité publique d’informations. Il ne devrait donc pas (sauf ironie, ou contre-emploi) exister de « scribe » en « son théâtre », car que viendrait faire le rédacteur d’actes institués, la petite main de textes officiels, dans le monde d’abord confidentiel, fantasmatique et ostentatoire d’un « théâtre » personnel ? Et d’ailleurs – sauf dans la stricte et limitée fonction de script (bénévole ou non) des improvisations scéniques d’autrui – qu’est-ce donc qu’un scribe de théâtre ?

L’Œuvre poétique I, Le code de la nuit, Dylan Thomas (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Avril 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Iles britanniques, Poésie, Arfuyen

L’Œuvre poétique I, Le code de la nuit, Dylan Thomas, éd. Arfuyen, février 2024, trad. anglais, Hoa Hôï Vuong, 329 pages, 24 €

 

Organicité

L’important travail de traduction et de documentation qu’a fourni le traducteur Hoa Hôï Vuong, mérite largement de faire apprécier l’œuvre poétique de Dylan Thomas en France et en tous pays francophones. Cette traduction, qui n’est pas littérale, arrive cependant à restituer une vision du monde, un univers. Cette langue du poète gallois donne à écrire, à voir et à entendre une forme presque archaïsante de la langue anglaise, et, peut-être cette idée était aussi celle du traducteur. Langue nette et brute, lais modernes, écoute d’un son d’Edgard Varèse.

Ces considérations générales ne doivent pas empêcher de considérer cette littérature comme parlant depuis une organicité de la matière, saillant çà et là comme irruption de l’angoisse. Visions faites d’os et de sang, de tout ce qui est sujet au pourrissement, les asticots, la mort, tout cela se racontant comme en une double vie terrestre, vie combattant la mort, faits vifs de chacune des vies, fluidité conduisant au néant.