Identification

Les Chroniques

Ainsi parlait Colette, Gérard Pfister (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 11 Février 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ainsi parlait Colette, Gérard Pfister, Arfuyen, janvier 2025, Dits et maximes de vie choisis, 192 pages, 14

 

Le principe de cette collection (retenir d’abord les formules générales d’existence, collecter les « maximes de vie » d’un auteur) devait plutôt interdire à Colette d’y figurer – elle qui ne sait faire que dans l’immédiat, le menu, le profus et l’accident – mais le recours ici aux entretiens, à la correspondance, à son œuvre journalistique fait d’elle une sorte de philosophe obligée, qui l’aurait amusée et, de toute façon, nous enchante : peu familier de son œuvre, je note ici quelques raisons de m’être (profondément) attaché à ce recueil, libre et vif, comme elle.

« Nous ne sommes pas jolis, quand nous écrivons. L’un pince la bouche, l’autre se tète la langue, hausse une épaule ; combien se mordent l’intérieur de la joue, bourdonnent comme une messe, frottent du talon l’os de leur tibia ? Nous ne sommes pas – pas tous – élégants : la vieille robe de chambre a nos préférences, et la couverture de genoux, brodée à jours par les braises de cigarettes… » (fragment 319).

Libre, Sylvia Beretvas (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 06 Février 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, L'Harmattan

Libre, Sylvia Beretvas, Editions l’Harmattan, janvier 2025, 224 pages, 23 €

 

Le récit Libre, comme son sous-titre l’indique (« Quand un soldat de la Wehrmacht et son prisonnier deviennent frères »), fait revivre une histoire extraordinaire survenue lors de la deuxième guerre mondiale. La narratrice et auteure, Sylvia Beretvas, retrace la formidable odyssée de l’officier allemand homosexuel, Richard Abel, qui aida son père, Luigi, et quatre de ses jeunes compagnons juifs, à échapper à la mort à Tunis pendant l’occupation allemande en 1942. À l’arrivée des Alliés, le héros traqué vécut caché chez les parents du jeune juif qui l’adoptèrent comme leur fils. Mais prisonnier au Maroc, aux États-Unis, puis en Angleterre, il dût ironiquement payer les exactions commises par les nazis. C’est grâce à la dent en or donnée par sa mère adoptive juive et cousue au fond de sa doublure, qu’il fut sauvé de la mort dans un camp de travaux forcés. Il ne put retrouver l’Allemagne qu’en 1948 et demeura jusqu’à sa mort, en 2011 à l’âge de 95 ans, frère de cœur du Juif qu’il avait sauvé. L’histoire figure au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem où Richard Abel reçut le titre de « Justes parmi les nations », la plus haute distinction honorifique délivrée par l’État d’Israël et décernée à plus de vingt mille personnes depuis 1953.

Autres traces, Habib Tengour (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Février 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Autres traces, Habib Tengour, éditions Non Lieu, juillet 2024, 110 pages, 12 €

 

Le passé ?

Avec les derniers poèmes qu’Habib Tengour publie chez l’éditeur parisien Non Lieu, nous sommes très vite au sein de la question du temps. Le temps est-il progressif ? Est-ce le souvenir qui agit le plus profondément en soi ? En tout cas, Habib Tengour se penche sur ses souvenirs et sur ce qu’est devenue l’Algérie après les « années noires ». Car il y a cendre, il y a destruction, il y a patrie se confondant à l’exil, il y a des morts et des vivants. J’ai pensé à cette belle phrase de Kerouac, que je cite de mémoire : comme deux pieds de neige sur le plancher, qui pourrait devenir ainsi : deux pieds de sable sur l’âme de l’Algérie. L’on voit nettement que tout cela est fragile (tout autant que des traces de neige ou des traces d’erg).

L’anniversaire de toutes les choses, Roxana Hashemi (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 29 Janvier 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

L’anniversaire de toutes les choses, Roxana Hashemi, Éditions Nous, novembre 2024, 96 pages, 14 €

 

Cette jeune poète a l’horreur facile :

« des spores fongiques sortiront de bouches âgées

à chaque expiration

les poumons ont commencé

la décomposition

une personne posera déjà son

bébé sur le compost » (p.23)

mais elle n’a l’horreur facile, que parce que l’horreur est réelle, et que la virtuosité de cette auteure saisit son réel par cœur. La preuve est qu’elle a tout aussi naturellement l’humour facile :

Lire les Rivières précédé de La Rivière des Parfums, Bernard Fournier (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 28 Janvier 2025. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Lire les Rivières précédé de La Rivière des Parfums, Bernard Fournier, Éditions Aspect, Coll. Folium, 2017, 14 €

Le poète Bernard Fournier poursuit sa quête de Réponses (Marches III, partie I), à l’écoute symbiotique du monde naturel qui l’environne, dépositaire de voix humbles ou enfouies auxquelles de prime abord on ne prête pas toujours attention. Ici la rivière prend le relais des pierres qui, Vigiles des villages, peuvent comme nous écouter l’univers, lorsqu’« elles veillent, / les yeux mi-clos sur leurs traits lapidaires / à l’écoute du bruissement des soies, des griffures d’insectes : froissements ou feulements de fauves ». S’il ne l’arraisonne pas complètement, l’homme qui marche (cf. Marches, éd. Aspect) gère son embarquement dans sa traversée du monde, afin de ne pas se perdre et pouvoir poursuivre sa destination. Et même si la poésie – cette nourriture des mots – pourrait éventuellement égarer son cap, il se préoccupe d’accomplir un destin davantage qu’un voyage : « Apprenons la patience des orages le long des routes et des rivages » écrit le poète. Savoir la terre, les arbres, les fleurs, ici les rivières, c’est, non seulement (re-)connaître le terroir et nos territoires mais aussi, écouter l’environnement et s’y accorder, notamment en célébrant par le chant poétique la symphonie polyphonique d’un Univers-Un.