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Paroles du silence, Jeanne Tsatsos (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 24.03.25 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Paroles du silence, Jeanne Tsatsos, Éditeur Le Bois d’Orion, août 2024, trad. grec moderne, Bernard Grasset, édition bilingue, 220 pages, 19 €

Paroles du silence, Jeanne Tsatsos (par Didier Ayres)

 

Parole de lumière

Ce qui est très perceptible de suite, dans la poésie de Jeanne Tsatsos, c’est la qualité religieuse de cette traduction du grec moderne de Bernard Grasset. Au long des pages, l’on perçoit nettement l’engagement religieux de la poétesse. Et ce qui est littéraire ici, c’est la capacité de l’écrivaine à subsumer la question de la foi et des vertus théologales, en une croyance forte, ou plus généralement au sein de l’être dans l’Être. Oui, une épiphanie.

 

Étoile, Toi qui viens

à ma rencontre,

montre-moi la voie.

Cela entraîne une contemplation calme, devant le motif, accompagnée d’une langue simple, ou du moins, telle que l’a traduite B. Grasset. Parole de cathédrale, parole de prière, parole de connaissance, parole de lumière. Cette poésie, grosso modo, vient avec la clarté d’une émotion chrétienne, une émotion spirituelle qui s’en tient à l’esprit de la lettre.

 

Au sein de la peine du monde

qui étouffe le vent,

en cette unique solitude

où chacun de nous, dans les ténèbres,

lutte pour la lumière,

j’ai essayé de connaître l’homme.

 

Quel est le chemin de Jeanne Tsatsos ? Est-ce une sorte de route de Damas de la croyance ? Est-ce plutôt la marche sur la route d’Emmaüs ? Est-ce ce petit sentier où pousse le blé, que les apôtres peuvent cueillir sans souci ? Quoi qu’il en soit, c’est l’esprit du chemin qui prévaut sur sa lettre. On peut donc interpréter l’attitude spirituelle de la poète grecque comme usant de la poésie pour rendre grâce.

Devoir/foi. Esprit/lettre. Lumière/obscurité, Parole/silence. Forme/idée. Substance/esprit. Chaque poème y répond à sa manière. Et l’oxymore est utile pour rassembler les différentes images, qui, par groupe de deux confondues, finissent par écrire le monde dans sa totalité : l’homme et Dieu.

 

Dans mes ténèbres je m’incline

pour cueillir le soleil

qui jaillit de tes doigts diaphanes.

Ou

Tu m’as amenée à l’ombre de la grotte

la lumière de la mer,

m’embrassant les lèvres,

le sommeil a tressailli,

gémi et séparé,

la nuit a brillé

telle une rose l’amour

sur la terre qui surgit.

 

Il reste un voyage. À travers la profondeur de la lumière, lumière à la fois corpuscules et onde, donnant matière à un travail sans matière. Nous restons du côté musical de la prière, du murmure parfois des textes. Une somme petite qui rassemble tout. Un phénomène de grâce sacrée, resserrée et poignante. Poésie de la grâce religieuse, j’insiste.

 

Didier Ayres



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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.