Paroles du silence, Jeanne Tsatsos (par Didier Ayres)
Paroles du silence, Jeanne Tsatsos, Éditeur Le Bois d’Orion, août 2024, trad. grec moderne, Bernard Grasset, édition bilingue, 220 pages, 19 €

Parole de lumière
Ce qui est très perceptible de suite, dans la poésie de Jeanne Tsatsos, c’est la qualité religieuse de cette traduction du grec moderne de Bernard Grasset. Au long des pages, l’on perçoit nettement l’engagement religieux de la poétesse. Et ce qui est littéraire ici, c’est la capacité de l’écrivaine à subsumer la question de la foi et des vertus théologales, en une croyance forte, ou plus généralement au sein de l’être dans l’Être. Oui, une épiphanie.
Étoile, Toi qui viens
à ma rencontre,
montre-moi la voie.
Cela entraîne une contemplation calme, devant le motif, accompagnée d’une langue simple, ou du moins, telle que l’a traduite B. Grasset. Parole de cathédrale, parole de prière, parole de connaissance, parole de lumière. Cette poésie, grosso modo, vient avec la clarté d’une émotion chrétienne, une émotion spirituelle qui s’en tient à l’esprit de la lettre.
Au sein de la peine du monde
qui étouffe le vent,
en cette unique solitude
où chacun de nous, dans les ténèbres,
lutte pour la lumière,
j’ai essayé de connaître l’homme.
Quel est le chemin de Jeanne Tsatsos ? Est-ce une sorte de route de Damas de la croyance ? Est-ce plutôt la marche sur la route d’Emmaüs ? Est-ce ce petit sentier où pousse le blé, que les apôtres peuvent cueillir sans souci ? Quoi qu’il en soit, c’est l’esprit du chemin qui prévaut sur sa lettre. On peut donc interpréter l’attitude spirituelle de la poète grecque comme usant de la poésie pour rendre grâce.
Devoir/foi. Esprit/lettre. Lumière/obscurité, Parole/silence. Forme/idée. Substance/esprit. Chaque poème y répond à sa manière. Et l’oxymore est utile pour rassembler les différentes images, qui, par groupe de deux confondues, finissent par écrire le monde dans sa totalité : l’homme et Dieu.
Dans mes ténèbres je m’incline
pour cueillir le soleil
qui jaillit de tes doigts diaphanes.
Ou
Tu m’as amenée à l’ombre de la grotte
la lumière de la mer,
m’embrassant les lèvres,
le sommeil a tressailli,
gémi et séparé,
la nuit a brillé
telle une rose l’amour
sur la terre qui surgit.
Il reste un voyage. À travers la profondeur de la lumière, lumière à la fois corpuscules et onde, donnant matière à un travail sans matière. Nous restons du côté musical de la prière, du murmure parfois des textes. Une somme petite qui rassemble tout. Un phénomène de grâce sacrée, resserrée et poignante. Poésie de la grâce religieuse, j’insiste.
Didier Ayres
- Vu: 417