Identification

Les Chroniques

Quitter la terre, Daniel Morvan (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 25 Mars 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Quitter la terre, Daniel Morvan, éditions Le Temps qu’il fait, janvier 2024, 140 pages, 18 €

 

Ambiguïté

Pourquoi ce titre : ambiguïté ? Parce que le poète est polarisé entre la campagne bretonne de son enfance et une formation universitaire à Paris, laquelle s’est avérée plus difficile, je suppose, que pour les Normaliens de cette époque ; ces élèves des Écoles Normales Supérieures eux restant non clivés par cette séparation (qui sait ?), ni suppliciés par cette double dague au-dessus de leur tête. Ce recueil, en tout cas, balance de la nostalgie à la révolte, de l’intelligence naturelle au savoir savant. Daniel Morvan, je crois, est aux prises avec une culpabilité inhérente à ce mouvement de balancier. Tout l’ouvrage tourne autour de cette question, celle du déclassement social et culturel, donc vers le haut depuis le bas, mais surtout sans surplomb, sans survol, seulement axé sur un approfondissement de ces deux natures. Pour tout dire, je crois que l’on peut parler de nœud gordien. Seul le lecteur probablement est à même de trancher cette corde.

Le Carnaval sauvage, Pierre de Cabissole (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 20 Mars 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Roman, Grasset

Le Carnaval sauvage, Pierre de Cabissole, Grasset, janvier 2024, 216 pages, 20 €

 

« C’est maintenant, en revenant, que je prends conscience qu’il n’y a pas que les eaux qui stagnent sur ce parking : il y a aussi tous ces jeunes, ceux avec qui j’ai grandi. Ils croupissent mais l’ignorent. Ils ne sont pas responsables. Ils sont leurs parents. Ils sont leurs grands-parents. Bientôt ils seront morts sans avoir rien vu, rien compris, rien vécu. Après avoir gobé du vide, durant les décennies que leurs corps supporteront, on les foutra dans un trou. S’ils ne s’y sont pas jetés tout seuls. C’est pour ça que je suis revenue tirer Agnès de là, lui faire voir cet ailleurs que je connais, un monde qu’aucun regard ne contraint. Pas comme ici, en tout cas. Je suis là parce que je la désire, parce qu’en rêve je la serre nue dans mes bras… » (p.75).

Pierre de Cabissole, 43 ans, est scénariste, réalisateur de films d’animation, et natif (sincère, et lucide !) du Languedoc.

Mademoiselle Julie, August Strindberg (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 19 Mars 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Pays nordiques, Théâtre

Mademoiselle Julie, August Strindberg, édition Ulf Hallberg, Coll. Folio/Théâtre, octobre 2023, trad. suédois, inédite, Alain Gnaedig, 240 pages, 8,90 €

 

« Dans ce drame, je n’ai pas essayé de faire quelque chose de nouveau – cela est impossible. J’ai seulement tenté de moderniser la forme selon les exigences que, à mon sens, les hommes de notre temps posent à l’art du théâtre ».

Ainsi s’exprime August Strindberg dans la Préface à Mademoiselle Julie, rédigée peu après la pièce et publiée dans le même volume en 1889. « Moderniser la forme », c’est être au diapason, dans cette ville de Copenhague où réside Strindberg et qui est alors surnommée la « Paris du Nord », avec ce que les auteurs français créent en ces années 1880, dans leurs romans ou sur scène, les exemples à suivre étant les Goncourt et Zola – avec lequel l’auteur suédois correspondra.

Car le jour touche à son terme, Frédéric Dieu (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 18 Mars 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Car le jour touche à son terme, Frédéric Dieu, éditions de Corlevour, Revue la forge, janvier 2024, 80 pages, 15 €

Écobuage

Le recueil de poèmes que publie Frédéric Dieu, aux éditions de Corlevour, est intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord pour son écriture stylisée mais pas emphatique, sobre, et cependant n’hésitant pas à conduire le poème sur les rives de moments lyriques ; en somme, une langue claire et raffinée. Et pour l’essentiel l’on peut se référer à la théorie d’Empédocle sur les quatre éléments, théorie des éléments comme combustible, matière, pour avancer au sein des profondeurs de cette poésie. Car cette poésie est hantée par le feu et la terre essentiellement, jusqu’à la combustion des tourbes ; mais aussi par l’eau et l’air, ce dernier étant figuré par le vent. Donc simplicité du fond qui engage une certaine métaphysique, un lieu immatériel où se jouent les sens et les significations. Pour cela, il ne faut pas négliger des emprunts à la Bible et ses forces parlantes. C’est à cette traversée que nous sommes invités. Un monde calciné, éprouvé par les cicatrices laissées par le chemin des flammes, une sylve obscure où émergent des images, sorte d’apocalypse lente et appuyée.

Coups de griffes N°6 (par Alain Faurieux)

Ecrit par Alain Faurieux , le Lundi, 18 Mars 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Un Abri de fortune, Agnès Ledig, Albin Michel, février 2023, 368 pages, 21,90 €

Une des très grosses ventes de 2023. Qu’en dire ? Dans une marmite d’Histoire Naturelle (les herbes, grenouilles, chèvres et choux), une louche d’Histoire pour les Nuls (le bataillon perdu et ses sauveurs sacrifiés), un réchauffé social (anorexiques, ex-détenus, psys et bonnes œuvres), une pincée de sexe (sans exagération), une larme de féminisme (trans-générationnel), un soupçon (avec jeu de mots) de polar. Quelques traces d’arômes du jour (responsabilité, durabilité, réchauffement climatique et fromages de chèvre). On touille avec bienveillance. Et voilà. Ce n’est pas mal écrit, pas mal construit, ça ne pue pas une fois prêt…

Cela dit, voici un montage d’extraits sous forme Reader’s Digest (tous les mots sont de l’auteure) :