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Au-delà du ciel sous la terre, Aleš Šteger (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 24.06.24 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Au-delà du ciel sous la terre, Aleš Šteger, Gallimard, Coll. Du Monde Entier, avril 2024, trad. slovène, Guillaume Métayer, 140 pages, 16,50 €

Au-delà du ciel sous la terre, Aleš Šteger (par Didier Ayres)

 

Le haut et le bas

La poésie de Aleš Šteger que je découvre dans la fameuse Collection Du Monde Entier, de Gallimard, représente à mon sens une tentative osée de faire correspondre dans une même expression les deux pôles de notre condition humaine : le ciel et la terre. Cette conception du monde est figurée par une écriture que je serais tenté de traiter d’oxymorique. Le bas et le haut, l’espoir et le désespoir, le noir et le blanc, le bien et le mal, le beau et la laideur, la présence et l’absence, le monde physique et métaphysique, le temps et l’éternité tout à la fois. Il y a donc deux mondes, le palpable et l’impalpable, deux mondes qui luttent au sein d’un débat axiologique, où matière et esprit sont l’étayage des poèmes, son bois d’œuvre.

Connais-tu la réponse,

Ce qu’est l’être, ce qui va à sa perte

Quand l’espace est traduit en langage

Par le corps, ma très chère,

Et le corps en disparition ?

 

Ainsi le lecteur balance entre la putréfaction et le suc des choses, et cela avec une poésie légèrement lyrique et surtout appuyée sur un univers complexe et dense, qu’une seule première lecture n’épuise pas. Et puis de grandes questions se posent, à savoir : le poème peut-il transformer le monde ? Peut-il l’influencer et le rendre meilleur ? Toujours est-il que l’on ressent avec netteté le cri qui se cache dans les pages, une profonde douleur d’être là, de franchir le temps pour s’affranchir de l’angoisse.

 

L’homme

Va vers le non-homme

Et vice versa.

Précipices, monstres, épreuves.

Le lieu où sa trace se perd,

Lui prête un nom.

 

L’être humain tout autant que le poète est partagé entre deux sentiments, l’absurdité morbide du monde, et la gloire d’un homme meilleur (peut-être spiritualisé ?). De cette façon, restent le sublime et le vulgaire, l’amour et la destruction, l’être devant sa finitude et son horreur, et les stigmates de la pensée ontologique. Y a-t-il lieu de voir parfois çà ou là la guerre de Yougoslavie de la fin du 20ème siècle ? En tout cas le ton général est sombre, poèmes écrits sur le mode mineur, peu de lumière et surtout de la douleur.

 

Je porte l’indicible.

Je suis homme.

Mais à quelle fin ?

Mais pourquoi ?

Ou

Ceci est un texte plein de cartes postales.

un texte plein de nouvelles

sur diverses frontières au milieu de l’Europe.

Un texte qui enseigne

ce qu’est toute frontière,

tout ce qu’une frontière peut être.

 

Pour conclure, je dirais que l’oxymore dont je parlais en supra a une qualité évidente de rassembler des forces antagonistes dans le même poème, oxymore de la frontière close et ouverte, du grand et du petit, de dieu et de l’homme, sans jamais trancher tout à fait totalement, donc un mode à part entière au-delà du ciel sous la terre.

 

Didier Ayres



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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.