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Les Chroniques

Diogène, L’antisocial, Jean-Manuel Roubineau (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 11 Septembre 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Diogène, L’antisocial, Jean-Manuel Roubineau, PUF, janvier 2020, 235 pages, 15 €

« Que fait donc Diogène avec une lanterne ?

Se disaient des Dandys à l’élégant maintien.

Messieurs, je cherche un homme, et de mon œil lent terne

Je n’en vois pas, dit-il : ce mot les vexa bien ».

M. de Rambuteau

(Sur une caricature d’Honoré Daumier. Cf. Fig. 6 du livre)

L’homme libre

Être un homme libre, certains pensent y être parvenus, beaucoup le souhaitent qui ne le seront jamais. Démontrer sa liberté personnelle chaque jour à ses concitoyens n’est pas non plus à la portée du premier venu. De nos jours, sous nos latitudes, nous n’avons connu que le président François Hollande monté sur un engin motorisé qui, chaque matin, apportait à sa Dulcinée les croissants de leur petit déjeuner. Le fait fut observé et moqué à souhait, ce qui semble démontrer que cette liberté-là n’a pas bonne presse, sans doute parce que l’habitude de l’exercer est encore peu fréquente et mal considérée.

Réflexions sur l’état et le Diable (suite) (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 10 Septembre 2020. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Discours d’état et irraison

Il s’agit pour le maître politique de mettre en place sa domination sur l’aire des mots pour imposer son ordre signifiant. Dans les zones du langage sans cesse on côtoie le symbolique et l’émergence des signes de l’inconscient. L’ordre des discours ne peut s’imposer à la raison, surtout dans l’espace des possessions démoniaques. Il suffit de pointer le lieu, étroit et excentrique, d’où s’énonce le dire des possédées comme cri de désir inextinguible, lieu frontière, coupure dans le tissu relationnel entre individu et groupe, pour repérer qu’il interdit au discours d’état de s’adresser à la raison. C’est que la coupure dont il est question, individu/groupe, n’est que le reflet porté de l’autre coupure, constitutive des sujets barrés en ceci qu’ils ne soutiennent de désir qu’au champ de l’Autre. Le corpus de la parole d’état se fait discours de l’Autre et le projet des docteurs en science est d’occuper cette fonction par la magie d’une parole adorable. Ce dont il s’agit dans la grammaire qui régit le rapport du discours médical aux acteurs et spectateurs de la scène des possessions, joue et se nourrit de fils souterrains et nocturnes, constituants ténus d’un texte dont l’adresse se fait non à la raison, mais à la pulsion irrépressible mais manipulable, en résumé à ce qui fonde l’irrationnel dans l’aire des groupes humains.

L’Art d’aimer, Erich Fromm (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 08 Septembre 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’Art d’aimer, Erich Fromm, Belfond/Pocket, 2016, trad. anglais (USA) Jean-Louis Laroche, François Tcheng, 192 pages, 6,50 €

 

La pandémie en cours aura des conséquences économiques et sanitaires formidables, dont l’ampleur est à peine mesurable – combien de pauvres en plus, combien de morts encore, des quantités statistiques qui sont autant de vies humaines perdues. Elle a une autre conséquence, à tout le moins aussi formidable mais moins évoquée : l’éloignement humain, le manque de contacts physiques devient la norme sanitaire. Confinement, gestes-barrières, masques empêchant la communication non verbale, tout cela nous isole encore plus, tout cela nous dissocie comme définitivement de l’Autre, au seul profit des industries technologique (le « réseau social » et la visio-conférence comme palliatifs acceptés aux contacts physiques, et la consommation comme seul mode existentiel) et pharmaceutique (il serait intéressant de prendre connaissance des chiffres de la consommation d’anti-dépresseurs depuis mars 2020). Ainsi, combien de fois avons-nous entendu ou lu ces mots terribles : « Je me sens encore plus seul qu’avant », « Je n’ai plus touché qui que ce soit depuis des mois », voire « Le confinement a donné une raison officielle à ce que je vivais déjà » ?

Le théâtre est dans le pré (2) (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 08 Septembre 2020. , dans Les Chroniques, La Une CED, Théâtre


Le Collectif artistique Le Lieu-Dit, après Puissance de la Douceur, spectacle donné en ouverture du « micro-festival post confinement », a donné carte blanche à Vanessa Amaral (membre du collectif) et à Gabriela Alarcon-Fuentes, pour rêver, penser le mot sirène en amont de la représentation. Chimère maléfique ou amoureuse, ayant traversé tant d’univers imaginaires, voici la sirène. Proposition, chantier, écriture en devenir, en attendant les sirènes, se dévoile : texte lu ou dit, feuillets encore en mains comme aux répétitions.

Travail donc à deux voix, à deux corps. Tout d’abord, songe du célèbre conte cruel d’Andersen. La petite sirène, là, dans la campagne, émerge d’une mer de hautes herbes blondes que le vent par rafales agite ; elle danse dans les vagues végétales. Mais n’y-a-t-il pas dans le domaine du roi de la mer un grand jardin ?

Trois cahiers avec une chanson, Jean-Charles Vegliante (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Trois cahiers avec une chanson, Jean-Charles Vegliante, L’Atelier du Grand Tétras, juillet 2020, 64 pages, 12€

Poésie, question de l’ailleurs

Recevoir un nouveau livre, surtout s’il s’agit d’un recueil de poèmes, est toujours une façon pour moi d’aborder des questions essentielles. Donc, j’aime me confronter à la pâte du poème pour en circonvenir l’aventure sensible et projeter ainsi ma propre sensibilité, les questions qui me traversent sur le texte que je découvre. Je lis donc autant le livre pour lui-même, que je me lis dans le poème. Ici, non seulement le recueil s’ouvre sur deux textes qui orientent une compréhension globale de l’ouvrage, mais encore permettent de juger le poème à partir d’un autre lieu : la mort – dernier séjour où tous les séjours s’achèvent.

En restant un mystère, la mort construit une vision du monde, un endroit d’énigme, où se dirige la douleur du poète pour qui ce mystère fait poème. Pour Jean-Charles Vegliante cette sorte de liturgie est en relation avec la nature. Ou sinon une liturgie et néanmoins une tension vers la fin matérielle des choses, et surtout, l’arc-boutant d’un ailleurs. À mon sens, c’est cela la réponse à ces poèmes, la recherche d’un lieu, d’une habitation plausible, d’une arrivée en terre de beauté.