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Actes Sud

La Rose de Saragosse, Raphaël Jerusalmy (2ème article)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 07 Mars 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Rose de Saragosse, janvier 2018, 190 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy Edition: Actes Sud

 

L’Inquisition en terre d’Espagne, menée par celui qu’on appelle « Santa Quemada », la sainte brûlure, Torquemada lui-même, issu d’une famille de « nouveaux chrétiens », toute l’histoire tient dans la représentation : l’art de la caricature, la gravure, les livres aussi, dont on fera plus tard des autodafés, les mots, les représentations des choses, les ridicules révélés. Et puisqu’on peut être moqué par une charge, on devient vulnérable. Ce petit livre ciselé comme un bijou – ou une épée – met en lumière, en relief, le creux perdu en sculpture. Ici le manque dit ce qui s’exprime par un simple déplacement du regard :

« Son regard, attiré par les remous de l’encre, glisse de l’échine courbée de l’animal vers les flots. L’enchevêtrement des lignes qui souligne la course de l’eau l’intrigue. La met mal à l’aise. Elle y distingue une image spectrale, qui se profile petit à petit. Elle se redresse d’un coup, saisie d’effroi. Alors que, là, le cheval se tient seul sur la berge. Ici, parmi les ondes impétueuses, un homme se tien à ses côtés » (p.123-124).

4321, Paul Auster

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Février 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

4321, janvier 2018, trad. américain Gérard Meudal, 1016 pages, 28 € . Ecrivain(s): Paul Auster Edition: Actes Sud

 

Gros livre 4321 ? Assurément, avec ses 1016 pages. Mais long livre ? Nullement, tant l’écriture parfaite de Paul Auster sait nous emmener au cœur de ces vies restituées de personnages attachants, hauts en couleurs, inoubliables. Une lecture fleuve, qui emporte dans ses longues phrases fluides, un peu proustiennes, dans les méandres délicieux de la saga des Ferguson, dans les rues babéliennes de New-York, dans les folies familiales. Le grand, très grand Auster est de retour, et c’est une nouvelle formidable pour la littérature !

Ferguson est fils et petit-fils de Ferguson. Sauf que, le grand-père ne s’appelait pas Ferguson, en tout cas pas à l’origine. Il s’appelait Reznikoff. C’est toute une histoire bien sûr ! Suivons un instant grand-père « Reznikoff » :

Un océan, deux mers, trois continents, Wilfried N’Sondé

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 26 Janvier 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Un océan, deux mers, trois continents, janvier 2018, 269 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Wilfried N’Sondé Edition: Actes Sud

 

Comment faire face au mal absolu ? Sans le nommer ainsi de prime abord, Wilfried aux mesquins venus de l’océan nous donne des esquisses de réponse dans Un océan, deux mers, trois continents. Le personnage central, Nsaku Ne Vunda, est né vers 1853 sur les rives du fleuve Kongo. L’une des particularités de son destin est qu’il a été éduqué à deux sources, dont la cohabitation est à cette époque, très peu fréquente : le culte et le respect de ses ancêtres africains d’une part, une solide éducation chrétienne dispensée par les missionnaires, de l’autre. Il est ordonné prêtre et son nom chrétien est Dom Antonio Manuel… Il est chargé par le roi des Bakongos, peuple du Kongo, de devenir son ambassadeur auprès du pape Clément V.

Pourtant, Nsaku Ne Vunda va, dans un premier temps, toucher du doigt un épisode de l’histoire humaine décisif pour l’Afrique, bien sûr, mais aussi pour l’économie du monde d’alors, et pour l’Occident : la réduction à l’esclavage de millions d’Africains, et leurs déportations vers les Amériques. Ce roman évite, et c’est l’un de ses multiples mérites atouts, les pièges : celui d’étonner les Africains de toute responsabilité, on n’ose dire complicité, dans l’organisation de la chaîne de la traite négrière :

La Rose de Saragosse, Raphaël Jerusalmy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 25 Janvier 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Rose de Saragosse, janvier 2018, 190 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy Edition: Actes Sud

 

C’est un court roman que nous offre Jerusalmy, mais quelle intensité, quelle poésie, quelle délicatesse ! Le cadre de Saragosse quelques années avant « la catastrophe » annoncée pour les Juifs d’Espagne – l’exil, l’arrachement à la terre que l’on croyait pouvoir aimer pour toujours – est un écrin d’autant plus précieux et séduisant qu’il est désormais, pour Ménassé de Montesa, sa famille, et toute la juiverie* espagnole, en danger imminent de disparaître.

On est en pleine inquisition et Torquemada est de plus en plus puissant et féroce. Les mécréants, les apostats, les « sorcières » constituent son gibier ordinaire. Mais les Juifs – même les « conversos » – font ses délices mortifères.

L’inquiétude est déjà bien installée dans les maisons juives quand survient – le livre commence ainsi – le meurtre du Père Arbuès, membre de l’Inquisition, en pleine église. Les tensions alors arrivent à un sommet dans la ville.

Bénédict, Cécile Ladjali

Ecrit par Sana Guessous , le Lundi, 08 Janvier 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Bénédict, janvier 2018, 272 pages, 20,80 € . Ecrivain(s): Cécile Ladjali Edition: Actes Sud

 

Il n’est pas désagréable de cheminer entre les pages de Bénédict, le roman de Cécile Ladjali, à paraître en janvier 2018 chez Actes Sud. Les phrases sont d’une grande coquetterie. L’autrice les a parées de mille atours étincelants. « Les rais brûlants strient la dalle glacée » ; « Les fougères sourient à l’ombre de la source vive » ; « l’aube métallique fait entendre les carillons d’une partition de Purcell ». La forme de ce roman m’évoque un jardin à la française, taillé avec élégance, d’une symétrie parfaite. Une forme polie, policée, qui jure cruellement avec le fond, plutôt dérangeant.

Le fond ? C’est l’identité contrariée, déchirée de Bénédict Laudes. Le personnage central du roman s’empêtre dans un corps qui lui est étranger, qui l’encombre. En exil dans sa propre chair, Bénédict refuse l’image lisse et normée que la société lui assigne. « Non, vous n’êtes pas entièrement là », lui reproche quelqu’un. « Une partie de vous est ailleurs. Et c’est cette autre moitié qui m’inquiète. Je la devine à cette heure tardive, entre chien et loup, quand les étudiants sont partis et que nous sommes seules sous le chuchotement des arbres. Il y a quelque chose en vous que je ne comprends pas et qui me fait peur. Quelque chose qui se brouille. Qui s’efface comme le jour. Oui, vous me faites peur ».