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Actes Sud

Les oiseaux morts de l’Amérique, Christian Garcin

Ecrit par Lionel Bedin , le Jeudi, 22 Mars 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les oiseaux morts de l’Amérique, janvier 2018, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Christian Garcin Edition: Actes Sud

 

L’époque : de nos jours, avec beaucoup de retours en arrière. Le lieu : Las Vegas. Un peu en ville, sur le Strip et dans quelques rues adjacentes, mais surtout à la périphérie, vers les terrains vagues, entre autoroutes et pistes cyclables, motels miteux et collecteurs d’eau de pluie. C’est dans ces tunnels de béton que vivent quelques personnes, en marge. Parce que la vie les a amenés là. Un point commun à la plupart des protagonistes de ce roman : ils ont participé à une guerre. Hoyt est un vétéran du Vietnam. Il a 75 ans. Il cohabite avec d’autres anciens soldats d’Irak ou d’Afghanistan. Des guerres d’où ils sont revenus, avec des souvenirs atroces, traumatisés. Des souvenirs vivaces ou oubliés, ou refoulés. Ils vivent là, entre leurs souvenirs et une réalité somme toute assez tranquille : échanger quelques vannes plus ou moins philosophiques, faire la manche en ville, boire un café, dormir… et évacuer vite fait quand il pleut et que les collecteurs se remplissent d’eau.

La Rose de Saragosse, Raphaël Jerusalmy (2ème article)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 07 Mars 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Rose de Saragosse, janvier 2018, 190 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy Edition: Actes Sud

 

L’Inquisition en terre d’Espagne, menée par celui qu’on appelle « Santa Quemada », la sainte brûlure, Torquemada lui-même, issu d’une famille de « nouveaux chrétiens », toute l’histoire tient dans la représentation : l’art de la caricature, la gravure, les livres aussi, dont on fera plus tard des autodafés, les mots, les représentations des choses, les ridicules révélés. Et puisqu’on peut être moqué par une charge, on devient vulnérable. Ce petit livre ciselé comme un bijou – ou une épée – met en lumière, en relief, le creux perdu en sculpture. Ici le manque dit ce qui s’exprime par un simple déplacement du regard :

« Son regard, attiré par les remous de l’encre, glisse de l’échine courbée de l’animal vers les flots. L’enchevêtrement des lignes qui souligne la course de l’eau l’intrigue. La met mal à l’aise. Elle y distingue une image spectrale, qui se profile petit à petit. Elle se redresse d’un coup, saisie d’effroi. Alors que, là, le cheval se tient seul sur la berge. Ici, parmi les ondes impétueuses, un homme se tien à ses côtés » (p.123-124).

4321, Paul Auster

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Février 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

4321, janvier 2018, trad. américain Gérard Meudal, 1016 pages, 28 € . Ecrivain(s): Paul Auster Edition: Actes Sud

 

Gros livre 4321 ? Assurément, avec ses 1016 pages. Mais long livre ? Nullement, tant l’écriture parfaite de Paul Auster sait nous emmener au cœur de ces vies restituées de personnages attachants, hauts en couleurs, inoubliables. Une lecture fleuve, qui emporte dans ses longues phrases fluides, un peu proustiennes, dans les méandres délicieux de la saga des Ferguson, dans les rues babéliennes de New-York, dans les folies familiales. Le grand, très grand Auster est de retour, et c’est une nouvelle formidable pour la littérature !

Ferguson est fils et petit-fils de Ferguson. Sauf que, le grand-père ne s’appelait pas Ferguson, en tout cas pas à l’origine. Il s’appelait Reznikoff. C’est toute une histoire bien sûr ! Suivons un instant grand-père « Reznikoff » :

Un océan, deux mers, trois continents, Wilfried N’Sondé

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 26 Janvier 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Un océan, deux mers, trois continents, janvier 2018, 269 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Wilfried N’Sondé Edition: Actes Sud

 

Comment faire face au mal absolu ? Sans le nommer ainsi de prime abord, Wilfried aux mesquins venus de l’océan nous donne des esquisses de réponse dans Un océan, deux mers, trois continents. Le personnage central, Nsaku Ne Vunda, est né vers 1853 sur les rives du fleuve Kongo. L’une des particularités de son destin est qu’il a été éduqué à deux sources, dont la cohabitation est à cette époque, très peu fréquente : le culte et le respect de ses ancêtres africains d’une part, une solide éducation chrétienne dispensée par les missionnaires, de l’autre. Il est ordonné prêtre et son nom chrétien est Dom Antonio Manuel… Il est chargé par le roi des Bakongos, peuple du Kongo, de devenir son ambassadeur auprès du pape Clément V.

Pourtant, Nsaku Ne Vunda va, dans un premier temps, toucher du doigt un épisode de l’histoire humaine décisif pour l’Afrique, bien sûr, mais aussi pour l’économie du monde d’alors, et pour l’Occident : la réduction à l’esclavage de millions d’Africains, et leurs déportations vers les Amériques. Ce roman évite, et c’est l’un de ses multiples mérites atouts, les pièges : celui d’étonner les Africains de toute responsabilité, on n’ose dire complicité, dans l’organisation de la chaîne de la traite négrière :

La Rose de Saragosse, Raphaël Jerusalmy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 25 Janvier 2018. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Rose de Saragosse, janvier 2018, 190 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy Edition: Actes Sud

 

C’est un court roman que nous offre Jerusalmy, mais quelle intensité, quelle poésie, quelle délicatesse ! Le cadre de Saragosse quelques années avant « la catastrophe » annoncée pour les Juifs d’Espagne – l’exil, l’arrachement à la terre que l’on croyait pouvoir aimer pour toujours – est un écrin d’autant plus précieux et séduisant qu’il est désormais, pour Ménassé de Montesa, sa famille, et toute la juiverie* espagnole, en danger imminent de disparaître.

On est en pleine inquisition et Torquemada est de plus en plus puissant et féroce. Les mécréants, les apostats, les « sorcières » constituent son gibier ordinaire. Mais les Juifs – même les « conversos » – font ses délices mortifères.

L’inquiétude est déjà bien installée dans les maisons juives quand survient – le livre commence ainsi – le meurtre du Père Arbuès, membre de l’Inquisition, en pleine église. Les tensions alors arrivent à un sommet dans la ville.