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Actes Sud

Sous les lunes de Jupiter, Anuradha Roy

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 19 Avril 2017. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman

Sous les lunes de Jupiter, février 2017, trad. anglais (Inde) Myriam Bellehigue, 315 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Anuradha Roy Edition: Actes Sud

Livre écrit en Europe du Nord – écriture descriptive retenue et pointue – pour l’Inde, et par l’Inde, donc envahi des couleurs, odeurs, bruits, mélanges et foules, Histoire, bien sûr, si particuliers à ce pays unique. Le froid, les solitudes, les silences du grand nord, et les rues indiennes… alliage rare, précieux comme un parfum. Parfaitement réussi.

Croisement, tel un tressage, d’un même destin écartelé ; une jeune femme trempant ses racines dans le sang d’une guerre qu’on suppose civile, au bord du golfe du Bengale – le Bangladesh, peut-être celui qu’a chanté Georges Harrison, palpite juste derrière – et ayant poussé ses branches au cœur de forêts de bouleaux, et de lacs sous la lumière des soleils de minuit de ces contrées-là.

Il y a eu une enfance trucidée par la fin violente de tous les siens : « Quand on tuait les cochons ils poussaient des cris stridents à vous briser les tympans. C’est ce même cri que j’ai entendu, vite après que ma mère a coupé le pamplemousse et que les hommes ont fait irruption avec leurs haches. Leurs visages étaient voilés ». Il y a eu la fuite dans les marais – qui nous ramènent à ceux du Rwanda fuyant les machettes, ou à ce petit Aharon Appelfeld se cachant des Nazis. La fille du livre, et c’en est toute la force, porte en effet des ribambelles d’autres enfants martyrs. Partout sur la planète.

Sous les lunes de Jupiter, Anuradha Roy

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 01 Avril 2017. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman

Sous les lunes de Jupiter, février 2017, trad. anglais (Inde) Myriam Bellehigue, 320 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Anuradha Roy Edition: Actes Sud

 

Une très particulière ambiance dans ce roman, nimbé par une sorte de douceur, sans doute due à l’ambiance de bord d’océan dans le golfe du Bengale, dans la petite ville sainte de Jarmuli ; mais une douceur, une langueur même, qui contraste avec une vraie violence. Notamment celle d’un passé que Nomi, personnage central du roman, retourne chercher en Inde. Née là-bas, elle avait passé les dernières années de son enfance enfermées dans un ashram, alors que tous les siens avaient été avalés par la guerre.

Nomi est une jeune femme qui vit en Norvège où elle a été adoptée et c’est la première fois qu’elle retourne en Inde, officiellement pour y faire des repérages pour un documentaire. Sur place, elle est accompagnée par un assistant, Suraj, un homme un peu perdu qui fuit dans l’alcool. Dans le train pour Jarmuli, Nomi partage la cabine de trois femmes assez âgées, qui se font pour la première fois de leur vie une virée entre copines. L’une d’elle Gouri, commence à perdre la tête. Ces trois femmes, Nomi, Suraj et d’autres personnes encore, chacune aux prises avec ses espoirs, ses tourments ou un passé douloureux, vont pendant quelques jours se croiser et se recroiser à Jarmuli, leurs histoires individuelles tissant peu à peu une toile qui les relie.

La tentation du vide, Christos Chryssopoulos

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 31 Mars 2017. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman

. Ecrivain(s): Christos Chryssopoulos Edition: Actes Sud

 

Le titre français de cet ancien livre du grec Christos Chryssopoulos, l’un de ses premiers, nous dit un peu plus que ne le fait le titre original, Shunyata, en nous soufflant un peu de l’énigme de ce mot pour le lecteur qui ne connaîtrait ni le bouddhisme ni le sanskrit.

Cela commence dans une bourgade perdue quelque part aux Etats-Unis, sur la côte ouest, celle du Pacifique. Wiliamstown. En 1951, à la veille du printemps, il ne se passe pas grand-chose dans cette ville si tranquille, héritière de pionniers somme toute ordinaire, et où les événements historiques les plus importants ne sont que des faits divers locaux. Une petite ville où le rêve américain est bien présent, nourri par la croissance de l’époque et la croyance en un progrès infini à venir, déjà en route. Mais voilà qu’au premier jour du printemps de cette année, la plus curieuse des épidémies frappe la ville : dans la nuit quatorze adolescents se sont donné la mort dans le secret de leurs chambres. Quatorze décès qui touchent onze familles. Pourquoi ? Quel mystère, quel divin châtiment peuvent-ils expliquer cette inconcevable coïncidence ?

Telluria, Vladimir Sorokine

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 10 Mars 2017. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman

Telluria, février 2017, trad. russe Anne Coldefy-Faucard, 352 pages, 22,20 € . Ecrivain(s): Vladimir Sorokine Edition: Actes Sud

 

Telluria est une sorte de grande fresque post-contemporaine qui propulse et bringuebale le lecteur dans les prochaines décennies du XXIe siècle, dans une Russie éclatée par des tendances séparatistes alors que les Chinois ont débarqué sur Mars, et sur un territoire plus vaste encore allant de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, à travers une Europe post-wahhabite, elle-aussi éclatée. Une sorte de Moyen-âge de science-fiction dans lequel il est difficile de trouver des repères pour commencer, tellement c’est la pagaille. Ça démarre dans une sorte de fabrique de casse-têtes, où on comprend qu’il y a des petits et des grands, les petits étant vraiment minuscules et les grands vraiment géants. Et ce ne sont pas les seules créatures étranges qu’on croisera tout au long du foisonnement de ces 350 pages, des humains zoomorphes, des centaures et des robots… On y voyage plutôt à voiture à cheval, les autotractés étant de plus en plus rares, et elles roulent à la pomme de terre, certains privilégiés peuvent voler aussi avec des ailes motorisées. La dystopie fait dans le post-anachronisme.

Le silence même n’est plus à toi, Aslı Erdoğan

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Samedi, 25 Février 2017. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Bassin méditerranéen

Le silence même n’est plus à toi, janvier 2017, trad. turc Julien Lapeyre de Cabanes, 176 p., 16,50 € . Ecrivain(s): Aslı Erdoğan Edition: Actes Sud

 

C’est un long cri d’alarme et de douleur que pousse Aslı Erdoğan tout au long de ce petit et précieux recueil composé de vingt-neuf chroniques de la vie turque d’aujourd’hui. De nombreux thèmes sont abordés : le statut des femmes dans la société, le manque de liberté, d’égalité, la répression, l’enfermement, l’étouffement.

Le titre du recueil est tiré d’un poème de Georges Séféris, Gymnopédie, « Mycènes » :

« Le silence même n’est plus à toi,

En ce lieu où les meules ont cessé de tourner ».

Dans ce pays d’oppression, même notre propre mort nous est confisquée. En temps de guerre, il semble que le monde ait moins besoin de vérité. C’est pour la défense d’une vérité intangible de l’humain et de la femme, en laquelle elle croit et pour laquelle elle s’engage jusqu’à l’emprisonnement, qu’Erdogan prend la plume.