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Actes Sud

Les dieux de la steppe, Andreï Guelassimov

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 24 Janvier 2017. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman

Les dieux de la steppe, novembre 2016, trad. russe Michèle Kahn, 348 pages, 22,80 € . Ecrivain(s): Andreï Guelassimov Edition: Actes Sud

 

On s’attache vite à Petka, ce gamin dégourdi, inventif, ce bâtard, ce fils de pute comme la plupart l’appellent, puisqu’il n’a pas de père ou tout du moins on ne lui dit pas qui c’est. Petka vient d’adopter un louveteau en cachette, le sauvant ainsi d’une mort certaine, promettant d’apporter en échange aux militaires de la gnole que son grand-père vend en contrebande chez les Chinois, de l’autre côté de la frontière. Petka, dont la mère est très jeune et très dépressive, traîne surtout chez sa grand-mère Daria et le grand-père Artiom. Petka est la cible préférée de toute une bande de méchants garnements menée par Lionka l’Atout, véritable petit tyran, dont la mère fréquente beaucoup les militaires, tandis que le père est au front.

Nous sommes en 1945, dans un petit village au fin fond de la Sibérie nommé Razgouliaevka. Il n’y a pas grand-chose à manger, la vie semble comme au ralenti et l’un des jeux principaux des gamins consiste à chercher Hitler, qui se cacherait quelque part dans le coin. La guerre n’est pas tout à fait finie, une offensive contre les Japonais se prépare.

Trois ex, Régine Detambel

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 21 Janvier 2017. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Trois ex, janvier 2017, 144 pages, 15,80 € . Ecrivain(s): Régine Detambel Edition: Actes Sud

 

L’auteur de Opéra sérieux et de La Splendeur aime assez nous plonger dans un romanesque documenté, où l’histoire nourrit le portrait des personnages. On retrouve ici dans Trois ex ce goût pour des personnages réels, hauts en couleurs. La figure d’August Strindberg sert de fil conducteur à ce récit des trois mariages du dramaturge. L’écriture suit de 1877 à 1912 les soubresauts intimes, familiers, conjugaux de l’écrivain suédois (1849-1912). Trois femmes – Siri, Frida, Harriett – composent ce livre qui passe au scalpel fin les déroutes sentimentales d’un homme, trop conscient de ses mérites, bousculant la tradition, heurtant les bonnes conventions, s’imposant avec brutalité et égoïsme à ses proches.

Qu’il est ardu, pour ces femmes qui l’aiment, de devoir supporter ce caractère infernal (n’a-t-il pas écrit Inferno ?), de subir les emprunts pour ses livres à leur vie personnelle. Ce qu’il fait pour toutes ses connaissances, avec un plaisir semblable : puiser dans les défauts de tout un chacun pour mieux les exhiber dans ses pièces et romans.

Tout dort paisiblement, sauf l’amour, Claude Pujade-Renaud

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 20 Janvier 2017. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Tout dort paisiblement, sauf l’amour, mars 2016, 308 pages, 22 € . Ecrivain(s): Claude Pujade-Renaud Edition: Actes Sud

 

1855. Un homme est mort à Copenhague. Une femme, à Sainte Croix où elle a suivi son mari gouverneur, informée plusieurs semaines après de ce décès, se plonge dans ses souvenirs.

Quelle était la véritable personnalité de cet homme et quelle place a-t-elle tenu dans sa vie, se demande-t-elle avec d’autres proches dont les voix, à travers journaux intimes et lettres, se croisent pour percer ses mystères.

Le procédé romanesque est classique sauf qu’ici, les personnages ont réellement existé. Ce sont le philosophe Søren Kierkegaard, auteur du célèbre Journal du séducteur, et Régine Olsen, la fiancée qu’il abandonna avant de consacrer des centaines de pages à leur histoire.

Fruit d’une lecture très attentive de ses livres, le récit consacré à la figure de Kierkegaard est une histoire d’amour hors du commun mais aussi une réflexion sur la création – celle-ci nécessite-t-elle la souffrance ? – la mémoire et l’écriture.

Continents à la Dérive, Russell Banks

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 16 Décembre 2016. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, USA, Roman

Continents à la Dérive, octobre 2016, nouvelle trad. américain Pierre Furlan, 448 pages, 23 € . Ecrivain(s): Russel Banks Edition: Actes Sud

 

Une nouvelle traduction d’un roman chéri, c’est comme une nouvelle robe sur une femme aimée : l’on se demande ce qu’elle va souligner de sa beauté, ce qu’elle va mettre en valeur de ses charmes, et l’on s’inquiète même un peu avant de l’apercevoir enfin… Ainsi, lorsqu’est annoncé par Actes Sud que Pierre Furlan, par ailleurs préfacier de la traduction précédente de Continents à la Dérive (1985) par Marc Chénetier, a retraduit ce roman, l’amateur de Russell Banks (1940) non anglophone s’attend, avec une légère pointe d’anxiété, à redécouvrir ce roman-clé dans l’œuvre de son auteur.

Afin d’apprécier le travail de traduction, il n’est que de comparer. Pour ce faire, voici la première phrase de l’Envoi de Continents à la Dérive (nous reviendrons plus loin sur cet Envoi, l’un des textes les plus lumineux sur la littérature et son importance essentielle parus ces cinquante dernières années) : « And so ends the story of Robert Raymond Dubois, a decent man, but in all the important ways an ordinary man. One could say a common man ». Dans la version de Chénetier, ça donne ceci : « Ainsi, donc, s’achève l’histoire de Robert Raymond Dubois, homme respectable mais, à tous autres égards qui vaillent, homme ordinaire ». Dans celle de Furlan, ceci : « Ainsi se termine l’histoire de Robert Raymond Dubois, homme convenable, mais, dans tous les domaines qui comptent, ordinaire ».

Dans la tête d’Andrew, E. L. Doctorow

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Décembre 2016. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Dans la tête d’Andrew (Andrew’s Brain), traduit de l’américain par Anne Rabinovitch novembre 2016. 191 p. 21 € . Ecrivain(s): Edgar Laurence Doctorow Edition: Actes Sud

 

Juste avant de quitter ce monde l'an dernier, Edgar Lawrence Doctorow nous a fait un dernier cadeau littéraire. Somptueux, révolutionnaire, il dynamite toutes les règles du récit classique et nous livre un roman beau à pleurer. Un monologue à trois voix. Est-ce possible ? Un narrateur, le narrateur devenu lui et les relances ou brefs commentaires du psy. Andrew est cerné par les tenants de la question sur lui-même. Il doit avouer, se dire, se pleurer, s’amender, parvenir peut-être à la rédemption ?

Mais il ne faut pas s’y tromper : ce « trilogue » intérieur masque un véritable vacarme et les voix qui s’y mêlent sont celles des vies d’Andrew, multiples et tumultueuses, traversées de moments lumineux et – toujours et durement – de douleurs incurables. Andrew le fils, le mari, le père, le divorcé, le veuf. Andrew le bourreau parfois, la victime toujours. On pense à l’arc d’Héraclite, dont le nom est vie et dont l’œuvre est mort. Andrew regarde et dit sa vie avec lucidité et sans jamais verser dans la plainte. Au contraire, il est d’une sévérité impitoyable avec lui-même, accordant aux autres toutes les vertus, à lui tous les vices. Et même ses vertus, nous dit-il, ne sont qu’apparences.