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Actes Sud

Bienvenue à Calais, Les raisons de la colère, Marie-Françoise Colombani, Damien Roudeau

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 22 Mars 2016. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albums, Bandes Dessinées

Bienvenue à Calais, Les raisons de la colère, février 2016, 56 pages, 4,90 € . Ecrivain(s): Marie-Françoise Colombani, Damien Roudeau Edition: Actes Sud

 

Un petit format, des textes et des croquis sur le vif, 56 pages et il pèse des tonnes ce carnet, des tonnes de gâchis, des tonnes d’espoir, des tonnes d’injustice et d’absurdité, un peu de rêve, beaucoup de désillusions. Des élans aussi, nombreux, de la bonté, de la solidarité, pour porter tout ça, pour sécher la boue et les larmes, adoucir un peu la cruauté, mais pas la cacher non, bien au contraire, et c’est la raison d’être de ce livre dont les bénéfices et droits d’auteurs seront reversés à l’Association l’Auberge des migrants* : montrer sans fard, exposer « les raisons de la colère », refuser la honte, dénoncer l’intolérable, sortir des chiffres et des termes génériques : migrants, réfugiés, ou le moins connu « dublinés » qui pousse de nombreuses personnes à brûler ou mutiler l’extrémité de leurs doigts pour effacer leurs empreintes, pour mettre des noms sur des visages, des personnes, des parents, des enfants, des adolescents, des jeunes étudiants, des boulangers, des avocats, des profs, des commerçants… Et raconter quelques éclats de vie, qui trop souvent sont des morts absurdes, atroces… Impardonnables.

La poupée de Kafka, Fabrice Colin

Ecrit par Anne Morin , le Jeudi, 03 Mars 2016. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La poupée de Kafka, janvier 2016, 259 pages, 20 € . Ecrivain(s): Fabrice Colin Edition: Actes Sud

 

L’histoire de la poupée de Kafka repose jusqu’à la fin sur un malentendu, des faux-semblants. Des mésententes, ou des rencontres esquissées, ratées, avortées d’un père, Abel Spieler, trop souvent absent, distrait ou au contraire trop pesant, et de sa fille, Julie, autodidacte, volontaire, intrépide, vivante, en quête désespérément d’un point d’accroche, d’un accord avec ce père enseignant, séducteur impénitent, vivant dans les traces de Kafka dont il connaît tous les tours et détours, les ombres et les lumières, les faux jours de la personnalité :

« Quelle que soit la véhémence avec laquelle le professeur s’en défendît, le saltimbanque Kafka, le funambule, le déséquilibriste, avait toujours occupé une place à part dans son cœur, dédaignant querelles et piètres batailles, planant en souverain au-dessus des oriflammes littéraires » (p.30).

Elle, Julie, se réfère le plus souvent aux aphorismes de Zürau, son père au Journal, au Procès, à La Métamorphose (p.155). Curieusement (?) Le Château où se perd la trace de Kafka, de son côté le plus suspendu, en suspens, s’il n’est pas cité une seule fois, est partout présent et se révèle enfin dans le délire de Julie :

Kannjawou, Lyonel Trouillot

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 16 Février 2016. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Kannjawou, janvier 2016, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Lyonel Trouillot Edition: Actes Sud

 

Le vocable « Kannjawou » signifie dans la culture populaire d’Haïti le partage, la fête, à l’occasion de réjouissances. Dans le roman de Lyonel Trouillot intitulé ainsi, ce dernier met en scène cinq jeunes gens, qui à la veille de leur entrée dans l’âge adulte, osent encore rêver de leurs avenirs : ils se nomment Sophonie, jeune serveuse au Kannjawou, nom d’un bar du quartier de l’Enterrement à Port-au-Prince, Wodné, Joëlle, Popol. Leur soutien quotidien, c’est man Jeanne, mère de substitution un brin protectrice, qui tente de sauvegarder des règles d’humanité et prodigue des conseils à ces cinq adolescents, peut-être déjà en danger de perdition. Un autre personnage, le « petit professeur », tente grâce à sa vaste bibliothèque de leur inculquer des bribes de connaissances, de l’éducation.

Mais comment cela est-il réalisable dans ce pays, Haïti, dont l’auteur nous rappelle, très opportunément, qu’il a été occupé une première fois par les Américains, de 1915 à 1934, et qu’il est occupé une seconde fois par les ONG, les organisations non gouvernementales, depuis le récent tremblement de terre de 2010. Ce que met en relief Lyonel Trouillot, c’est le décalage entre les bonne intentions de ces occupants, et la réalité haïtienne :

Le feu de Jeanne, Marta Morazzoni

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 06 Janvier 2016. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Italie, Histoire

Le feu de Jeanne, octobre 2015, trad. italien Marguerite Pozzoli (Il fuoco di Jeanne), 189 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Marta Morazzoni Edition: Actes Sud

 

C’est plus à une exploration empreinte d’une certaine nostalgie que nous convie Marta Morazzoni en partant sur les traces de celle qui n’était peut-être pas que la paysanne lorraine que l’histoire a retenue et exploitée, en faisant l’étendard de causes pas toujours compatibles entre elles. On peut trouver un peu anachronique une telle quête, ou pire, la penser suspecte d’on ne sait quelle nouvelle exploitation idéologique et politique. Ce serait oublier ce qu’il peut y avoir d’étrange, d’inexpliqué, voire de fascinant dans le destin de la Pucelle – sans doute bien reconstruit par la légende, par l’histoire ou par ceux qui les écrivent. Le cinéma ne s’y est pas trompé qui a à maintes reprises tenté de donner visage, chair, regard et voix au personnage, de Renée Falconnetti (1) à Sandrine Bonnaire (2), ou d’Ingrid Bergman (3) à Jean Seberg (4). Et nous ne parlerons pas de la peinture, du théâtre, de la musique, de la chanson… Histoire et fiction se sont emparées régulièrement du personnage et ce Feu de Jeanne pourrait n’être qu’un volume de plus dans une longue série. Mais en même temps, nous ne sommes ici ni sur le territoire de fiction, ni sur celui de la rigoureuse recherche historique. Mêlant l’autrefois des neiges d’antan, et l’aujourd’hui, Marta Morazzoni nous entraîne dans une recherche/rêverie des traces du mythe, sur les lieux même où son histoire s’est déroulée, de la Lorraine au Pays de Loire, de Paris à la Normandie.

A toi, Claudia Piñeiro

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 02 Décembre 2015. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman

A toi, avril 2015, trad. espagnol (Argentine) par Romain Magras (Tuya, 2005), 176 pages, 18 € . Ecrivain(s): Claudia Piñeiro Edition: Actes Sud

 

Il suffira d’un petit mot griffonné avec un bâton de rouge à lèvre qui dit « à toi » pour qu’Inès découvre que son mari Ernesto a une aventure extra-conjugale. Une aventure qui ne doit pas être la première et qu’elle s’efforce de trouver bien compréhensible, excusable même, car il ne l’a pas quittée pour autant. Tant que les apparences sont sauves et qu’il n’y a pas de drame spectaculaire… L’autre, c’est apparemment la secrétaire de son mari. Poussée par une irrésistible curiosité, Inès va cependant suivre celui-ci sur l’un de ses rendez-vous nocturnes… pour assister au meurtre accidentel de sa rivale !

Dans une famille exemplaire de la bourgeoisie aisée de Buenos Aires, il va falloir cacher les choses. Disparition des preuves, à commencer par le corps, fabrication des alibis… heureusement qu’Inès est là pour sauver ce couple et cette famille si convenable. Une épouse et mère « modèle » dont on découvre petit à petit le peu d’estime dans laquelle sa fille et son époux la tiennent. Un couple bien convenable qui est aussi passablement égoïste et centré sur lui-même. Un couple qui semble plutôt bien désuni malgré les apparences et qui ne voit rien de ce qui arrive à leur fille, Laura dite Lali. Lali qui se retrouve bien seule pour faire face à ce qui lui arrive et qui va radicalement transformer sa vie.