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Actes Sud

Les Bonnes Gens, Laird Hunt

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 18 Mars 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Les Bonnes Gens (Kind One), traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut, février 2014 256 p. 21,80 € . Ecrivain(s): Laird Hunt Edition: Actes Sud

 

1910. Au crépuscule de sa vie, une femme se souvient. Elle s’appelle Ginny Lancaster. Autrefois, elle était surnommée « Scary Sue ». Scary, qui vient de sa cicatrice (« scar », en anglais), un cercle rouge sombre au-dessus de l’os de sa cheville, qu’elle se fait un malin plaisir à entretenir. « Dès que la cicatrice se mettait à se résorber, elle commençait à lui donner un ou deux coups bien sanglants ». Scary, aussi, comme celle qui fait peur.

A quatorze ans, quelques années avant la guerre de Sécession, Ginny se marie avec un cousin éloigné, Linus Lancaster. Il lui a promis une grande propriété, une vie de princesse, mais elle se retrouve dans une ferme isolée du Kentucky, dans un élevage de porcs. C’est bien à eux seuls que le maître des lieux est capable de témoigner quelques égards. Sinon, c’est un être abject. Un tyran domestique. Un véritable porc qui maltraite ses esclaves noirs et sa femme.

Prenant prétexte d’une hypothétique stérilité de Ginny, il se met à abuser sexuellement de ses deux domestiques, Cleome et Zinnia, qu’il appelle ses « filles ».

Ame qui vive, Véronique Bizot (2ème critique)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 18 Mars 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Ame qui vive, février 2014, 110 pages, 14,80 € . Ecrivain(s): Véronique Bizot Edition: Actes Sud

Il y a du Thomas Bernhard dans ce livre… mais une forme de désespoir qui trouve son exutoire moins dans le ressassement que dans l’engluement.

Quatre personnages, quatre hommes et parmi eux, deux frères, dans des lieux inhospitaliers, vivant là parce qu’ils l’ont choisi – ou accepté, mais n’est-ce pas la même chose ? – pour un temps. Accepté, choisi, le pire, la fatalité du pire.

Fouks, dramaturge à succès, détruisant au fur et à mesure toute production, cloîtré, enterré dans une maison lugubre :

« Et si une forme de joie avait autrefois existé chez eux (joie de vivre) elle donnait l’impression de les avoir depuis longtemps désertés, et sans doute s’étaient-ils, après quelque temps d’étonnement, habitués à se passer d’elle. Mais j’aimais bien les observer, assis dans l’atelier, ou bien Montoya et mon frère installés dans la bibliothèque face au bureau de Fouks éclairé par une lampe de cuivre, Fouks leur lisant parfois des passages de son travail, ce qu’il n’avait jamais fait avant de rencontrer Montoya, et raturant vigoureusement au fur et à mesure de sa lecture, si bien qu’il finissait par s’interrompre complètement et se mettait à tout récrire comme si nous n’avions pas été là » (p.36-37).

Terreur Apache, William Riley Burnett

Ecrit par Victoire NGuyen , le Dimanche, 16 Mars 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Terreur Apache, traduit de l’Anglais (USA) par Fabienne Duvigneau, novembre 2013, 416 p. 20 € . Ecrivain(s): William Riley Burnett Edition: Actes Sud

 

L’altérité radicale


Walter Grein est dépêché par le gouvernement pour partir dans l’Arizona afin de capturer le chef apache Toriano qui s’est enfuit de la Réserve. Constituant une armée, celui-ci sème la terreur en massacrant les fermiers et les habitants. Il nargue la puissance des tuniques bleues. Walter Grein, lui aussi, constitue un groupe d’élites et chevauche sur les terres sauvages jusqu’aux confins des frontières connues afin de neutraliser Toriano.

En pur western, le roman décrit une action qui s’est réellement passée en 1886 dans les contrées arides de l’Arizona. D’ailleurs, à la fin du roman, grâce au « Note de l’auteur », le lecteur apprend que le personnage de Walter Grein est inspiré en partie de la célèbre figure du chef des éclaireurs Al Sieber durant les guerres avec les tribus indiennes.

Le monde futur, Wang Xiaobo

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 07 Février 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman

Le monde futur, traduit du chinois par Mei Mercier, octobre 2013, 190 Pages, 20 € . Ecrivain(s): Wang Xiaobo Edition: Actes Sud

 

La résistance d’un intellectuel


Le monde futur est un récit qui se scinde en deux temps. D’abord, le livre s’ouvre sur l’histoire de « L’oncle ». Cet homme, décédé au moment où commence l’intrigue, a été écrivain. Cependant ses œuvres n’ont jamais été publiées : « Mon oncle était écrivain, mais il n’a rien publié de son vivant ». Le narrateur, son neveu, est chargé d’écrire une biographie de cet oncle : « (…) ils sont venus me voir et m’ont demandé de consacrer à mon honorable oncle une biographie ». Et c’est l’occasion pour le narrateur de commenter l’histoire de vie de son oncle et particulièrement ses relations avec les femmes. C’est aussi une opportunité pour ce biographe de mettre en exergue ses propres émois sexuels face à sa tante pour qui il nourrit passion et fantasmes érotiques. Racontée sur le mode de la dérision et de l’humour, la biographie est immédiatement condamnée. Loin d’une narration classique, le livre choque par ses références sexuelles. Le narrateur est accusé de pornographie et devient à son tour un être nuisible à reconditionner.

Tout s'effondre, Chinua Achebe

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 06 Février 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman

Tout s’effondre (Things fall apart), octobre 2013, trad. de l’anglais (Nigeria) Pierre Girard, 230 p. 21,80 € . Ecrivain(s): Chinua Achebe Edition: Actes Sud

 

Avant même de s’introduire en ce roman, il est recommandé au lecteur de se défaire de ses œillères ethnocentriques d’Européen, d’oublier la vision déformée qu’il se fait de l’Afrique et des Africains au travers du prisme de ses repères usuels, de s’extraire de ses propres critères culturels, de ne pas se conduire, surtout, en touriste textuel.

Il faut épouser le point de vue du narrateur, qui est lui-même profondément inscrit, ancré, enraciné dans le contexte « civilisationnel » du récit, et entrer dans l’univers du personnage principal, Okonkwo, membre de l’importante ethnie ibo, répartie, à l’époque de l’histoire qu’on peut situer aux XVIe/XVIIe siècles, au moment où commencent les rafles massives organisées par, ou pour, les marchands d’esclaves, et où arrivent les premiers missionnaires chrétiens, en une multitude de petites communautés villageoises autonomes sur un vaste territoire correspondant à la province orientale du Nigeria actuel.

C’est dans l’une de ces communautés constituées de neuf villages indépendants que naît Okonkwo, qui, dès qu’il est en âge de raisonner, jure de se démarquer de son père, connu pour ne pas être des plus courageux.