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Actes Sud

La petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mardi, 28 Janvier 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La petite communiste qui ne souriait jamais, janvier 2014, 310 p. 21 € (14,99 € en version numérique) . Ecrivain(s): Lola Lafon Edition: Actes Sud

La fabrique des gymnastes machines

Pour Lola Lafon, son roman suit une trajectoire précise : écrire sur Nadia Comaneci, mais à sa façon sans que cela ne soit une biographie. D’ailleurs Lola Lafon le précise à Nadia :

« Lors de notre premier échange téléphonique, je précise à Nadia C. que ce récit ne sera pas forcément exact, je me donne le droit de remplir ses silences. Nous convenons que je lui enverrai les chapitres au fur et à mesure pour qu’elle donne son avis ».

Ainsi, dès le début, un contrat d’écriture est posé. Le roman prend en compte le témoignage de la concernée sur les événements qu’elle a vécus, mais Lola Lafon se donne le droit d’intervenir dans son récit pour retoucher certains détails, compléter la version de Nadia ou encore la confronter à celles des journalistes ou historiens sur la Roumanie sous Ceausescu et sa prise de position vis à vis du régime. L’auteur veut avant tout maintenir son récit dans une certaine objectivité. Elle cherche à détruire l’icône de la gymnaste pour retrouver sous le masque de cire la jeune femme complexe et ambiguë. Sa mission est d’éviter l’hagiographie. Ainsi, Lola Lafon réussit sa deuxième mise au point : un pacte de lecture avec son public.

Mourir pour la patrie, Akira Yoshimura

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 28 Janvier 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Japon

Mourir pour la patrie, Trad. du japonais par Sophie Refle janvier 2014, 176 pages, 18,50 € (13,99 € en numérique) . Ecrivain(s): Akira Yoshimura Edition: Actes Sud

 

Les récits de guerre peuvent refléter fidèlement l’état d’esprit des combattants décrits dans ce type de texte. C’est assurément le cas avec Mourir pour la patrie d’Akira Yoshimura. Ce roman se déroule lors de la bataille d’Okinawa, intervenue entre le 1er avril 1945 et le 21 juin de cette même année. Un jeune collégien japonais, Higa Shinichi, est enrôlé dans le bataillon de la première école secondaire d’Okinawa. Pourtant, ce jeune garçon, patriote jusqu’au bout des ongles, est déçu : il n’est pas affecté dans une unité combattante, mais dans un service de secours et d’évacuation des blessés. Son souhait le plus cher est de mourir en soldat japonais : dans l’honneur et par le sacrifice pour le « pays des dieux ».

Ainsi éprouve-t-il face aux événements ordinaires de la guerre des sentiments d’attirance : « De multiples fusées éclairantes retombaient en se balançant comme des tentacules de méduse dans le ciel au-dessus de la zone ciblée. Les flammes rouges qui montaient de la terre lui firent penser à l’éclat des torches d’une immense armée qui avancerait dans la nuit. Il observa avec ravissement ce spectacle nocturne ».

Beau Repaire, Jacques Higelin reçoit. Livre-CD, collectif

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 27 Janvier 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Beau Repaire, Sony Music Entertainement, distribué par Actes Sud, novembre 2013, 151 pages, 25 € Edition: Actes Sud

 

L’idée de départ était simple : donner carte blanche à une dizaine d’auteurs pour illustrer, chacun à sa manière, avec une totale liberté dans le choix et dans la forme, l’un des douze morceaux du dernier album de Jacques Higelin, Beau Repaire, dans un livre-CD.

Pour ce faire, Jacques Higelin reçoit dans son antre musical et littéraire Olivier Adam, Tonito Benacquista, Jacques A. Bertrand, Didier Daeninckx, Agnès Desarthe, Arthur Dreyfus, Brigitte Fontaine, Jérôme Garcin, Brigitte Giraud, Valentine Goby, François Morel, Atiq Rahimi, Sylvain Tesson et Nadine Trintignant. Quatorze auteurs pour douze chansons, inutile de chercher l’erreur… la liberté préside à ce recueil ; c’est précisé dès l’introduction. Liberté, amitié, complicité, admiration qui lient et soudent chacun d’entre eux, toutes générations et toutes sensibilités confondues, au grand Jacques.

Le résultat est, comme l’indique Clémentine Deroudille, journaliste et productrice à l’origine avec Nicolas Renault du projet, « un kaléidoscope littéraire foisonnant et démultiplié ».

Feuilletons ensemble les pages de cet ouvrage.

Plein hiver, Hélène Gaudy

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mercredi, 22 Janvier 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Plein hiver, janvier 2014, 200 pages, 20 € . Ecrivain(s): Hélène Gaudy Edition: Actes Sud

 

Oh ! certes ! il y a de vraies solitudes. Des vies qui laissent indifférents tous les autres humains. Des êtres dont personne ne s’aperçoit qu’ils ne sont plus là. D’ailleurs, dans le roman d’Hélène Gaudy, Plein hiver, il y a un cas de ce genre ; à peu près. Il s’appelle Prince Buchanan. Mais même ainsi à l’écart de tous, dans cette maison qu’il « avait construite lui-même, rondin par rondin, sans demander l’aide de personne », Prince Buchanan n’est pas complètement ignoré. Quelques-uns des adolescents de Lisbon lui rendent volontiers visite ; pour se distraire d’un quotidien morne, il est vrai. (Et lorsqu’un de ces jeunes, David Horn, disparaît, qu’on se retrouve sans le moindre commencement d’une explication, on suspecte aussitôt… Buchanan.)

Lisbon ? David Horn ? C’est vrai ; reprenons dans l’ordre – un certain ordre – des faits extrêmement et vertigineusement emmêlés dans le roman. Lisbon, David Horn, ce sont là les trois mots à retenir, des noms qui reviennent sans cesse tout le long du roman. Les tout premiers mots du roman sont les suivants : « David revenu à Lisbon ». Comme un télégramme, jadis. (L’époque où se situe le roman n’est pas explicitement indiquée, mais il est une fois question de mail et d’Al-Qaïda.) Lisbon donc, c’est le lieu. Un de ces lieux dont on se demande, en les traversant en voiture, ce qui peut expliquer que des êtres y demeurent.

Feu pour feu, Carole Zalberg

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 21 Janvier 2014. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Feu pour feu. Actes Sud/un endroit où aller janvier 2014. 72 p. 11,50 € . Ecrivain(s): Carole Zalberg Edition: Actes Sud

Ce tout petit livre n’a guère besoin d’un mot de plus. Nous sommes là dans un exemple de l’économie littéraire : tout est dit – et comment – dans un souci de ciselure parfaite de la narration. Un petit bijou.

Mais dont les éclats font mal, aux yeux, au cœur, à l’esprit. Ce court roman est un choc dont l’onde se prolongera longtemps dans la mémoire du lecteur. Tragédie d’une vie arrachée – en apparence - à la mort mais qui restera frappée à jamais du sceau de la tragédie. Un père et sa fille. Il l’a sauvée au milieu des flammes de l’enfer de la guerre civile, tribale. Il l’a ramenée sur son dos, pour un interminable voyage, « comme un petit crabe se desséchant rivé à son rocher » vers la sécurité de la civilisation. De la Terre Noire au Continent Blanc. Plus qu’un voyage, une odyssée improbable, rendue possible par la force d’un père qui rêve pour sa fille d’un avenir meilleur.

La narration est à la première personne du singulier. Elle s’étire comme une longue phrase intérieure, adressée à la fille – pour elle ? Pour soi ? – pour exorciser en tout cas  la part d’ombre que porte le père. Ce « je » expulse l’horreur d’autrefois mais aussi (surtout) celle d’aujourd’hui car le Feu de l’enfer d’hier devient le Feu d’un autre enfer, celui d’aujourd’hui. Comme dans une boucle fatale, la marque de la douleur ne peut – et c’est le cœur du roman de Carole Zalberg – que produire de nouveau la douleur, encore et encore, dans un cycle frappé du sceau du fatum, de la tragédie.