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Actes Sud

Sols, Laurent Cohen (par Laurent Fassin)

Ecrit par Laurent Fassin , le Mercredi, 10 Février 2021. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Israël

Sols, Laurent Cohen, 166 pages, 19,10 € Edition: Actes Sud

 

Evitons le dithyrambe (« le plus beau », « le plus grand », « le plus fort », etc.) pour évoquer ce livre. L’abus devenu courant (désignant notre époque) des superlatifs en tous genres déclasse vite ce qui, hier à peine, était porté aux nues. Préférons-lui l’audace : Sols, premier roman de l’exégète, essayiste et traducteur Laurent Cohen, eût assurément enchanté Jean Paulhan, Raymond Queneau et, plus près de nous, Georges Pérec. Gageons que ces trois-là auraient vite apprécié en ces pages, outre un tableau particulièrement réussi de Paris à diverses époques, une imagination foisonnante ; des vies et histoires multiples qui s’y croisent et s’entrecroisent ailleurs en Europe, au Proche-Orient et beaucoup plus loin encore ; une verve et une espièglerie jamais prises en défaut ; l’impressionnante (parfois farceuse notent les éditeurs) et étourdissante (quoique nullement écrasante) érudition sur laquelle la narration s’appuie.

A dire le vrai, depuis maintenant dix années et plus que l’ouvrage a paru, Sols surnage avec brio au milieu de la mer de papier en laquelle sombrent généralement la plupart des romans nouveaux – dits français.

Un détail mineur, Adania Shibli (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 22 Janvier 2021. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman

Un détail mineur, Adania Shibli, novembre 2020, trad. arabe, Stéphanie Dujols, 128 pages, 16 € Edition: Actes Sud

 

De désert et de sang

Adania Shibli, née en 1974, diplômée en 2009 d’un PHD en Sciences de la communication de l’East London University, a publié, chez Actes Sud, Reflets sur un mur blanc (2004) et Nous sommes tous à égale distance de l’amour (2014). L’auteure palestinienne a reçu en 2002 et 2004 le prix du Roman de la Fondation Qattan.

Tout d’abord, dressons un bref historique : la Palestine, dont l’existence est attestée depuis le Vème siècle avant J.-C. par Hérodote, puis partagée le 29 novembre 1947 avec le nouvel état hébreu, comprend aujourd’hui l’État d’Israël, les territoires occupés, la bande de Gaza et parfois également une partie du royaume de Jordanie, le Liban du Sud et le plateau du Golan. Elle correspond au Canaan de l’Âge du bronze. Elle est consacrée terre « sainte » du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam.

Le Monstre de la mémoire, Yishaï Sarid (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 07 Janvier 2021. , dans Actes Sud, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Israël

Le Monstre de la mémoire, Yishaï Sarid, Actes Sud, Coll. Lettres hébraïques, février 2020, trad. hébreu, Laurence Sendrowicz, 160 pages, 18,50 €

 

Dans son dernier roman, Yishaï Sarid, dont le nom signifie rescapé en hébreu, et qui a perdu sa famille à Auschwitz, pose une question iconoclaste : « à quoi bon tous ces rabâchages ? ». Il affole par un récit grinçant (« Ras-le-bol du mythe, des idées brassées et de cette curiosité malsaine ») sous la forme d’une longue lettre au « représentant officiel de la mémoire », le directeur de Yad Vashem, écrite par un accompagnateur de voyages mémoriels qui veut rendre un compte-rendu loyal de ses missions. Par amour des livres d’histoire, le narrateur s’est retrouvé, presque à son insu, expert sur les camps de la mort. Ses cauchemars l’ont dissuadé de rempiler à l’armée et comme gagne-pain, il a choisi de « s’atteler au devoir de mémoire ». Soucieux de « bien faire le job » dit-il, apprécié des spécialistes en comm’, il sait conseiller les soldats chargés des commémorations militaires comme les concepteurs d’un jeu vidéo pour un projet de modélisation des camps de concentration. En somme, il emballe la marchandise comme il faut avec juste un peu de mal à rajouter la petite touche personnelle d’émotion qu’on attend de lui. Jugé trop négatif, il perd bientôt la confiance de ses supérieurs et se voit relégué au service de touristes vulgaires plus intéressés par le shopping que par les exactions des Einsatzgruppen. On finit par lui confier un projet de collaboration avec un grand réalisateur allemand et c’est l’apothéose.

Le Cœur en bandoulière, Michel Tremblay (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 25 Novembre 2020. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre

Le Cœur en bandoulière, 128 pages, 10,99 € . Ecrivain(s): Michel Tremblay Edition: Actes Sud


Michel Tremblay considère Le Cœur en bandoulière comme « un roman hybride » ; il serait possible pour lui de créer à la façon des agronomes un nouveau fruit littéraire. En effet, son texte rassemble deux genres : un récit à la première personne, dont le narrateur est un auteur de théâtre septuagénaire, en villégiature à Key West, aimant aller voir les couchers de soleil sur la jetée, et une pièce de théâtre en un acte, Cher Tchékhov, présentée avec sa première de couverture, sa liste de distribution, et dont l’auteur n’est autre que le promeneur de la jetée. L’écrivain vieillissant désire reprendre le texte de 82 pages qu’il a abandonné et tenter enfin de l’achever. Les deux genres s’entrecroisent tout au long de l’œuvre. On sait que Michel Tremblay écrit romans et pièces. Même s’il rejette l’écriture autobiographique, les lecteurs pourront reconnaître des morceaux de vie de l’écrivain : l’âge du narrateur, les séjours à Key West, l’homosexualité de l’un des personnages, le métier d’auteur dramatique redoublé sous les traits du narrateur principal et de Benoît, personnage principal de la pièce, ou encore le décor québécois près d’un lac dans la seconde partie du texte.

Sur un nuage de terre ferme, José Tomás à Grenade le 22 juin 2019, Ernest Pignon-Ernest (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 22 Octobre 2020. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Espagne, Arts

Sur un nuage de terre ferme, José Tomás à Grenade le 22 juin 2019, septembre 2020, trad. espagnol, Yves Lebas, 78 pages, 26 € . Ecrivain(s): André Velter et Ernest Pignon-Ernest Edition: Actes Sud

 

« Son art du toreo, miracle d’harmonie azurée, accomplit ce que les poètes, d’Arthur Rimbaud à Federico García Lorca, ont voulu ardemment convoquer : l’éternité ici et maintenant, fût-elle d’une précarité de cristal, comme l’avènement même du duende ».

Sur un nuage de terre ferme est un livre écrit et dessiné pour se souvenir, se souvenir sans nostalgie aucune de cette corrida du 22 juin, comme l’on se souvient d’une musique, d’un roman, que notre mémoire avive. Sur un nuage de terre ferme est un petit livre d’admiration, admiration partagée entre un poète et un peintre-dessinateur pour un torero unique, un matador éternel. Ses apparitions sont rares, Valence, Nîmes, Grenade, il devait revenir dans la cité gardoise en ce mois de septembre, mais le virus en a décidé autrement. A Nîmes le 16 septembre 2012, une éternité, il écrit son Temps retrouvé en solitaire. Nombreux furent les spectateurs présents ce dimanche midi à se dire qu’il ne servait à rien désormais de se rendre aux arènes, tout venait d’être dit, dans l’excellence du geste.