Les Petites Personnes, Anna-Maria Ortese
Les Petites Personnes, janvier 2017, trad. italien Marguerite Pozzoli, 352 pages, 23 €
Ecrivain(s): Anna-Maria Ortese Edition: Actes Sud
Ce livre, constitué de nombreux articles, est un vrai chant d’amour à la « dignité animale » si souvent battue en brèche par l’homme.
La thèse, très argumentée de cet essai, est que l’homme eût dû davantage faire confiance à sa vraie nature d’homme au lieu de passer son temps à blesser, annihiler, torturer, détruire ces « petites âmes », ces « petites personnes », fruits comme lui de la création.
De la chasse à la vivisection, en passant par la cruauté imposée, l’auteur passe en revue les nombreuses atteintes à l’animal, au détriment de la nature et de son respect, au profit du seul être dominateur de la création.
Sensible à la « douleur des animaux », à la grâce qui les habite (quelles belles pages pour honorer le chien, ce compagnon de l’homme), au « visage » que possède tout animal, Ortese nous implique dans ce phénomène de société, où la bestialité de l’être humain le dispute à l’ignorance et à la domination sans bornes.
Condamnant les élevages intensifs, les expériences de la laboratoire, la chasse au profit, elle n’est pas loin de considérer le combat de Brigitte Bardot comme une rare volonté de protéger l’espèce animale, elle la surnomme « reine de France ».
Dotée d’une sensibilité morale, l’auteure italienne assiège l’homme vivant, du haut de sa domination, quand il s’agirait de plaider pour un échange heureux de toutes les espèces sur la planète.
Elle dénonce les pratiques – survivances de la superstition – qui sont devenues objets culturels, corridas et autres destructions d’animaux lors de processions ou de fêtes.
Sa voix, magistrale, s’élève contre tous les abus dont la bête a fait les frais, depuis le début de l’humanité, au détriment de la sagesse, de l’unité harmonieuse, de la beauté.
L’homme, en effet, en reconnaissant que les animaux ont aussi un visage (deux yeux parfois suprêmement beaux et bons, un nez, une bouche et un front), admet implicitement que les animaux sont ses frères, voire de simples « ancêtres » qui cohabitent aujourd’hui avec son histoire… (p.145)
…
Je veux le dire une fois pour toutes : l’horreur de ce qui est infligé quotidiennement aux animaux… dépasse de loin toutes les horreurs que l’homme a expérimentées sur ses semblables (p.240).
Il manque à l’homme l’intelligence vraie de la vie, non pour lui seul, mais pour toute la création, toutes espèces confondues.
Le titre de l’ouvrage montre à quel degré de civilisation l’auteur entend placer ces « petites » créatures, au même rang que les êtres pensants, puisqu’ils souffrent comme eux.
L’ouvrage inquiète, bouleverse, remue, déconcerte et porte sa réflexion très loin : avons-nous le droit de porter ce titre d’humains si nous persistons à si mal défendre la cause animale ?
Ce livre, magnifique, d’une écriture si précise et si littéraire cependant, profite d’une traduction exemplaire de Madame Pozzoli.
Un livre qui marquera. Sans aucun doute. Et qui relancera des débats utiles sur la question animale.
Philippe Leuckx
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