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La Une CED

La Dernière Amitié de Rainer Maria Rilke, suivi des lettres à Nimet Eloui Bey et Les derniers mois de Rilke, par Genia Tchernosvitow, Edmond Jaloux (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 20 Avril 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

La Dernière Amitié de Rainer Maria Rilke, suivi des lettres à Nimet Eloui Bey et Les derniers mois de Rilke, par Genia Tchernosvitow, Edmond Jaloux, Arfuyen, mars 2023, 132 pages, 15 €

La courte 4ème de couverture résume parfaitement les circonstances et l’objet de ce livre :

« Dans les premiers jours de septembre 1926, à l’hôtel Savoy de Lausanne, Rilke fait la connaissance de Nimet Eloui Bey. Son père, Achmed-Khaïri Pacha, a été premier chambellan du sultan d’Égypte Hussein Kamal. Sa haute stature et son élégance naturelle attirent sur elle tous les regards. Mais plus encore, ce qui la rend fascinante, c’est la terrible lucidité et l’inquiétude spirituelle qu’on sent en elle ».

La présence de Nimet Eloui Bey illuminera les derniers mois de Rilke. « Tout à la fin de septembre, raconte sa dernière secrétaire, une amie, dont il disait qu’elle était la femme la plus belle du monde, était montée de Lausanne le voir dans sa tour. Il avait tenu à cueillir lui-même des roses de son jardin pour en mettre partout dans “sa” maison ». Il s’égratigna sur une épine et sa santé se dégrada subitement. Rilke mourut de leucémie trois mois plus tard, le 29 décembre 1926.

Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 19 Avril 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le fils de l’homme, Jean Baptiste Del Amo, Folio, mars 2023, 288 pages, 8,70 €


« Le faucon lance un cri strident, fond en piqué sur une petite proie quelque part dans la plaine. Alors, le jeune chasseur se penche et ramasse au sol sa sagaie ».

Le prologue – époustouflant – nous bascule dans un moment du Paléolithique, suivant un clan de chasseurs dans lequel il y a – déjà – un père et son fils. L’écriture est parfaite, précise et sobre à la fois, économe, mais tout est là, comme dans une scène cinématographique, jusqu’aux bruits, aux odeurs. Quand on fermera le livre et l’histoire du père, de la mère et du fils, quelque part dans un coin de montagne à notre époque, on restera dans le même récit et l’atmosphère semblable, servis par l’écriture superbe de Del Amo : l’homme face à ses obstacles, la nature toute puissante, la filiation, la fidélité et l’importance des clans.

Génitalité - Féminologie IV : Antoinette Fouque (par Laurence Zordan)

, le Mardi, 18 Avril 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Génitalité - Féminologie IV : Antoinette Fouque, Ed. Des Femmes 2023

quatre carrés

Pas simplement une illustration, c’est une invitation que figure le tableau de Joseph Albers qui orne (qui anime, plutôt) la couverture de Féminologie IV Géni(t)alité. Géni(t)alité : en unissant deux syllabes, la parenthèse donne corps à un mot qui se fait matriciel non pas en « donnant un sens plus pur aux mots de la tribu », mais en offrant la genèse du sens à un paradoxe. Paradoxe qui se fait paradigme avec « la chair pense ».

Paradoxe parce que, d’ordinaire, chair et pensée s’opposent : la pensée n’est pas secrétée par le cerveau à la manière de la bile par le foie et, même si l’âme n’est pas logée dans le corps comme un pilote en son navire, demeure la séparation de l’âme et du corps.

Paradigme, parce que c’est à la condition que création et procréation, génialité et génitalité, conception de la chair et chair qui conçoit ne soient plus antagonistes et divisées, à cette condition donc, qu’hommes et femmes ensemble pourront élaborer une éthique de la procréation et une esthétique de la création.

Méditer sans maître, Peter Hart (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Avril 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Méditer sans maître, Peter Hart, éditions Milagro, février 2023, 132 pages, 10 €

 

 

Texte hanté/texte enté

Voilà bien la démonstration en acte de ce que la poésie réserve à celui qui y prête attention. On y voit ici, certes, le contenant, la langue, l’expression ou le style, mais aussi, par transparence, comme en coalescence, le poète lui-même, son humanité, sa personne. Et cette expérience de lecteur revient à cohabiter évidemment avec le langage, mais aussi avec le monde – car le poème a ce double statut : être et paraître. Ainsi, cette fusion de la parole poétique avec la présence propre du poète, nous laisse apercevoir une personne hantée, comme souvent on est habité par le souvenir dans le jeu de la mémoire – organe plastique.

Le Livre des Laudes, précédé de Requiem, Patrizia Valduga (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 14 Avril 2023. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie, Arfuyen

Le Livre des Laudes, précédé de Requiem, Patrizia Valduga, Arfuyen, février 2023, trad. italien, Christian Travaux, 240 pages, 18,50 €

 

Une poète, à 38 ans, (1991), perd son père ; puis (2004), à 51, son compagnon (le célèbre poète Giovanni Raboni). Elle est déjà célèbre ; elle écrit des choses osées, instruites, maîtrisées. Osées (brillamment sensuelles, utilement scandaleuses) ; instruites (elle cite et traduit Proust, Shakespeare, Valéry, John Donne, Molière…) ; maîtrisées (elle aime s’exprimer en formes fixes de la tradition poétique : elle y puise de quoi évoquer inlassablement – dans de rituelles redites – ce qui ne peut se laisser penser pas même une fois ; et mendier aux Muses, ou aux anges, initiatives remédiatrices et interventions gracieuses, pour ce qu’on n’a pu accomplir pas même une fois). Et soudain, à l’occasion de l’un et l’autre deuil, correspondant aux deux ensembles poétiques ici réunis, la voici qui, improbablement, spectaculairement, et comme farouchement, supplie, régresse et s’humilie :

Elle regrette par exemple d’avoir écrit des poèmes érotiques, non qu’elle en soit honteuse, mais elle craint d’y avoir été inauthentique (d’avoir mis en scène ce que son expérience de la chair réelle n’aurait pu personnellement suivre, ni relayer).