Cristina, Paloma Hermine Hidalgo (par Didier Ayres)
Cristina, Paloma Hermine Hidalgo, Le Réalgar-Éditions, juin 2023, 80 pages, 12 €
Effloraison
Étrange livre de poésie qui souligne à la fois la présence de la nature, des fleurs, des plantes, des paysages et aussi d’une douleur venue de l’enfance, et peut-être d’une espèce de secret violent qui hante le sous-texte du recueil. C’est à un jardin d’Éden que nous sommes conviés, paradis d’avant et d’après la Faute. Car il y a du sang sur les bras du frère ou du père (?), des scènes qui suggèrent un état de sexualité infantile. Nous sommes décidément dans un monde proustien. La remémoration. Le souvenir habité comme état de l’être. Violence de la vie peut-être tout simplement. Je dis là l’explosion de la graine qui germe, cette « violence » amoureuse des périls.
Il baise mes oreilles, plonge la bouche pâteuse. Corps-à-corps avec l’anchois, le tabac fané. La carrière est béate de chaleur. La herse s’enfonce. Il m’enlise dans le foin, l’avoine, la nielle. La fauche me creuse, me prend. Aine, aisselles moites. La mort entre mes jambes est une brassée d’azur.
Ce qui importe pour la rédactrice et pour nous lecteurs, c’est que ce monde sensoriel sature les émotions intérieures. C’est le corps organique de la fleur, des êtres, et même du langage. Cette poésie rend sensible le monde et relate l’apprentissage sensible de l’écrivaine.
Buffet en bois, style Rococo, table assortie. Meubles en rotin, pour tout salon. Maman, chemise lilas, verres épais, domine de sa hauteur une fleur ratatinée. Lis à cinq sépales, pistil torsadé, écrevisse.
Nonobstant, ces descriptions sont lyriques, portées par une langue très riche, voire savante, quand en même temps les émotions sont primaires, forment un socle. Le tout est environné d’une musique, d’un chant au ton légèrement tragique et qui reste profond.
Pour finir, je suis resté intrigué par le titre. Cristina est-elle la poétesse ? Est-ce une sœur vraie ou fausse ? Est-elle un personnage inventé ? Vient-elle ici comme un hétéronyme ? Je n’ai pas tranché, mais je pencherais vers un double de l’autrice.
Didier Ayres
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