Dans un récit précédent, Lorraine Fouchet se concentrait sur la figure du père. Dans J’ai failli te manquer, elle adopte la forme du roman pour exorciser les démons qui ont envenimé ses relations compliquées avec sa mère. Après la mort de celle-ci, l’auteur réussit cette prouesse de transmuer les conflits persistants qui ont jalonné leurs rapports, en un récit réjouissant et pouvoir enfin respirer et exister par et pour elle-même à travers l’écriture qui devient son lieu d’accueil. Pour cela, l’auteur en tisserande des mots va broder une tapisserie dont on verra les deux faces : l’endroit, celle bien lissée, bien ordonnée, offerte au regard, et l’envers, celle bien cachée, qui laisse transparaître tout ce qu’on veut cacher : les nœuds, les défauts, les méprises, les ratés.
Lorraine Fouchet réussit à élaborer une stratégie d’écriture tout à fait originale et très habile. Le roman est structuré autour de trois voix : celle de la mère, le personnage central ; celle de la fille, qui devient une caisse de résonnance ; le troisième moteur de cette saga est le mari, mais aussi le père, une figure fantôme omniprésente, qu’il est impossible d’effacer car il sert de tampon et de médiateur entre les deux personnages féminins.