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La Une CED

Blanc, Une histoire dans la montagne, Stéphane Kiehl (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 06 Novembre 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Jeunesse, La Baconnière

Blanc, Une histoire dans la montagne, Stéphane Kiehl, La Martinière Jeunesse, septembre 2020, 32 pages, 16,50 €

 

Féerie

Stéphane Kiehl, diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Art de Nancy, est un auteur-illustrateur qui travaille pour la presse et l’édition jeunesse, plusieurs fois récompensé : Pépite Art et documentaire du Salon du Livre de Montreuil pour La vie en design ; Prix Sorcières 2020 pour Vert.

Blanc est le titre du livre jeunesse qu’il a écrit et illustré, au format presque carré (29 x 27 cm), presque parfait… Blanc, c’est la non-couleur par excellence, celle qui s’accorde avec le cercle chromatique – dont elle est exclue. Le blanc matérialise en Occident l’innocence, la virginité, et s’associe à la mort et au deuil en Islam et en Asie. L’album Blanc, Une histoire dans la montagne, se rapporte à la relation qu’entretient un jeune garçon né et vivant dans un chalet entouré de sapins, à la nature environnante. Stéphane Kiehl écrit à la première personne, à la place du garçonnet, qu’il représente minuscule dans le paysage accidenté, sans bords véritables.

Mon chien Ischia (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 05 Novembre 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Les mouettes et leur application à flotter. L’effort sans contrainte. Je les observe en boucle, tel un traitement renouvelé contre l’anxiété. Reines de la manœuvre et du matelotage. Elles m’apaisent. Le bec devant, la proue légèrement pointée vers les flots. Les pattes alignées, ajustées sous la queue, toutes voiles serrées. Portées par les ascendants. Au-dessus de moi. Le sens du jeu ou le sens du vent. Elles suivent le bateau qui me ramène à Ischia.

L’éventualité d’une nourriture.

L’une d’elles s’est posée sur les aussières enroulées. Le déplacement au repos. Les autres plongent à toute vitesse, et je contemple, depuis le gaillard d’arrière, les orbes que créent leur chute. Et l’étrave qui baratte la mer. Le tangage et l’écume des sols prêts à rompre. Naples aspirée par les moteurs du bateau. Le bateau et l’amer dans la gorge. J’ai le mal de mer dans les tripes. Le ventre blanc entre Naples et Ischia. Je peux presque tendre le bras et saisir leur ventre rond.

A propos de Moby Dick – Herman Melville (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Novembre 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, USA, Gallimard

Moby Dick, Herman Melville. Traduit de l'américain par Philippe Jaworski, Quarto Gallimard

Il faut sauver le narrateur !

Le plus grand roman américain ? Quoi qu’il en soit de la joute qui pourrait opposer les tenants de cette assertion et ceux qui proclameraient que c’est Absalon ! Absalon !, Moby Dick est un sommet dans les lettres américaines et la source intarissable de presque tout ce qui s’écrira après. Ce roman monstre (dans tous les sens du terme), il faut le rappeler, paraît en 1850, c’est-à-dire presque aux débuts de la grande littérature américaine, ce qui en dit, mieux que toutes les assertions du monde, l’énormité. Une littérature naissante et déjà une œuvre monumentale et éternelle qui surgit.

Melville est un génie, certes, mais son ouvrage ne vient pas du néant, il ne le crée pas de toutes pièces dans un désert littéraire. Nathaniel Hawthorne – qui sera son intime ami – a publié une partie de son œuvre et, surtout, La Lettre écarlate. Edgar Allan Poe a écrit une importante partie de ses contes. Ralph Waldo Emerson a écrit Nature. Et, bien sûr, Washington Irving et James Fenimore Cooper ont planté le décor des grands espaces et de la présence imminente du fantastique presque un siècle plus tôt. Mais Moby Dick, à défaut de sortir du néant, sort de l’immensité des océans ce qui, d’emblée, place l’ouvrage dans des espaces où seule La Bible avait imaginé des monstres. La bible, dont le roman est nourri, qui alimente chaque personnage, chaque situation, chaque ligne.

La substance du rêve, Poèmes en prose (1912-1930), José Antonio Ramos Sucre (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 02 Novembre 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

La substance du rêve, Poèmes en prose (1912-1930), José Antonio Ramos Sucre, PUL, octobre 2020, trad. espagnol, Philippe Dessommes, Michel Dubuis, François Géal, 200 pages, 15 €

 

Le poème continu

C’est une impression ambivalente que j’éprouve pour ces belles traductions dues à Philippe Dessommes, Michel Dubuis, François Géal, du poète vénézuélien José Antonio Ramos Sucre. Je découvre cette poésie où il faut que je trace à grands traits mon parcours de lecteur dans l’œuvre de ce poète que je placerais comme une sorte de lien entre décadentisme et surréalisme, faisant le pont. Et comme l’auteur est très peu diffusé, il m’incombe de m’aventurer hardiment dans ce massif textuel, en quelque sorte, inexploré. De là, ce sentiment indéfini et ambigu en écrivant quelques lignes ici, sachant les marges d’erreur possibles.

Poète donc qui se situe pour moi entre Huysmans et Péret, comme Senancour faisant le lien entre Voltaire et disons le Romantisme. Du reste, cette lecture, même sujette à l’idée de passage d’une école vers l’autre, est d’une remarquable continuité. De plus, le titre La substance du rêve me paraît une indication de premier ordre.

Être de trop pour l’éternité : liberté et domination chez Sartre (partie 3) (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Lundi, 02 Novembre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques


« Tout existant naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par rencontre ».

Jean-Paul Sartre, La Nausée

La « sainte affirmation » de l’enfant

Liberté et domination ne s’articulent jamais pacifiquement et positivement sinon dans le moment stoïcien de la pensée de Sartre. Sans exagérer la familiarité de la philosophie développée dans L’Être et le Néant avec la doctrine stoïcienne, il semble que cette dernière ait soufflé à Sartre la maxime selon laquelle : « l’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce qu’on fait de ce qu’on a fait de nous ». Ceux qui, par des excuses déterministes, cachent leur liberté sont des lâches ; ceux qui suppriment celle des autres sont des salauds écrit Sartre dans L’existentialisme est un humanisme. Celui qui ne se comporte ni comme l’un ni comme l’autre et qui accepte la domination qu’il subit est, sinon un sage, du moins un homme sensé : Sartre greffe la sagesse stoïcienne dans le cadre hobbesien de lutte de tous contre tous.