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La Une CED

Lenz, Georg Büchner (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 12 Janvier 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Lenz, Georg Büchner, éditions Vagabonde, octobre 2020, trad. allemand, Georges-Arthur Goldschmidt, 50 pages, 6,90 €

 

Ars gratia artis

Ce texte ramassé sur 50 petites pages engage davantage qu’un récit ordinaire. Car c’est un grand écrivain qui en est l’auteur. De plus, derrière le prétexte de rapporter quelques journées de la vie de Jacob Lenz, Büchner développe sa propre conception de ce qu’est un artiste, et de ce qu’est l’art. Il lui suffit pour cela de décrire les quelques jours que Lenz a passés chez le pasteur Oberlin. Pour moi, il s’agit d’un dramaturge parlant d’un autre dramaturge.

Par exemple, Büchner fait de Lenz un somnambule, et quand on connaît la première scène du Prince de Hambourg, on voit que cette atmosphère est présente dans l’Allemagne romantique. Et les romantiques ont décrit l’artiste au moins comme un visionnaire. Ainsi, cette constellation d’écrivains pour le théâtre est ici mise en abyme, repensée en son propre sein où le récit du séjour de Lenz dans les Vosges se tourne un peu en essai. Toujours est-il qu’il y a ici une volonté de construction intellectuelle, et pas seulement un artifice pour fabriquer du récit.

Compost (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Lundi, 11 Janvier 2021. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

Compotée crasse

Héraut du pur

 

Gatoire de masse morte

En tresses enchâssées

 

Litière premium spécial as

Ticots tickets de troc

 

Tout ventre dehors

Dans la touille. À la porte,

Sur Jejuri d’Arun Kolatkar (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 08 Janvier 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Asie

 

C’est un événement que la traduction en français par Roselyne Sibille, dans une belle édition bilingue (1), du court recueil d’Arun Kolatkar, Jejuri, sorti en anglais en 1976 et récompensé par le prestigieux Commonwealth Poetry Prize en 1977. Jejuri est une petite ville de l’Etat du Maharastra, dans l’ouest de l’Inde, à deux cents kilomètres de Bombay et à cent cinquante kilomètres de Pune environ, où est vénéré le dieu Khandoba, considéré comme l’une des manifestations locales de Shiva.

Qu’on ne s’attende pas dans ces trente-et-un brefs textes à la rare ponctuation à trouver une Inde conforme aux clichés usuels. Ce ne sont ni des slums misérables, ni des émeutes interreligieuses, ni des yogis impavides méditant sur les ghâts d’un fleuve sacré qui captivent Kolatkar mais, précisément, ce qui ne retiendrait sans doute pas l’attention d’un littérateur trop prévenu ou d’un voyageur en mal d’exotisme.

Le Monstre de la mémoire, Yishaï Sarid (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 07 Janvier 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Actes Sud, Israël

Le Monstre de la mémoire, Yishaï Sarid, Actes Sud, Coll. Lettres hébraïques, février 2020, trad. hébreu, Laurence Sendrowicz, 160 pages, 18,50 €

 

Dans son dernier roman, Yishaï Sarid, dont le nom signifie rescapé en hébreu, et qui a perdu sa famille à Auschwitz, pose une question iconoclaste : « à quoi bon tous ces rabâchages ? ». Il affole par un récit grinçant (« Ras-le-bol du mythe, des idées brassées et de cette curiosité malsaine ») sous la forme d’une longue lettre au « représentant officiel de la mémoire », le directeur de Yad Vashem, écrite par un accompagnateur de voyages mémoriels qui veut rendre un compte-rendu loyal de ses missions. Par amour des livres d’histoire, le narrateur s’est retrouvé, presque à son insu, expert sur les camps de la mort. Ses cauchemars l’ont dissuadé de rempiler à l’armée et comme gagne-pain, il a choisi de « s’atteler au devoir de mémoire ». Soucieux de « bien faire le job » dit-il, apprécié des spécialistes en comm’, il sait conseiller les soldats chargés des commémorations militaires comme les concepteurs d’un jeu vidéo pour un projet de modélisation des camps de concentration. En somme, il emballe la marchandise comme il faut avec juste un peu de mal à rajouter la petite touche personnelle d’émotion qu’on attend de lui. Jugé trop négatif, il perd bientôt la confiance de ses supérieurs et se voit relégué au service de touristes vulgaires plus intéressés par le shopping que par les exactions des Einsatzgruppen. On finit par lui confier un projet de collaboration avec un grand réalisateur allemand et c’est l’apothéose.

La Styx Croisières Cie Novembre 2020 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 06 Janvier 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Ère Vincent Lambert, An II

Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.

 

« Pour ne pas insulter aux croyances ou au labeur des autres, pour qu’ils ne m’accusent ni de sécheresse ni de fainéantise, je me suis lancé dans le Désarroi (*) jusqu’à en faire une forme de piété ».

« Le spermatozoïde est le bandit à l’état pur ».

E.M. Cioran, Syllogismes de l’amertume

Lµ-1. Cioran est un visionnaire doublé d’un sage. Il remonte à l’origine, au spermatozoïde. Pourquoi ne cite-t-il pas l’ovule, sa (*) partenaire, sans qui rien ne serait possible de cette abjection de l’humain ? Sans doute parce qu’il ne veut pas accabler le féminin, violé et torturé à l’envi, sous l’emprise constante des grands mâles de toutes les couleurs, patriarches pédophiles, misogynes, têtes creuses, mais élevés en maîtres absolus du monde, n’eussent-ils que deux, ou vingt ans et quatre neurones !