La Styx Croisières Cie-II Février 2021 (par Michel Host)
Ère Vincent Lambert, An III
Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.
Ère Samuel Paty. An II
Tu veux expliquer aux enfants la pensée et le dire libres. Alors « La religion » te saisira au cou et te décapitera sur un trottoir. Citoyen libre, sache à quoi t’attendre !
« Le plus artiste ne sera pas de s’arrêter à quelque gros œuvre, comme la fabrication d’un roman, par exemple, où l’esprit tout entier devra se plier aux exigences d’un sujet absorbant qu’il s’est imposé ; mais le plus artiste sera d’écrire, par petits bonds, sur cent sujets qui surgiront à l’improviste, d’émietter pour ainsi dire sa pensée. De la sorte rien n’est forcé. Tout a le charme du non voulu, du naturel. On ne provoque pas : on attend ».
Jules Renard, Journal, 13 septembre 1887
Lµ-1. Gl./Se rafraîchir aux sources. On n’y pense plus qu’en de rares occasions. La double pollution des campagnes et de la production littéraire industrielle de notre temps y est pour beaucoup. J’oublie la source du Renard, située quelque part entre les Jardins du Luxembourg et les bois de la Nièvre. Il frappe le cœur de la cible, comme Baudelaire, quand il parle d’art et d’écriture. Le roman oblige, oui, tel qu’il le définit. Il s’impose puis absorbe. C’est un genre particulier de plaisir. L’autre est un plaisir aussi, que l’on trouve dans l’enjambée du saute-ruisseau, la cueillette d’un champignon, le chant à l’improviste d’un oiseau, le primesaut du lapin de garenne. Tout comme les hauts et les bas de la chronique d’un temps qui va et ne va pas.
µ-2. Restes, Reliefs et oublies…
§-1. « Notre civilisation est rendue malade par les images », Olivier Babeau, président de l’Institut Sapiens
Gl./Les multiples écrans en usage partout ici-bas nous proposent des images en avalanches. On n’y voit que la surface du pareil ou du même, ou celle d’exotismes feints. Nos yeux s’y usent. S’y égarent. Elles nous empêchent de creuser sous elles. Les légendes et commentaires qui les accompagnent ne font qu’enfoncer leur clou dans l’œil aveuglé, dans la tête sommée d’approuver. Le berger de brebis d’antan, le petit vacher n’avaient pas trop de leur existence pour comprendre leur campagne, leur montagne, leur paysage familier. Aujourd’hui c’est abus de pouvoir et consommation visuelle jusqu’à la mort par indigestion. Le mieux est d’éteindre l’écran (Le Fig. 14/I/21).
§-2. Pour n’être pas entièrement triste à l’ouverture de ce mois de février, laissons le funèbre islamisme. Relisons les réflexions du philosophe chrétien Jean-Luc Marion. Il cite d’abord Pascal : « Les choses humaines, il faut les connaître pour pouvoir les aimer. Les choses divines, il faut les aimer pour pouvoir les connaître » (*) Jean-Luc Marion poursuit : « Si vous refusez d’emblée d’aimer la peinture abstraite, par exemple, vous ne la comprendrez jamais. Mais l’exemple le plus flagrant est encore le phénomène érotique, qui ne commence que si vous dites oui. […] Nous vivons un moment de grande dépression érotique. Durant les grandes époques érotisées, au XVIIe siècle, par exemple, un simple ruban provoquait le désir. Aujourd’hui nous avons besoin de toutes sortes de dérives et de déviances pour désirer, c’est en cela que nous sommes une “civilisation” pornographique » (**) (cité dans le Fig. 10/XII/2020, par P.F. Paoli, à propos de « D’ailleurs la révélation », de J.-L. Marion, aux éd. Grasset).
(*) Gl/1- C’est affaire de capacité. Je doute de pouvoir un jour « aimer » les choses divines. À moins qu’elles ne soient d’un ordre plus terrestre que céleste.
(**) Gl/2- Il est vrai que les XVIIe et XVIIIe siècles furent, en France et en Europe, on ne peut plus érotisés et désirants. On le voit dans mille livres et poèmes, comme entre autres dans cette Histoire amoureuse des Gaules de Bussy-Rabutin quand il énonce ses cent belles et bonnes raisons de désirer et d’aimer Mme de Montglas, en dépit qu’il désapprouve certains traits de son caractère… Par ailleurs, M. Marion dénonce notre civilisation « pornographique » : prenons le mot dans son acception grecque en premier lieu : celle de la pórnè qui consiste à vendre son corps, à se prostituer – (de pérnemi vendre). Outre que celui qui passe pour le plus vieux métier du monde n’est pas près de fermer les portes de ses lupanars, dans notre monde contemporain, toute marchandise est mise sur le marché, offerte à la vente et à l’achat, fût-elle marchandise humaine. Quant à la pornographie des grands et petits écrans, elle sévit partout, elle corrompt les regards et les cerveaux, les réduisant à l’esclavage de l’obscène. Le confort est dans la facilité de sa consommation à domicile. Elle éveille des désirs multiples, des plus douteux peut-on penser, à d’autres qui montent et descendent l’échelle du louable (?) au condamnable. C’est aussi affaire de personne et de regard.
µ-3. Faits et Gestes
§-1. À Ermont, en Val-d’Oise, ce mercredi 17/II, des policiers de la Bac (Brigades anti-criminalité) sont pris à partie par une cinquantaine de personnes : lancers de projectiles et tirs de mortiers d’artifice. Le Fig. du 19/II/21 ne parle pas des insultes et des appels au meurtre courants dans ce sortes de guet-apens.
Gl./ Ces attaques, assauts, guet-apens et tentatives d’assassinat des membres des forces de l’ordre, lesquelles, osons le rappeler, sont destinées à protéger les Français, se produisent de deux à trois fois par semaine en divers points du territoire national. Les citoyens prennent des photos ou filment les scènes les plus affriolantes. Ces spectacles les distraient du morose quotidien ; les politiciens crient au scandale, en appellent aux châtiments, aux foudres républicaines, puis attendent la suite des événements, promettant d’agir sans en avoir seulement l’intention efficace et réelle. « E la nave va ! ».
§-2. Des élus « de tous bords dénoncent la multiplication des menaces », y compris dans le cadre de leurs fonctions (Le Fig. 19/II/21). Ce sont majoritairement des élus de gauche (PC, PS, mélanchoniens [?]) avec quelques élus de droite qui, dans les banlieues de la Seine-Saint-Denis, sont victimes de « Tags injurieux, véhicules brûlés, menaces, agression physiques… Ajoutons aux méfaits le cyber-harcèlement, le harcèlement physique, les jets de projectiles dans les vitres… ». Des défenseurs patentés des classes défavorisées et des immigrés font les frais de cette guérilla permanente. Des maires PCF voient leur domicile tagué d’un « À Mort ! », ou de croix gammées, visé par des tirs de mortiers… Il s’agirait en premier lieu de maintenir les trafics de drogues, mais aussi de faire pression sur les élus pour obtenir subventions, des emplois… Les mêmes débordements ont lieu à Valence et à Rillieux-la-Pape…
À Amiens, enfin, l’école catholique privée Monseigneur Cuminal créée en 1997, est contrainte de fermer ses portes. Des fenêtres des barres d’immeubles qui l’entourent tombent chaque jour ordures, gravats, débris et appareils ménagers… Il est impossible d’assurer la sécurité des élèves et des enseignants, d’où la fermeture de l’établissement.
Je souligne que ces violences (le stade de l’incivilité est dépassé) sont le fait de personnes bénéficiant de logements confortables et dotés des indispensables éléments d’hygiène. Elles bénéficient en outre de la Sécurité sociale, des écoles (où nombreux sont ceux qui ne se soucièrent pas d’y étudier), des services médicaux et hospitaliers, avec tous ceux de l’État…
Les choses ont changé, est-il observé. Dans les années 50, j’ai habité une HLM de banlieue (Malakoff), heureux d’avoir un toit sur la tête malgré mes faibles moyens financiers. Jamais, alors, je n’ai vu quiconque jeter ses ordures et ses vieux réfrigérateurs par les fenêtres. Les habitants étaient propres. Je n’en dis pas plus.
Ah, ceci encore : Monsieur Gérald Darmanin, accompagné d’un préfet, aurait fait une visite de courtoisie aux malheureux élus de ces banlieues déshéritées, quoique depuis les remontrances de l’abbé Pierre l’État et les collectivités locales aient fait de leur mieux pour améliorer les choses. Ils les auraient consolés, sans toutefois leur promettre rien de concret. Les élus essuieraient leurs larmes et envisageraient, dit-on, de se mettre à la marijuana, à la cocaïne, aux amphétamines, qui sont les spécialités les plus recherchées de ces belles régions.
µ-4. Ils ont dit, ils ont écrit…
Nos députés, faute que l’exécutif les laisse décider de lois de conséquence et d’importance, disputent aujourd’hui de la lubie de ceux qui voudraient, par la loi, imposer aux Français d’écrire désormais selon les règles nouvelles de l’écriture dite inclusive. Cette lubie appartient à certaines dames désœuvrées (et à quelques messieurs peu équipés en neurones) qui se verraient ainsi mieux aptes à sortir de leur « invisibilité » sociale.
Ainsi, nous sortirions d’un usage officiel de la langue française édicté en 1539 par François Ier, dans son ordonnance royale de Villers-Cotterêts. Désormais, nous serions tenus de déchiffrer des messages illisibles et de prononciation plus que malaisée, chaotique, tels celui-ci : « Nos député.e.s, faute que ces messieurs et dames de l’exécutif les laissent décider de lois de conséquence. de grand effet et d’importance. d’intérêt national, disputent aujourd’hui de la.lubie.du caprice. … de ceux.celles qui… Etc. ». Des élu.e.s, des universitaires y sont prêts.tes L’esprit s’étant vidé de toute raison depuis l’an 1968 (1), ils pourraient bien l’emporter à l’assemblée.
Les opposants au projet ne manquent pas d’arguments, et c’est heureux. En voici quelques-uns, signés majoritairement par des femmes :
Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture : « On a déjà toute sorte de publics scolaires qui ont des difficultés avec l’orthographe, avec la lecture. (…) Je pense que l’écriture inclusive est une démarche élitiste (2). Moi, ce que je veux, c’est un apprentissage de la lecture et de l’écriture démocratique. Donc je ne suis pas pour l’écriture inclusive ».
Patrice Reboul, de Périgueux (ex-militant au PS, aujourd’hui au PRG) : «… l’écriture inclusive n’est pas du français, c’est d’ailleurs imprononçable ! (3) Rédiger ainsi un acte officiel, c’est donc attenter à une certaine conception de l’universalité du service public.
François Jolivet : Les experts de la dyslexie, dyspraxie et dysphasie m’ont également alerté sur les difficultés supplémentaires engendrées par cette forme d’écriture… et cela pourrait même porter atteinte à la francophonie (4), si des étudiants étrangers qui ont appris le français se retrouvent devant des textes que finalement ils ne comprennent pas. (…) l’écriture dite « inclusive » est plutôt « exclusive » et contribue même à brouiller la nature même des messages ».
Pierre-Henri Dumont (député Républicain) : « L’écriture inclusive est une hérésie (5), un diktat qu’essayent de nous imposer certains partis. C’est du terrorisme culturel ».
Isabelle Klock-Fontanille (présidente de l’université de Limoges) : « L’écriture inclusive est non seulement inutile mais nuisible. D’un point de vue linguistique, elle est une aberration qui nous amène à écrire des mots qui n’existent pas. Qui plus est, cela pose des problèmes d’apprentissage. (…) un pansement sur une jambe de bois ».
Aurélie Foucault-Texier (enseignante) : « Mes élèves ne savent déjà pas écrire une phrase sans faire une faute d’accord, si en plus on leur demandait de mettre des points médians pour féminiser chaque mot, ça deviendrait infernal » (6).
Jean-Rémy Girard (président du syndicat Le Snalc) : « La question du point médian n’a pas grand-chose à faire dans le système scolaire. Pour comprendre cette graphie, il faut avoir une maîtrise très poussée de la grammaire ».
Alice Ferney (romancière) : « Lorsqu’un élève français écrit “Les serviettes et les torchons sont lavés”, a-t-il le sentiment de la domination masculine ? » « … il est acquis que le genre grammatical n’est pas le genre sexuel. Je les sépare une bonne fois pour toutes. Les mots n’ont pas de sexe. Il est même amusant de noter que le genre de ceux qui désignent les organes sexuels est parfaitement indépendant du genre naturel (7) : on dit “une verge”, “un sein”, “un utérus”, preuve s’il en faut que le féminin peut se dire au masculin et inversement.
Frédéric Vitoux (Académicien français) : « La graphie inclusive, dans son bégaiement épileptique, est très difficile à mettre en œuvre. C’est faire acte de sagesse que de renoncer à cette idée absurde » (citations saisies dans Le Figaro du 24/II/2021).
En guise de Gl / (renvoi aux notes) :
(1) En 1968, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, de petits ignares échappés des lycées, du haut de leur ignorance crasse, traitaient le professeur Antoine Adam, génial spécialiste de la littérature du XVIIIe siècle, de mandarin réactionnaire. A. Adam ferma son cartable et ne remit plus les pieds en Sorbonne.
(2) Une élite douteuse, qui ne connut et n’utilisa jamais la langue que comme un outil de communication. N’étudia la grammaire que pour réussir aux examens et concours. N’étudia la littérature française que l’épée dans les reins.
(3) Et « inécrivable ». Essayez un peu ! Cinq lignes exigent dix minutes de réflexion.
(4) La « francophonie » se verrait ainsi changée en « francopholie » !
(5) « Hérésie » ? Le mot paraît excessif, mais ne s’agit-il pas d’une tentative d’instaurer une nouvelle religion linguistique ?
(6) Entendant un jour parler de « l’écriture inclusive », ma première pensée fut pour ces milliers d’écoliers, collégiens, lycéens parfois à qui échut le baccalauréat comme à la poule une fourchette, et qui ne savent s’il faut écrire : « Trois jeunes filles ont été dévorées / dévorer / dévoré / dévorés par une tribut / tribue de cannibals / canibales réacsionaire ».
(7) Les deux listes peuvent être complétées en s’en tenant aux élégances : la queue, la quéquette, la bite, les bourses, les roupettes, la prostate… le vagin, le con, le bijou, le clitoris, le bouton, le chat, le minou, les roberts, les lolos… (plaisante révision lexicale de notre imaginaire argotique).
Lµ-5. « Monsieur… Monsieur (ou Madame) »
§-1.
– Vous pleurez, Madame ?
– Monsieur, je pleure ma fille. C’est un chagrin immense.
– Que lui est-il arrivé, chère Madame ?
– Elle est morte, Monsieur, c’est affreux ! Hier soir, dans une bagarre entre bandes d’adolescents…
– Comment cela ?
– De plusieurs coups de couteau dans le ventre, la pauvre petite. Elle n’avait que quatorze ans.
– Madame, s’ils se mettent à tuer les filles aussi, c’est que nous atteignons aux extrêmes profondeurs de la civilisation. Consolez-vous, Madame, demain vous pourrez lire dans la presse, rédigée en écriture cursive, la satisfaction de nos féministes pour cet immense progrès vers l’égalité entre femmes et hommes !
Lµ-6. Pensées et divagations
Interrogation. Pourquoi le militant éveille-t-il ma méfiance quand je sais que ne rien exiger c’est l’assurance de ne rien obtenir ? N’ai-je rien à exiger ? Diogène, Épicure et Sénèque m’ont aidé à demander le moins possible (M. H.).
71. J’allie l’admiration littéraire ou artistique pour Tête d’Or, de Claudel, pour le modelé parfait d’une jambe, d’un bras peints par Louis David, à mon absolu dégoût pour l’homme Claudel laissant pourrir jusqu’à sa mort sa sœur dans un asile d’aliénés afin de sauvegarder sa carrière et satisfaire aux bienséances bourgeoises ; pour l’homme David qui, conventionnel, fit mensongèrement condamner Marie-Antoinette pour conduite incestueuse à l’égard du petit Dauphin et vota la mort de Louis XVI (lequel ne l’avait pas desservi), lui aussi pour soutenir sa double ambition carriériste. Monstres admirés, grands schizophrènes et petits hommes. On ne passe pas sur le boulevard de Port-Royal ou la rue de Tournon sans se boucher le nez.
« – À ce compte, monsieur, me confie un psychologue rencontré près de l’Observatoire, on tiendrait nos narines closes dans toutes les rues de Paris ».
72. De l’œuvre à l’homme… comme de la coupe aux lèvres ! Mieux vaut, toujours, y regarder de près. Les rues, les châteaux, nos villes et nos campagnes regorgent de monstres cachés.
73. « L’horreur des bourgeois est bourgeoise » note Jules Renard. Forcément, on se connaît.
74. Animaux. Une radio périphérique m’apprend la vraie différence entre le chien et le chat. Le premier pense : « Il me nourrit, me caresse, me loge dans sa maison. C’est un dieu ». Le second : « Il me nourrit, me caresse, je le loge dans ma maison. Je suis un dieu ». Cela crève les yeux, et comment n’y avoir pas pensé ?
75. À supposer qu’ IL existe (ce que je ne suppose pas), c’est manifester le plus grand mépris pour l’esprit humain que de Le lui présenter dans les souquenilles d’un clergé, dans l’encens et les dorures d’une religion.
76. Poète mimétique (*). Il ne sait pas, il ne connaît pas, il a peur. Il écrit son poème ampoulé, hyperbolique, y déverse une charretée de métaphores comme font les collègues. Il est satisfait. Il croit savoir et connaître. Il n’a plus peur.
(*) Nous tenons l’épithète de Gaston Bachelard.
77. La pensée est une chose bizarre qui descend plus souvent qu’elle ne monte : vision ou mots, songes, brumes, plaines neigeuses, et puis rien.
78. Quand je ne suis accroché par rien ni par quelque chose (un texte par exemple), montent dans ma tête les brouillards mouvants de l’informe. Nous vivons de formes.
Aveu : Je reconnais que mes affirmations sont des sophismes, mes syllogismes boiteux, mes raisonnements équivoques… Appelons-les, si vous le voulez bien, des « plaisanteries » (M. H.)
79. Le prince Sigismond, de Calderón, énonça que « La vie est un songe, et que songes sont les songes ». Il n’était pas dans cette idée que Dieu ou un dieu nous rêve, nous, notre existence, le réel. Simplement, il ne savait plus où situer le réel entre le cachot où son père le tenait enfermé et le palais où il l’avait réintégré. Il était entre rêve et cauchemar. Quoi qu’il en soit, cette belle assertion résume l’abandon, le consentement à la défaite.
80. N’ai-je pas, cependant, l’ayant situé dans l’œuvre, seule durable, la ferme conviction que ledit « réel » n’a aucune sorte de réalité. Nous ne sommes rien. L’œuvre, pour modeste qu’elle soit, est tout. Elle est le seul réel. Le réel absolu.
81. Ne nous grisons pas de ces mots ronflants, définitifs… Absolus –« Absolus » je vous demande un peu !
Lµ-7. Boutades, badineries et gaudrioles
« On ne badine pas avec la haine. Distillez votre amour à ceux qui débordants d’affection, vous poignardent, vous égorgent, vous criblent de balles. Comment ne pas les aimer ? Et surtout ne donnez pas dans cette horreur infâme : l’amalgame. Ces tueurs sont vos malheureuses victimes. Comment pouvez-vous en douter ? La justice française ne s’y trompera pas, elle. Vous serez jugés et condamnés. Lors de son procès, l’honnête M. Coulibaly (*) n’a-t-il pas rétorqué à un témoin : “Vous êtes ce que je hais le plus au monde : vous êtes juif, vous êtes français”. N’est-ce pas une admirable preuve d’amour ? ».
(*) M. Amedy Coulibaly, en 2015, a signé de sa main les six morts du Super-Cacher de la porte de Vincennes et de la porte d’Orléans. Selon mes recherches, le bistouri d’Allah a signé de la main de ses chirurgiens les plus zélés la lobotomisation du cerveau de ce bienveillant personnage.
Lµ-8. Le poème
Étienne Jodelle
Épitaphe du membre viril de Frère Pierre
(extrait)
« Ci est gisant sous cette pierre
Son Chalumeau, son gros Bedon,
L’un des membres de Frère Pierre,
Sa Pièce de chair, son Bidault,
Non un des bras, n’une des mains,
Son Pousse-bourre, son Ribault,
Ni pied, ni jambe, hélas ! humains,
Son gentil Bâton Pastoral,
Mais bien le membre le plus cher
Sa rouge branche de Coral,
Que sur lui on eût pu toucher.
Son Guille-la, Son Calemard,
C’est son Billard, c’est son Bourdon.
Son Factoton, son Braquemard… »
Gl/ Eros évolue dans son ciel. La chanson gaillarde, paillarde, fait de même. Elle est de haute tradition en France, surtout après les massacres, les grandes beuveries, dans les casernes, les salles de garde, et jusque dans les banquets de mariage, voire d’enterrement (de moins en moins fréquents ceux-ci !)… Celle d’Étienne Jodelle leur est pourtant on ne peut mieux destinée. Il est triste d’enterrer l’homme et plus encore cet objet qui faisait la joie de son existence et, dans un usage de bon aloi, celle de sa compagne. On ne la trouve pas dans les manuels Lagarde & Michard, Castex & Surer… de notre adolescence. On se demande pourquoi.
Lµ-9. Hic et Nunc
§-1. Je pensais à n’avoir plus, en ce mois de février, à parler des violences criminelles exercées sur des citoyens français. Or un ressortissant soudanais, vient de tuer à coups de couteau le chef du pôle « asile », un homme de 46 ans, père de famille, dans le Cada (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile), à Pau (Pyrénées-Atlantiques). L’affaire émeut et fait grand bruit. Le criminel « venait de se voir refuser son statut de réfugié par l’Office français de protection des réfugiés et apatride » (Ofpra). Il avait fait de la prison en France, raison la plus vraisemblable de la décision de l’Ofpra. On sait que le Soudan est divisé en deux zones ; le nord (musulman), le sud (chrétien). Selon les avis les plus autorisés, l’homme (aujourd’hui arrêté) serait né dans le Sud, car il est impossible en raison de l’interdit de l’amalgame, qu’on puisse seulement imaginer qu’un musulman poignarde un citoyen français, en dépit que celui-ci ne puisse être qu’un rebut du colonialisme, un esclavagiste, un bourreau, un suprématiste blanc, un misogyne impénitent, un violeur de femmes par atavisme, un pédophile à l’occasion incestueux, un porc immonde qui doit être saigné, éliminé par mesure de salubrité publique.
Gl. / Pour moi, la morale de cette sinistre histoire pourrait être celle-ci :
« À celui qui déçoit tes attentes,
Plante-lui ta lame dans le ventre ».
§-2. Arrêt sur image. Celle-ci figure en page 6 du quotidien Le Figaro en date du 22/II/2021. C’est, vue du haut du Golan, que l’on sait devenu observatoire des Israéliens, un paysage paisible, à deux doigts du bucolique avec, sur fond de rideau d’arbres feuillus des bâtiments agricoles, quelque peu détériorés pour certains, avec ici une ruche, là une sorte de cabane de jardin, non loin une bâtisse aux murs crevés mais debout… Au premier plan, une pente douce et herbeuse clôturée par des piquets de ciment à la tête penchée vers l’intérieur qui rappellent certaines barrières des camps d’Allemagne et de Pologne, aux jours funestes du milieu du siècle dernier. Parmi cette sérénité, un drapeau qui semble syrien ; en arrière-plan, lointain, un paysage identique mais plus vaste. On reste songeur. Se devine la présence de gardes-frontière sous le drapeau. L’absence de brebis et de berger dit que rien n’est ce qu’il paraît, et que nous ne visitons du regard qu’une fausse tranquillité en dépit du coup de frais d’un souffle de vent. Les humains sont des artistes étranges. Sous leurs jardins les plus simples et heureux, ils attisent les braises de l’enfer.
Michel Host
Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures. Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne. Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.
Derniers ouvrages parus :
L’êtrécrivain (préface Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020
L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016
La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015
Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015
Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014
Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010
Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010
Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)
Publication numérique, aux Editions de Londres & de La Cause Littéraire
Traductions :
Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018
Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016
Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique [aujourd’hui Alcyone] (2011)
Aristophane, Lysistrata, Faisons la grève du sexe (Ed. Les Mille et Une Nuits, Fayard, 2e éd., 2010)
Aristophane, Ploutos, dieu du fric (éd. Les Mille & Une Nuits, Fayard, 2012)
Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)
Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éd. de l’Escampette, 2005
Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002
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