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La Une CED

Une brûlante usure, Gérard Bocholier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Septembre 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Une brûlante usure, Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, août 2020, 147 pages, 15 €

 

Poème d’attente

Dire quelques mots de ce livre que Gérard Bocholier publie récemment, ouvrage qui se présente sous la forme d’un journal, où l’auteur indique simplement les mois successifs durant les deux années 2016 et 2017 en tête de chapitre, serait, comme en une tentation et pour le meilleur, ajouter, continuer, l’augmenter par la propre littérature intérieure du lecteur. Du reste, l’auteur lui-même s’y autorise, en poursuivant parfois l’idée d’un autre poète par ses mots à lui. Ainsi, les deux pensées se confondent : l’écrivain et le liseur – sachant que l’écrivain est toujours un liseur.

Cela dit, ce qui est essentiel, c’est l’œuvre, c’est ce journal mélancolique, et comme on le dirait d’une image photographique, légèrement sépia, tournant parfois à l’autochrome. Oui, la mort, et le temps qui a passé, la durée incertaine qui reste, les grandes dates de l’existence qui s’effilochent, pour ne garder du souvenir que des bribes, des fragments, des petits morceaux dont la valeur est bel et bien celle d’une matière friable, feuilles jaunies trouvées dans le pli d’un vieux livre.

Le Grand Meaulnes, suivi de Choix de lettres, de documents et d’esquisses, Alain-Fournier en La Pléiade (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 24 Septembre 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le Grand Meaulnes, suivi de Choix de lettres, de documents et d’esquisses, Alain-Fournier, La Pléiade, mars 2020, 640 pages, 48 €

C’est au collège que beaucoup d’entre nous ont découvert Le Grand Meaulnes, ce roman unique et mystérieux d’Alain-Fournier mort dans sa prime jeunesse et dont l’ouvrage n’a cessé d’être traduit, a circulé dans le monde entier et dont le succès n’a jamais cessé. Nous en avons retenu une première lecture. Nous sommes nombreux à avoir rêvé sur cette poursuite inlassable d’un lieu étrange et de ces personnages fantomatiques après lesquels Le Grand Meaulnes va partir en quête. Nous avons fantasmé sur ce château fascinant et extravagant de « La Belle au Bois Dormant » et nous avons suivi avec exaltation ce voyage initiatique sans vraiment en saisir toute la complexité.

Les éditions de La Pléiade nous en offrent une nouvelle présentation et peut-être une approche plus moderne et plus complexe de ce roman. Cette nouvelle parution est enrichie d’une préface érudite de Philippe Berthier qui nous en propose une autre approche, étoffée de notes judicieuses, augmentée de lettres et de documents inédits, de premières esquisses du roman. A cela viennent s’ajouter les étapes de la publication et plusieurs critiques concernant la réception de l’ouvrage, une biographie d’Alain Fournier que complète un important choix bibliographique consacrée à l’étude de ce roman.

Nos suicidés (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Mardi, 22 Septembre 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

Ernest n'a pas fait le poids

Mort quand il n'a plus pu

Se mettre à faire le dos

Rond●e balle en bouche.

 

Un coin de vie perdue,

Romain n'a pas franchi

Le cap du crépuscule

Quand l'aube a tout donné.

Les travaux et les jours (extraits 12) (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 21 Septembre 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Bonnes feuilles

La mère

Fascinant et angoissant envahissement des choses dans l’espace étroit de la maison. Combien de fois, un objet quelconque à la main, décidée à la ranger, le donner, le jeter, elle l’abandonne sur place, saisie à le contempler d’une brisante indécision quant à sa place, son usage ou manque d’usage, projetée par une pénible anticipation vers le moment incertain où, peut-être, l’objet pourrait être requis, souhaité, regretté. Ça peut toujours servir, susurre la mémoire atavique des temps de pénurie, jetant des ombres grotesques sur les parois des cavernes modernes envahies de bidules.

 

Le fils

D’un passage chez le fleuriste, afin d’honorer d’un bouquet une visite dominicale chez des parents éloignés, il rapporte un minuscule cactus, une boule de piquants, large comme deux de ses doigts, qu’il tient délicatement à deux mains posée sur ses genoux, assis muet comme une carpe sur le canapé de leurs hôtes, jetant de temps à autre un coup d’œil par-dessus le rebord du cornet de papier qui protège la plante comme pour s’assurer de sa présence.

Ombres de l’Inde – Histoire incertaine (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 18 Septembre 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Récits

 

En relisant les Carnets du grand chemin. – Il m’arrive de m’interroger sur ce que pouvait être l’Inde avant la période coloniale et même avant les brutales razzias islamiques. Quels étaient ses paysages, les rapports de ses habitants à leur terre, à leur village, à leurs champs, à leurs forêts ? A quoi ressemblaient les cités dont nous visitons les ruines, comme Vijayanagar (Hampi aujourd’hui) dans le Karnataka, rasée au seizième siècle par les conquérants musulmans, sa population massacrée ou forcée à la conversion, ses temples, ses palais, ses bibliothèques, ses salons de musique détruits et sa rivière rougie de sang humain ? Selon quelles normes fonctionnaient-elles ? Qu’étaient l’espace, le temps surtout ? Qu’y avait-il dans la conscience d’un garçon de vingt ou vingt-cinq ans, guère différent dans son apparence, je le suppose, de ceux que j’ai aimés ? Comment s’éveillaient ses désirs et, s’il convoitait ses pareils, comment cette attirance était-elle par lui et par ses camarades ressentie ? Qui croisait-on sur les routes ? Quels étaient leurs dangers, leurs surprises, leurs bonheurs ? Où se portaient spontanément les yeux ? Comment s’habillait-on, s’accommodait-on de son corps ?