Identification

Les Livres

La Commune 1871, Emile Zola, par Vincent Robin

Ecrit par Vincent Robin , le Vendredi, 21 Septembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La Commune 1871, Emile Zola, Nouveau Monde Editions, juillet 2018, 312 pages, 9 €

 

« De février 1871 à août 1872, il produit des chroniques parlementaires sous le titre de La République en marche, publiées dans La Cloche et  le Sémaphore de Marseille. Elles lui permettent à la fois de se faire connaître du monde politique et d’y fonder de solides amitiés (et inimitiés) » (Wikipédia).Tout comme le confirme la très omnisciente bibliothèque du net – non sans démystifier au passage quelque pseudo originalité présente –, à trente et un an et à la charnière du dernier quart du XIXe siècle français, le jeune Emile Zola endossait la fonction de journaliste politique. Sans analyse contextuelle préalable très poussée, et probablement pour garantir à la fois les effets d’une immersion subite dans l’époque et dans les options singulières du rapporteur, le présent ouvrage déroule alors le tissu raccordé des articles de presse que l’écrivain adressa durant ce temps aux deux périodiques mentionnés plus haut. Au rythme d’un agenda consciencieusement suivi, les correspondances du pigiste reflètent ici, par enchaînement serré, les plus cruciaux moments dont il fut témoin ou interprète à travers les soudaines et turbulentes évolutions politiques du pays. Ces instants marquants auront été, essentiellement, les évènements rudes et dramatiques survenus dans et autour de Paris lors de la « Commune » (18 mars/3 juin 1871).

Évasion, Benjamin Whitmer (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 20 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister, La rentrée littéraire

Évasion (Old Lonesome), septembre 2018, trad. américain Jacques Mailhos, 404 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Benjamin Whitmer Edition: Gallmeister

 

Benjamin Whitmer nous fait, avec ce roman, un exercice de style. Il pose tous les codes du roman noir et en extrait un monument classique, hommage au genre et aux grands auteurs qui l’ont illustré. On pense à Goodis, Hammett, Lee Burke. C’est un pied-de-nez aussi aux auteurs modernes ou post modernes (comme ils disent) du genre. Pas de chichis, pas de maniérisme qui veut bousculer les codes pour bousculer les codes, pas de polices de caractères différentes et autres fantaisies agaçantes. Whitmer est un maître du roman noir et il l’affirme, haut et fort.

Un groupe de prisonniers évadés courent dans la nature. A cause des conditions climatiques épouvantables – tempête de neige interminable – ils ne peuvent aller bien loin. Ils se réfugient dans diverses maisons voisines de la prison dont ils sortent. A leurs trousses, matons, flics et journalistes à la recherche d’un scoop. Et une femme, celle de Mopar, l’un des évadés. Tous, fuyards et traqueurs, se meuvent dans un monde fantomatique, ouateux, où rien ne se voit. On devine à peine les silhouettes. Impossible de les identifier à vue.

Mauvaise passe, Clémentine Haenel (Par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, L'Arpenteur (Gallimard)

Mauvaise passe, août 2018, 128 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Clémentine Haenel Edition: L'Arpenteur (Gallimard)

 

« Je conçois de le tuer, lui. Tuer celui qu’il est quand il se fait sombre et cassant, celui qui m’inquiète trop : quand il n’est plus en contact avec la vie, que ça le rend hostile. J’ai des sursauts de haine, mes doigts glissent le long de mes hanches et râpent ; ça colle et ça claque. J’en ai marre de ces mains qui sont des fontaines ».

Mauvaise passe est un roman électrique, violent, tremblant, hurlant. Un petit livre écrit au scalpel qui déchire le monde et l’art littéraire, et que pourrait saluer Georges Bataille. Mauvaise passe, comme on le dirait d’un corps marchandé, d’un corps qui se livre aux déchaînements des hommes – Je nettoie les plaies que la nuit a laissées sur mes côtes, et regarde mes seins, qui ont bleui–, ou d’un navire qui se risque dans un chenal de tous les dangers. Mauvaise passe est un roman qui sent l’alcool, le tabac, et le sperme, un roman qui se livre dans l’errance, et qui claque comme une paire de gifles, des coups et des mots. Un roman souffrant, et qui s’offre, comme le revendique la narratrice, un roman échevelé, glacé et glacial.

Marguerite Duras, Romane Fostier (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 19 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Folio (Gallimard)

Marguerite Duras, septembre 2018, 304 pages, 9,40 € . Ecrivain(s): Romane Fostier Edition: Folio (Gallimard)

 

Les Incursions secrètes de Duras

Dans l’œuvre de Duras chaque mot est une incantation – celui qui appelle l’esprit le fait apparaître – et l’auteure fit jaillir des lieux secrets contre lesquels on se penche, au bord de rien. Il y a là des nids d’errance, des espaces de repli qui sont comme des angles morts du monde à l’intérieur de soi.

Et Romane Fostier en remonte l’histoire à travers celle de Duras – de l’enfance rebelle en Indochine jusqu’à sa retraite à Neauphle-le-Château. Pas de scoop dans cette biographie mais cette façon de montrer comment les bourgeons portent des écailles pour renvoyer la lumière en éclats. Le chemin de Duras est un espace aux lisières presque closes, une sorte d’utopie dont l’accès est blotti derrière des paupières où se cachent bien des douleurs.

La biographe les pénètre pour montrer comment la romancière et cinéaste sut lâcher les freins, fendre l’œuf du monde, s’inclure dans l’élan jusqu’à pulvériser les restrictions du regard, accueillir l’éperdu dans la chambre flottante de l’esprit rebelle et acéré.

Schopenhauer, Thomas Mann (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 19 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Buchet-Chastel

Schopenhauer, mars 2018, trad. Jean Angelloz, 236 pages, 12 € . Ecrivain(s): Thomas Mann Edition: Buchet-Chastel

Schopenhauer lu par Thomas Mann : à n’en pas douter, nous sommes en présence d’un éminent exemple de ce qu’on appelle « la critique des maîtres », très loin de la grisaille journalistique ou des rodomontades des gloses universitaires. Les premières lignes de l’opuscule (« Notre joie en face d’un système métaphysique, notre satisfaction en présence d’une construction de la pensée, où le monde trouve son organisation spirituelle dans un ensemble logique, cohérent et harmonieux, relèvent toujours, à un degré éminent, de l’esthétique ; elles ont la même origine que le plaisir, que la haute satisfaction, toujours sereine finalement, dont nous enrichit l’activité artistique quand elle crée l’ordre et la forme et nous permet d’embrasser du regard le chaos de la vie en lui donnant la transparence ») déjà installent sur les sommets cette rencontre entre Schopenhauer et son « suffisant lecteur ». Avec une déconcertante simplicité, l’auteur de La Montagne magique surplombe l’œuvre du philosophe, en rappelant sa dette envers Platon, qui distinguait les choses de ce monde, images mobiles, en perpétuelle mutation, des réalités éternelles, et lesdites réalités, les Idées, immuables. Cette distinction platonicienne n’est pas une théorie poussiéreuse comme on en trouve chez Aristote. Par elle, Platon préparait le terrain, d’une part, à la démarche scientifique (où l’on recherche des lois simples, abstraites, derrière la multiplicité des phénomènes concrets), d’autre part au christianisme à venir.