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La Coupure, Fiona Barton (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando 29.11.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Fleuve Editions

La Coupure, septembre 2018, trad. anglais Séverine Quelet, 480 pages, 20,90 €

Ecrivain(s): Fiona Barton Edition: Fleuve Editions

La Coupure, Fiona Barton (par Sylvie Ferrando)

 

Comme tout bon roman policier, La rupture est une histoire de secrets.

Trois femmes, qu’au départ rien ne relie, rien ne prédestine à se rencontrer, sont marquées par l’annonce, en quelques lignes, dans un journal, de la macabre découverte du corps d’un nouveau-né sur un chantier de la banlieue de Londres. Le dossier se corse lorsqu’on apprend que les ossements du bébé datent de 42 ans auparavant. A des titres différents, ces trois femmes vont chacune renouer les fils de leur passé et mener une enquête individuelle qui les conduira vers une vérité – la verité ? Ont-elles un lien personnel ou un lien professionnel avec l’affaire ? Le doute persiste, au cours du roman, pour l’une des trois protagonistes.

Angela, mère de famille et jeune grand-mère, vit dans le souvenir de l’enlèvement de son premier enfant à la maternité quelque quarante ans plus tôt, et peine à tourner la page. Cette affaire est pour elle l’occasion sinon de percer le mystère, du moins d’obtenir une réponse : Alice, son bébé qui lui a été si tôt arraché, est-elle morte ou a-t-elle survécu ?

« Elle allait se mettre à pleurer, elle le savait. Elle sentait les sanglots monter, enfler, obstruer sa gorge, l’empêcher de parler. Elle s’assit sur le lit une minute afin de repousser le moment fatidique. Angela avait besoin d’être seule lors de ces crises de larmes. Au fil des années, elle avait tenté de les combattre : elle n’était pas une pleureuse. Son travail d’infirmière et sa vie de militaire l’avaient endurcie et blindée contre tout sentimentalisme depuis longtemps.

Pourtant, chaque année, le 20 mars faisait exception ».

Emma, mariée à Paul, un universitaire de vingt ans son aîné, fait des travaux d’édition en free-lance. On la sent fragile depuis son enfance : ses relations avec sa mère, Jude, sont conflictuelles, et elle prend des calmants pour vivre le plus normalement possible. Un douloureux mystère plane sur une partie de sa vie, que la fameuse coupure de presse remet à vif.

« Il s’avère que je me suis passée d’une mère pendant si longtemps que j’ai découvert que je n’en avais pas besoin, et je suis sûre que Jude ressent la même chose à mon égard.

C’est bizarre, aucune de mes relations ne ressemble à celle des autres. Ma mère est comme ma cousine, mon mari est comme mon père, et mon bébé… bon, il n’y a pas de bébé ».

Enfin, Kate, la journaliste dynamique et équilibrée du Daily Post, flaire, entre les lignes de la modeste brève, le dossier à élucider : elle fait jouer ses indicateurs et révèle ses talents de fin limier et ses méthodes d’investigation éprouvées. Elle dénichera une affaire à rebondissements, bien au-delà de ses prévisions de départ, et telle que la presse en raffole.

« Pourquoi recherchez-vous la mère d’un bébé qui a disparu il y a entre vingt et quarante ans ? demanda-t-il, le front plissé.

– Parce que je veux découvrir ce qu’il s’est passé, Joe. On appelle ça un reportage d’investigation ou un portrait. L’info ne concerne pas seulement les acteurs de feuilletons ou les politiciens. Ici, tous les éléments d’une bonne histoire sont réunis. Je le sens dans mes tripes ».

Mais surtout on glane ça et là quelques ficelles du métier de journaliste de terrain comme la mise en confiance de l’interviewé et la retranscription de la conversation, ce qui donne une vraie saveur au récit.

« Une fois dans la voiture, elle passa dix minutes à griffonner des notes sur leur conversation. Chez Soames, elle avait préféré ne pas sortir son calepin. A coup sûr, l’homme aurait refusé de ce confier s’il avait compris que ses paroles étaient consignées.

Elle avait enclenché le magnétophone dans son sac à main sitôt la porte franchie mais elle n’était pas certaine du résultat. Il y avait eu beaucoup de mouvement. Malgré tout, elle avait peut-être enregistré quelque chose. Elle vérifierait plus tard ».

Au fond, le roman de Fiona Barton est peut-être bien un ouvrage sur la presse écrite et les aléas du journalisme d’investigation : il débute par une coupure de presse et se clôt, peu ou prou, par un papier livrant la clé du mystère.

 

Sylvie Ferrando

 


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A propos de l'écrivain

Fiona Barton

 

Fiona Bartonest journaliste et formatrice internationale dans les médias. Elle a notamment écrit pour le Daily Mail, a été rédactrice pour le Daily Telegraph et rédactrice en chef du Mail on Sunday. Née à Cambridge, elle vit aujourd’hui dans le Sud-Ouest de la France. La Coupure est son second roman après La Veuve qui l’a immédiatement propulsée sur le devant de la scène du thriller. Ses œuvres sont traduites dans une trentaine de pays.

 

A propos du rédacteur

Sylvie Ferrando

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Rédactrice

Domaines de prédilection : littérature française, littérature anglo-saxonne, littérature étrangère

Genres : romans, romans noirs, nouvelles, essais

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Grasset, Actes Sud, Rivages, Minuit, Albin Michel, Seuil

Après avoir travaillé une dizaine d'années dans l'édition de livres, Sylvie Ferrando a enseigné de la maternelle à l'université et a été responsable de formation pour les concours enseignants de lettres au CNED. Elle est aujourd'hui professeur de lettres au collège.

Passionnée de fiction, elle écrit des nouvelles et des romans, qu'elle publie depuis 2011.

Depuis 2015, elle est rédactrice à La Cause littéraire et, depuis 2016, membre du comité de lecture de la revue.

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