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Les Livres

L’or saisons, Colette Daviles-Estinès, par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Lundi, 01 Octobre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’or saisons, Colette Daviles-Estinès, Éditions Tipaza, mai 2018, ill. Philippe Croq

Une Orpailleuse de finitudes

Qui, avant de le tenir enfin entre ses mains puis d’y engager ses regards, ne le connaissant pas encore mais l’ayant un peu deviné par assiduité aux Volets ou vers, le riche blog accueillant de la poète, et aux revues, au chaleureux Lichen d’Élisée Bec en particulier dont chaque numéro publie de ses textes – qui donc ne s’ennuyait souvent, impatiemment, de L’or saisons ?

Dans cet ouvrage aux pages végétales, branches-feuilles souples accolées au tronc du dos, les poèmes de Colette Daviles-Estinès fascinent par une constante beauté diffractée en inflexions menant très loin, et l’art de Philippe Croq intercale des peintures polysémiques comme autant de superbes jalons et relais complices.

Sa découverte, lexique et picturale, procure un multiple plaisir, un enchantement. Étrangère au virtuose, au péremptoire, au savant, mais au contraire amie des présences et signes, les apprivoisant, les creusant, s’y apprivoisant aussi, proposant en partage tout un cheminement parmi eux, la parole inspirée de Colette Daviles-Estinès suscite ce rare bonheur.

Toutes les femmes sauf une, Maria Pourchet (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 28 Septembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Toutes les femmes sauf une, Maria Pourchet, Pauvert, septembre 2018, 136 pages, 15 €

 

Ce livre s’adresse à toi, le livre que tu prends en pleine figure, parce que tu es une femme. Parce que d’abord, tu es une femme blessée par ta naissance. Celles de toutes les femmes qui t’ont précédée. Tu n’as pas qu’une mère, tu en as des milliers.

Femme, tu portes les maux et le poids des morts, le poids du sang, le poids des mots. Tu enfanteras dans l’angoisse. La terreur de l’éventration. N’oublie pas la racine des mots. Ce n’est pas douleur qu’il fallait traduire mais angoisse.

Les mots qui déchirent.

Les hommes vont entrer dans ce livre avec malaise, précaution, curiosité, avec effroi. Ils seront à l’étroit.

L’entrée en matière. Ton arrivée au monde. Tu t’écrases sur une toile cirée, c’est à peu près ça, la salle de travail. La salle de travail. Il fallait une femme pour enquêter, il fallait Maria Pourchet pour raconter et dépasser le récit, le genre de livre qui se fout du réel ou de la fiction, il est au-delà du genre.

La maison aux orangers, Claire Hajaj (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 28 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Les Escales

La maison aux orangers, mars 2018, trad. de l'anglais Julie Groleau, 394 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Claire Hajaj Edition: Les Escales

 

La Maison aux orangers met en scène deux destins : celui de Salim Al-Ishmaeli, impatient d’aller accompagner son père à la cueillette des oranges dans sa propriété de Jaffa. Nous sommes en 1948, à la veille de la guerre israélo-arabe qui se conclura par le partage de la Palestine, et la fuite de la majorité de très nombreux habitants arabes palestiniens. Le second personnage est Judith, jeune juive lycéenne vivant dans le nord de l’Angleterre, élevée par ses parents dans le maintien d’une identité juive par l’enseignement religieux, la préparation de sa Bar-mitsvah, équivalent judaïque de la communion solennelle. Qu’ont en commun ces deux individus si lointains, tant géographiquement que culturellement ? C’est le talent et l’habileté de Claire Hajaj, l’auteure de ce premier roman, de le dévoiler au lecteur.

Salim a baigné, dans les jours précédant l’éclatement du conflit, dans un décor marqué par sa famille, sa fratrie, son père, à l’influence si pesante : « Salim était sûr de lui. Il avait peu d’affection pour son père, ou pour Abou Mazen, ou pour tous ces hommes imposants qui venaient chez lui. Mais son monde s’était construit autour de l’odeur de leurs cigarettes et du bruissement feutré de leur conversation. Comment imaginer que l’assurance tranquille avec laquelle ils régnaient sur le monde puisse disparaître ? ».

Les grandes villes et la vie de l’esprit, Sociologie des sens, Georg Simmel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 27 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Payot Rivages

Les grandes villes et la vie de l’esprit, Sociologie des sens, mars 2018, trad. allemand Jean-Louis Vieillard-Baron, Fréderic Joly, préface Philippe Simay, 110 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Georg Simmel Edition: Payot Rivages

Il est d’usage, dans le petit monde universitaire, de mépriser plus ou moins discrètement les articles de revue, qui représenteraient, par rapport aux livres, une forme moins aboutie de la pensée et de la recherche. Or bien des textes importants ne furent jamais autre chose que des articles de revue, à commencer par les cinq contributions envoyées aux modestes Annalen der Physik par un jeune savant inconnu, Albert Einstein ; contributions publiées en 1905 et plus importantes que bien des gros ouvrages en plusieurs tomes. Contemporains des démonstrations d’Einstein, les deux textes du sociologue Georg Simmel (1858-1918) réunis dans ce mince volume furent également des articles : Les grandes villes et la vie de l’esprit proviennent d’une conférence donnée en 1902 et publiée l’année suivante ; Sociologie des sens parut en 1907. Dans ces deux articles se déploie une pensée mûre. En sociologue digne de ce nom, Simmel s’intéresse à la grande ville contemporaine, celle où lui-même a pu vivre. Passée entre 1871 et 1914 de 800.000 à 4 millions d’habitants (une croissance démographique qui n’est pas sans évoquer, de nos jours, Istanbul), Berlin a fourni à Simmel un terrain d’observation et de réflexion privilégié (ses remarques recoupent en partie celles de Walter Benjamin sur Baudelaire et Paris, dans l’essai Sur quelques thèmes baudelairiens).

Si quelqu’un écoute, Béatrice de Jurquet (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 27 Septembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Si quelqu’un écoute, Béatrice de Jurquet, éditions La rumeur libre, novembre 2017 (Prix Max Jacob 2018. Préface Gérard Chaliand), 128 pages, 16 €

 

Un territoire à soi

Voici comment Béatrice de Jurquet définit elle-même son écriture : « J’ai capté des bribes de phrases attrapées dans le temps suspendu hors du bruit assourdissant du quotidien. J’ai cherché la juste place, la vibration, la résonance, l’attention aux choses minuscules, le rythme intérieur, la musique intérieure, le silence, le souffle ».

Le silence est indispensable pour savourer la poésie. Alors, un conseil, choisissez l’intimité, enfoncez-vous douillettement dans le fauteuil le plus confortable de votre maison, attendez tranquillement que vienne le crépuscule, à l’orée de l’automne quand les jours raccourcissent, allumez une lampe pour créer juste une lumière tamisée. Vous voilà préparé à savourer Si quelqu’un écoute de Béatrice de Jurquet, recueil de poèmes paru en 2017 dans les éditions La Rumeur libre. Dans ce recueil, vous retrouverez beaucoup de thèmes chers à l’auteur et déjà explorés dans son roman La Traversée des lignes : Les paysages et les maisons d’enfance,

« Un pays qui n’existe que d’être écrit ».