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Les Livres

Prix de la Vocation 2018, les livres en lice (3) : Sauver les meubles, Céline Zufferey et Le réconfort, Pierre Daymé (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 27 Septembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Sauver les meubles, Céline Zufferey, Gallimard, août 2017, 240 pages, 19 €

 

Le personnage principal de l’histoire est un photographe débutant, de sexe masculin, un vrai narrateur et non un substitut de l’auteur : il ne s’agit pas ici d’autofiction, mais plutôt de conversations et de sous-conversations. Le « je » narre l’entrée dans le métier de photographe, non pas d’art mais pour la consommation de masse (les cuisines), d’un jeune homme, qui prend sur les sites de rencontre le pseudo de FIRE.

Pour échapper à ses frustrations de professionnel débutant, et à la compagnie fort peu exaltante d’Assistant, de Stagiaire et de Sergueï-le-Styliste, le narrateur entretient une liaison, d’abord entièrement satisfaisante, avec Nathalie, la collègue qui pose dans les décors qu’il photographie : « Après le sexe, elle pose sa tête sur mon épaule. C’est comme ça que l’archétype de l’homme stable et heureux qu’on promet dans nos photos finit sa journée : dans un lit à deux places, une belle fille entre les bras ».

L’Aventure, France Burghelle Rey (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 26 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Unicité

L’Aventure, juin 2018, 84 pages, 13 € . Ecrivain(s): France Burghelle Rey Edition: Unicité

 

Un bref roman, au ton autobiographique, nous plonge dans une Bourgogne de vacances et de redécouverte d’un passé éloigné. Vingt ans, déjà. Stan et ses amies, Claire, Paule et la narratrice se sont connus, entre amitié et amour. Se sont perdus de vue. Ils se retrouvent et le hasard fait bien les choses : un journal intime que Claire a tenu, il y a longtemps, rameute des souvenirs, des expériences. La narratrice commente, au fil de la lecture de ce journal, qu’un grenier de province gardait secret, le texte de son amie.

L’amitié, l’amour, le désarroi, la réclusion dans un espace mental non désiré recoupent l’histoire et en donnent une chair attentive et précieuse. Que de strates, parfois bien mal perçues, recouvrent les relations sentimentales. Le livre dans le livre, pour être un procédé narratif efficace, laisse les événements se décanter, offre au lecteur matière à réflexion sur ce que le temps assigne aux sentiments. On n’oublie pas tout à fait ; on recuit certaines expériences ; on revient à l’arrière du Temps, dans cet espace presque confit, confiné et douloureux, et cependant partageable.

cOsmOésia, Christophe Dekerpel, par Murielle Compère-Demarcy

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 26 Septembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

cOsmOésia, Christophe Dekerpel, éd. La Chouette imprévue, octobre 2018, 59 pages, 14 €

 

Origine de l’Univers & Origine de l’Un/de l’Être au singulier, dans sa Singularité : où se situe l’Un, par rapport à l’Autre ? Se rejoignent-ils ? Lors de quel « voyage, hors du temps » ? Soumis à la gravitation, pesant (« Gravitation fois mille ~ G X 1000Pesanteur zéro ~ P=0 »), être « humanimal », au cœur de l’univers, « Suis-je ici ? Suis-je ailleurs ? Ici et ailleurssimultanément ? »… Le nouveau livre de Christophe Dekerpel qui avait signé précédemment De corps, encore, aux éditions Corps Puce, nous assigne dans cOsmOésiaà notre errance constitutionnelle d’être humain en quête d’une place où trouver corps, existence, au sein de l’Univers infini.

Les questions à l’origine de la réflexion philosophique sont posées dès le départ de ces poèmes métaphysiques : d’où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous (« Que deviennent les choses quand elles s’érodent ?Rejoignent-elles, infiniment petites, l’univers, dansleurs versions ioniques, subatomiques ? »). Une sorte de « How to be or how not to be » se décline ici, nous replongeant dans un questionnement inhérent à la condition humaine dès qu’elle s’interroge sur sa géolocalisation dans l’espace-temps (« multiplicitémultiplicitêtre ») devenu ici espace-temps sidéral.

De toutes pièces, Cécile Portier (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 25 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Quidam Editeur

De toutes pièces, septembre 2018, 170 pages, 18 € . Ecrivain(s): Cécile Portier Edition: Quidam Editeur

 

« Savoir ce qu’on fait : un fatras agencé au millimètre près, avec dedans un paravent peint d’oiseaux, des bêtes à poil et à griffes, dont une loutre, pour la beauté enfin stoppée, réalisée, de sa nage, et des bocaux sur des étagères scellées dans de la menuiserie sombre aux mécanismes d’ouverture plus subtils que compliqués, s’offrant seulement aux doigts fins. Des surprises, des terreurs, des onguents, des mèches de cheveux de concubines d’un harem, type Angélique Marquise des Anges ».

De toutes pièces est le roman de ce fatras, de cette collection amoncelée, de ce cabinet de curiosités qui sous nos yeux s’imagine, s’agence dans le hangar d’une zone commerciale oubliée, loin de tout, tenue secrète, sans que jamais l’on ne sache pourquoi et pour qui. Les commanditaires de ce musée imaginaire et improbable sont invisibles. Ils donnent des ordres et contrôlent via une interface sécurisée tout ce qui entre, tout ce qui est répertorié par le narrateur, ce collectionneur qui va passer une année à faire naître cet étrange cabinet romanesque. Ce musée de la Terre et du Monde l’occupe jour et nuit et son journal devient ce troublant roman. Il commande, achète et classe, un monde étrange et extravagant se dessine en pointillé, jour après jour, sans que l’on sache à quoi cela va nous conduire et l’entraîner.

Né du limon, et Dérives, Claude Louis-Combet, Elisabeth Prouvost (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 25 Septembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arts

Né du limon, et Dérives, Fata Morgana (2017 et 2014)

 

Enfer ou paradis qu’importe

Après Magdeleine à corps et à Christ chez le même éditeur, le « couple » que forment en littérature Claude Louis-Combet et la photographe Elizabeth Prouvost poursuit sa quête de l’indicible et des gouffres du corps.

Au Golgotha d’hier comme dans les bouges d’aujourd’hui, les deux créateurs insultent l’ordonnateur du guet-apens céleste. Par ce dernier, il n’y a pas de pécheresse qui soit sauvée, il n’y a que des vautours migrant des cieux de Galilée, de Judée, au bordel où officient les Edwarda en ordinatrices de coïts cérémoniels.

Les deux compagnons de l’obscur allongent des chevelures là où les corps sont en gésine. La plaie et le couteau sont laissés dans l’ombre d’un grand vide noir que Marie-Madeleine bariole de son sang. Et le poète invente des maisons closes refuges où s’entendent les bruissements d’amants qui ne cherchent pas forcément à regagner le ciel – qu’il soit de lit ou d’azur.