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Les Livres

Comme un lundi, Carnet de bord assis tout au bord du temps, Thomas Vinau (par Sylvie Zobda)

Ecrit par Sylvie Zobda , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Comme un lundi, Carnet de bord assis tout au bord du temps, La fosse aux ours, août 2018, 115 pages, 15 € . Ecrivain(s): Thomas Vinau

 

Thomas Vinau dédie son recueil de prose poétique aux bestioles tendres et aux brindilles souples. Dès les premiers mots, le ton est donné. Celui de la vie quotidienne, réenchantée par la plume kaléidoscopique de l’auteur. Il faut un certain talent pour s’émerveiller d’un début de semaine, entre pleurs d’un enfant, pluie continue, pelouse à tondre et ce temps qui défile, qui déraille, qu’il faut retenir pour mieux vivre l’instant. L’instant donc est précieux. Et c’est le bonheur des petits trésors que la vie apporte qui nous est présenté dans cette respiration bienfaisante.

« Il me faut prendre le temps. L’agripper par le col. Le maintenir sur place. J’ai ma technique pour ça. Technique de survie. M’asseoir et rattraper le retard par les yeux. Du néant au séant, je règle la focale. Distinguer la lumière qui escalade le mur. La longue patience sage du tuyau d’arrosage. Les couleurs qui font leurs bagages sur les jouets abimés. Il me faut reprendre à zéro. Dans les petits scintillements du néant. Refuser le mouvement du jour… » (Au sommet du plongeoir, p.62).

Trame : Anthologie 1991-2018 suivie de L’Amour là, Pascal Boulanger (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Trame : Anthologie 1991-2018 suivie de L’Amour là, Pascal Boulanger, Tinbad Poésie, octobre 2018, 368 pages, 30 €

« Le chant sera pur élan du cœur

Il détache une page il la plie

Les gris sont bleus

Il renonce au repas sanglant

La goutte d’encre est la nuit

Il écrit : la poésie doit être négation de la négation… »

(Le bel aujourd’hui)

Trame est une anthologie, un mot bienvenu qui s’appuie sur une fleur grecque, anthoset que l’on pourrait associer à anthèse, l’épanouissement de la fleur. Une anthologie qui n’a jamais aussi radicalement porté son nom : les épanouissements de la lettre et donc de la poésie libre et vivante.

Journal de l’Année de la Peste, Daniel Defoe (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard), Histoire

Journal de l’Année de la Peste (A Journal of The Plague Year, 1720), trad. anglais Francis Ledoux, 377 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Daniel Defoe Edition: Folio (Gallimard)

 

De Daniel Defoe, qui ne connaît pas Robinson Crusoé ? La célébrité du naufragé le plus connu de la littérature universelle a (presque) effacé de nos jours le reste de l’œuvre dans lequel surnagent Moll Flanders et ce Journal de l’Année de la Peste.

A mi-chemin de l’histoire et du roman – c’est un narrateur qui parle – ce livre est une chronique subjective et très documentée sur la funeste année 1665, lors de laquelle La Grande Peste emporta probablement 100.000 londoniens, soit environ 20% de la population de la capitale anglaise.

La Peste, sous la plume de Defoe, est un sujet parfait pour faire de Londres un tableau à la fois terrible et révélateur des données sociales de la grande ville de l’époque. La maladie semble avoir été apportée par des bateaux en provenance des Pays-Bas en 1664. Elle fit plusieurs victimes pendant l’hiver 1664-1665, mais les grands froids empêchèrent son extension. Par contre, le printemps et l’été 1665 furent inhabituellement chauds et l’épidémie commença à prendre de l’ampleur.

Berlin finale, Heinz Rein (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 15 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Belfond

Berlin finale, septembre 2018, trad. allemand Brice Germain, 869 pages, 23 € . Ecrivain(s): Heinz Rein Edition: Belfond

 

Peu de romans méritent, réellement, le qualificatif de grands romans, d’œuvres-clé susceptibles de marquer la littérature de leur époque de parution. Dans la littérature allemande, caractérisée par le courant de la Trummerliteratur, littéralement la littérature des ruines qui a marqué l’immédiat après-guerre, on ne retenait pas le nom de Heinz Rein, auteur de ce roman. Cette œuvre se situe, non pas dans l’après-guerre mais dans la période s’étendant entre le début du mois d’avril 1945 et le 30 avril, à la veille de la reddition des troupes allemandes et de la prise de Berlin par l’Armée rouge.

Ce roman peut s’inscrire dans la lignée de celui de Hans Fallada, Seul dans Berlin, qui décrit la tentative de résistance au régime nazi d’un contremaître dans une usine berlinoise. Cependant, il va beaucoup plus loin : les principaux personnages du roman, le Docteur Walter Böttcher, médecin généraliste, ancien membre du parti social-démocrate, tête du groupe de résistance Berolina ; Friedrich Wiegand, imprimeur typographe, clandestin, persécuté par la Gestapo depuis douze ans ; Joachim Lassehn, déserteur de la Wehrmacht, ancien étudiant en musique ; Klose, un restaurateur qui héberge ces clandestins ; tous illustrent à un moment ou un autre du roman l’état de la société allemande à cette époque.

Zabor, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 15 Novembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

« Ecrire est la seule ruse efficace contre la mort. Les gens ont essayé la prière, les médicaments, la magie ou l’immobilité, mais je pense être le seul à avoir trouvé la solution : écrire. Mais il fallait écrire toujours, sans cesse, à peine le temps de manger ou d’aller faire mes besoins, de mâcher correctement. Beaucoup de cahiers qu’il fallait noircir. Je les achetais, je crois, selon le nombre des gens que je rencontrais : dix par jour, parfois deux (quand je ne sortais pas de la maison de mes grands-parents) ou plus ; une fois, j’ai acheté 78 cahiers, d’un seul coup, après avoir assisté au mariage d’un voisin. Le plus proche libraire me connaissait et ne me posait jamais de question sur mes achats : dans le village on me désignait comme étant le fils du postier, celui qui lisait, sans cesse, et on comprenait un peu que je noircisse les cahiers comme un possédé. On m’envoyait les vieux livres trouvés, les vieilles pages jaunes des colons, des revues déchirées et des manuels de machines disparues. J’étais silencieux et brillant aux écoles et j’avais une belle écriture appliquée. Donc j’achetais les cahiers en recomptant, les yeux fermés, le corps allongé sous la vigne tourmentée de notre cour, pendant l’heure de la sieste, les gens rencontrés, la journée précédente.