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Les Livres

Le Train zéro, Iouri Bouïda (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman, Gallimard

Le Train zéro, Iouri Bouïda, trad. russe Sophie Benech, 127 pages, 6,90 € Edition: Gallimard

 

Ce train Zéro, tout droit sorti de l’Enfer de l’Arc d’Héraclite, celui qui mène à l’inéluctable sort des hommes, vous hantera à jamais de ses bruits de ferraille, son souffle effroyable, son mystère vertigineux. D’où vient-il ? Où va-t-il ? Que transporte-t-il ? Qui le conduit ?

A la Station 9 de la Ligne, Ivan Ardabiev, surnommé Don Domino, veille, avec quelques personnes, à ce que le Train passe sans encombre, à l’heure dite « Ric-Rac » ! Il ne se pose pas de questions, il exécute les ordres venus « d’en-haut » parce que c’est l’ordre de la « Patrie ». Les gens qui vivent autour de la station 9 sont chrétiens, sont juifs, peu importe, ils sont d’abord très pauvres, très isolés et, peu à peu désespèrent et s’en vont. Le roman commence d’ailleurs de manière très drôle – on pense à une histoire russe célèbre :

« “Les Juifs s’en vont !” cria-t-il dans le vide sonore de la maison et, ayant attendu en vain une réponse, il retourna à la fenêtre. “Les Juifs s’en vont toujours. Il n’y a que des idiots comme nous pour rester !” ».

Sonnets du petit pays entraîné vers le Nord et autres jurassiques, Jean-Charles Vegliante (par Valérie T. Bravaccio)

Ecrit par Valérie T. Bravaccio , le Jeudi, 16 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Sonnets du petit pays entraîné vers le Nord et autres jurassiques, Jean-Charles Vegliante, L’Atelier du Grand Tétras, mai 2019, 56 pages, 13 €

Livre d’une rare qualité d’impression, avec une couverture en papier Tintoretto 250 gr et des pages en vélin ivoire Palatina, relié en cahiers cousus, auprès des Presses de L’Atelier du Grand Tétras, pour y accueillir 9 encres de Véronique Cheanne (peintre qui travaille différents matériaux : cendres, enduits, pigments naturels, terre, encre et aquarelles). L’une d’entre elles est reproduite sur la couverture afin d’accompagner le titre du recueil de 21 poésies de Jean-Charles Vegliante, Sonnets du petit pays entraîné vers le nord et autres jurassiques.

Si la forme poétique très connue, le sonnet, est le lieu de l’expression du « je » poétique par excellence, néanmoins, le titre est énigmatique. Quels sont les référents pour « petit pays », « le nord », « jurassiques » ? D’autant plus qu’une présentation du poète est très succincte : « né à Rome, a vécu en Franche-Comté puis à Paris ». Sur la 4 de couverture, est mentionné « un exil […] reparcouru le long d’un arc temporel […] ».

Frankenstein ou Le Prométhée moderne, Mary Shelley (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 16 Janvier 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Frankenstein ou Le Prométhée moderne, Mary Shelley, Gallimard, Folio Science-fiction, 2015, trad. anglais Alain Morvan, 326 pages, 4,60 €

 

Lisant Frankenstein ou Le Prométhée moderne, l’on est saisi. Il semble qu’écrivant, Mary Wollstonecraft Shelley (1797-1851) ait, douée de prescience, répondu à l’adage édicté par Christian Dotremont : « Il faut voler le feu sans perdre les braises ni les cendres, ni le froid pour lequel on l’allume, ni le froid vers lequel il disparaît ».

Il faut voler le feu. Sans perdre les braises. Ni les cendres. Ni le froid pour lequel on l’allume. Ni le froid vers lequel il disparaît. Éteignez la lumière avant de lire cet article ou, s’il fait jour, arrangez-vous pour être plongé dans la nuit. Dans une nuit seulement fracturée par la lumière de votre ordinateur ou de votre smartphone. C’est fait ? Il nous faut maintenant faire un détour (Jane Austen vous offre le voyage), assez long, pour comprendre (car c’est bien de cela qu’il s’agit) Frankenstein. Il est un moment particulièrement délicieux, dans L’Abbaye de Northanger*, dont le mécanisme déceptif (eu égard à l’horizon d’attente d’un lecteur féru de romans gothiques) est huilé par l’humour :

Dans la mansarde, Marlen Haushofer (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mercredi, 15 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Babel (Actes Sud)

Dans la mansarde, Marlen Haushofer, août 2019, 222 pages, 7,80 € Edition: Babel (Actes Sud)

 

« Il est difficile d’imaginer à quel point

nous avons rendu notre univers étriqué et misérable »

 

Un drôle d’oiseau

Dans la mansarde commence et se termine un dimanche, au réveil, dans le lit conjugal de la narratrice qui rend compte, à chaque fois, d’une de ces sempiternelles et oiseuses chamailleries de vieux couple, devenues rituelles et qui en étayent l’édifice branlant et fissuré. Entre ces deux matins, une semaine comme les autres, à un détail près : un épisode éprouvant de son passé ressurgit inopinément, sous la forme d’enveloppes jaunes déposées dans sa boîte aux lettres et qui contiennent chacune une partie du journal intime qu’elle avait écrit à cette époque, frappée d’une soudaine surdité, elle avait été envoyée quelques mois dans une cabane forestière, sous la surveillance d’un garde-champêtre peu amène.

Le soleil sur ma tête, Geovani Martins (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 15 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Gallimard

Le soleil sur ma tête, Geovani Martins, octobre 2019, trad. portugais (Brésil) Matthieu Dosse, 135 p. 15 € Edition: Gallimard

« – C’est parce-que le monde entier est foncedé, frère. Comme si tu ne savais pas ça. Je te le répète : une semaine sans came et tout Rio de Janeiro s’arrête. Plus de médecins, plus de chauffeurs de bus, plus d’avocats, plus de policiers, plus d’éboueurs, plus rien. Tout le monde va devenir ouf à cause de l’abstinence. Cocaïne, Rivotril, LSD, ecstasy, crack, cannabis, antidouleurs, peu importe, frère. La came c’est le combustible de la ville.

– La came et la peur, j’ai ajouté ».

Ceci n’est pas un livre qui parle des favelas de Rio, ce sont les favelas qui y prennent la parole et donnent à voir une autre image, bien plus réelle, de cette ville qui fait rêver avec sa façade de carte postale, ses plages faussement paradisiaques, son carnaval à paillettes, sa samba perpétuelle. Rio de Janeiro a un autre visage, un visage balafré par la violence, fille bâtarde de l’exclusion sociale, un visage recouvert de la poussière humaine déposée par les exodes ruraux, populations nordestines et d’ailleurs, fuyant l’aridité extrême de leur existence et dont les espoirs s’échouent dans les quartiers nord et les bidonvilles nommés ici favelas, en mémoire d’une fleur qui pousse – poussait ? – sur les mornes abrupts qui dominent la ville.