Identification

Les Livres

Sartre (1905-1980), Annie Cohen-Solal (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 24 Janvier 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, Essais, La Une CED

Sartre (1905-1980), Annie Cohen-Solal, Folio avril 2019, nouvelle édition augmentée d’une préface de l’auteure [première parution en 1985], 992 pages + 24 p. hors texte, 56 ill., 14,20 €

 

Bienheureux Flaubert ! La grande œuvre de Jean-Paul Sartre restera L’idiot de la famille, en trois volumes (Gallimard, collection Tel, 1983). Mais Les Mots, ce n’est pas mal non plus. Quelques mois après la publication de ce récit autobiographique, en octobre de l’année 1964, prix Nobel. Pour « l’œuvre » de Sartre « qui, par l’esprit de liberté et la recherche de la vérité dont elle témoigne, a exercé une vaste influence sur notre époque », suivant les termes de l’annonce. Sartre est content ? Pensez-vous. « Coup double pour Jean-Paul Sartre, titre L’Aurore. 1) Il a le Nobel 2) Il le refuse ». Si ce refus est une grande première, pour ce qui est de l’Académie Nobel, l’on ne peut pas dire que Sartre ne soit pas coutumier du non (sans pour autant atteindre, dans ce domaine, la dextérité laconique et inébranlable qu’atteindra Michaux) : refus de la Légion d’honneur après la guerre, refus d’une chaire au Collège de France dans les années 50… Mais est-ce vraiment un coup double ? L’Aurore a tort. Sartre n’a pas recherché cette publicité (la plus grande, la plus « royale » qui puisse être). Il n’en voulait pas : ayant appris, par un article du Figaro littéraire, que le jury Nobel s’apprêtait à le couronner, Sartre « prit sa plus belle plume pour annoncer aux Suédois son intention irréversible de refuser le prix et les prier de renoncer à cette décision, de ne pas la rendre publique », écrit Annie Cohen-Solal.

Le vent reprend ses tours, Sylvie Germain (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 23 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Le vent reprend ses tours, 2019 213 pages . Ecrivain(s): Sylvie Germain Edition: Albin Michel

 

Sylvie Germain poursuit avec finesse son œuvre singulière. Son dernier roman met en scène un saltimbanque à demi tzigane, joueur de sons et de mots, compositeur de vers saugrenus qu'il murmure aux oreilles des gens à l'aide d'un de ses instruments à sons, à souffle et à chuintements. Sans doute un hommage aux souffleurs poétiques, un collectif d'artistes-poètes, « commandos poétiques », créé par Olivier Comte en 2001, qui chuchotent à l’oreille des passants des secrets poétiques, philosophiques et littéraires à l'aide de longues cannes creuses.

Le roman conte l'histoire d'une rencontre magique entre un mage loufoque exilé de Roumanie, « formidable conteur », héritier d'un passé tragique, et un garçon solitaire et sensible, porteur d'un chagrin qui lui colle à la peau. C'est l'histoire d'une initiation poétique et d'une rédemption par la poésie. Les années d'enfance deviennent « belles comme on le dit d'échappées, au double sens d'être sauvé de justesse d'un danger, une chute, une agression, et de trouée de lumière dans un ciel ennuagé ».

Jaune, Histoire d'une couleur, Michel Pastoureau (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 23 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Seuil, Histoire

Jaune, Histoire d'une couleur, octobre 2019, 238 pages, 39 € . Ecrivain(s): Michel Pastoureau Edition: Seuil

Quel courage a eu Michel Pastoureau en s’attachant à réaliser un livre entier sur la couleur jaune, qui ne recueille l’ensemble des suffrages ni dans l’histoire ni autour du monde. Pourtant, la couleur jaune avait ses lettres de noblesse dans l’Antiquité : les Grecs, les Romains, les Celtes et les Germains lui accordaient une haute importance symbolique et religieuse, en l’associant à la lumière, à l’or et à l’immortalité. C’est le Moyen Âge qui témoigne de son déclin, ou plutôt de son ambivalence. Michel Pastoureau étudie la lente décroissance de la valeur accordée à la couleur jaune au fil du temps, mais aussi ses rapports avec les autres couleurs auxquelles elle est liée (l’ocre, le vert, l’orangé, le gris et le rose) et les objets qu’elle représente symboliquement.

Depuis les pigments ocres du Paléolithique supérieur et le métal jaune (l’or) du Néolithique et de la Rome antique (monnaie, objets précieux retrouvés dans les tombes…), la préhistoire, l’Antiquité et la mythologie accordent à la couleur jaune un effet bénéfique : la Toison d’or de Jason, les richesses du roi Midas, les pommes d’or du jardin des Hespérides lui sont associées. Les cultes solaires (Rê, Hélios, Artémis, Apollon) magnifient le jaune et lui rendent hommage, ainsi que, plus prosaïquement, le safran, épice rare employée en cuisine, mais aussi en médecine, en parfumerie et en teinture. L’étoffe jaune est la parure d’Artémis et des femmes.

Lake Success, Gary Shteyngart (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 22 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, L'Olivier (Seuil)

Lake Success, Traduit de l’américain par Stéphane Roques. 380 p. 24 € . Ecrivain(s): Gary Shteyngart Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Peut-on quitter Manhattan ? Peut-on sortir de ses tours, de ses rues, de ses appartements à 5 millions de dollars (au moins nous dit Gary Shteyngart – pour compter vraiment), de ses millionnaires spéculateurs hallucinés dont le cerveau est imprégné de chiffres, de courbes, de hausses et de gouffres boursiers ? Manhattan est n’est pas un quartier de NYC, c’est un « dedans » halluciné et hallucinant. Hors de Manhattan, il y a le « dehors », c’est-à-dire le monde réel, avec sa crasse, ses pauvres, sa boue. Le héros de ce roman est fasciné par le dedans-dehors. Il l’enseigne même à son jeune fils autiste, comme une leçon fondamentale :

« Avant le diagnostic, Barry s’allongeait à côté de son fils quand il avait peur du tonnerre et des éclairs et lui disait : « Tout va bien, Shiva. Parce que le tonnerre gronde dehors. Dedans, tu es à l’abri avec maman et papa. Tu comprends la différence ? Dehors et dedans. »

Le dernier hiver du Cid, Jérôme Garcin (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 22 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

. Ecrivain(s): Jérôme Garcin Edition: Gallimard

 

D’août à novembre 1959, les derniers mois de vie d’un acteur adulé par sa génération : Gérard Philipe. Il avait tous les talents, la beauté, les atouts de la jeunesse, ceux flamboyants du théâtre, ceux plus populaires du cinéma. Entre 1947 et 1959, il fut sans doute l’un des plus grands comédiens français.

Jérôme Garcin, son beau-fils, relate les ultimes séquences d’une vie menée tambour battant, entre les studios de Boulogne et les théâtres parisiens, le Festival d’Avignon et la troupe du TNP de Jean Vilar. Cet amoureux de la vie familiale, discrète, passée à Ramatuelle ou rue de Tournon, épousa en 1951 Nicole Navaux, dite Fourcade, devenue Anne Philipe en littérature, Belge. Ils eurent deux enfants, Anne-Marie et Olivier.

Les dernières années ont été riches en créations diverses (que de films : La meilleure part ; Pot Bouille ; Montparnasse 19 ; Le joueur ; Les liaisons dangereuses…), et l’acteur est plein de projets quand la maladie s’insinue dans le parcours de ce comédien boulimique d’expériences. Et l’hôpital. Et l’inquiétude. Et les doutes.