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Les Livres

Hautes Huttes, Gérard Pfister (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 17 Août 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Hautes Huttes, Gérard Pfister, éditions Arfuyen, juin 2021, 384 pages, 19,50 €

Le poème obombré

J’avais quelques scrupules à indiquer que ce recueil de 1000 poèmes, de Gérard Pfister, a agi en moi comme un moment de dialectique, interaction donc dynamique et profonde entre le sujet qui raconte et ce que raconte le sujet. Puis, en consultant des définitions – philosophiques –, j’ai pensé que ces poèmes pouvaient vraiment articuler une part du réel et un univers, une vision, un style – se démarquant ainsi de la terminologie d’Engels sur le raisonnement dialectique. Car en regardant quelques mots de ces quatrains comme cendre, lampe, la brume, la pénombre des eaux, je crois que l’on peut dire non seulement que cette poésie fait mouvement intellectuel autour d’un dialogue philosophique, mais également fonctionne comme un glacis.

Cendre qui indique l’essence des choses prises dans une ordalie poétique, cendre de la cendre (chère à Derrida) ; matière résiduelle et impalpable de la brume, gouttelettes de pluie formant un écran vernissé ; ou encore lampe qui dans son cercle tremblant confine l’âme du poète dans une inquiétude et presque une douleur ; pénombre de l’eau, où l’écran des eaux du ruisseau fabrique une couche aqueuse sur le lit de pierre du cours d’eau.

Poèmes chamaniques, Howard McCord (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Poésie

Poèmes chamaniques, Éditions La Part Commune, Édition établie et présentée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, juin 2021, 224 pages, 15 € . Ecrivain(s): Howard McCord

« Les chiens aboient de peur

Devant le tonnerre et gémissent

Pour entrer.

C’est énorme dans leurs oreilles

Et ils ne savent pas

Ce qu’il mange ou tue.

Mais ça pourrait être des chiens » (p.184)

À bientôt 90 ans, le visage malicieux de Howard McCord hésite entre Habermas et Gregory Peck. Grand marcheur (mais pas devant l’éternel !), il avance partout où l’illusion veut bien reculer, ou même simplement n’a pas sa place. Et le vide qu’il aime se moque des mirages. Dans le désert, dit-il, où rien ne se propose de parasiter l’attention, un esprit saisit très vite que tout ce qui est distraction en lui prendra fin, et lui-même le premier, s’il n’est fait que d’elle. Une règle simple, alors : accepter, comme ils sont, tous les réveils !

The Game, Alessandro Baricco (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard), Italie

The Game, février 2021, trad. italien, Vincent Raynaud, 415 pages, 6,20 € . Ecrivain(s): Alessandro Baricco Edition: Folio (Gallimard)

 

Si l’on en croit les détracteurs d’Internet et du tout numérique, nous sommes en train de construire une civilisation virtuelle, artificielle, superficielle, décliniste, qui génère des peurs en comparaison desquelles la maîtrise du subjonctif est très rassurante. En effet, nous « roulons tous feux éteints », nous préparons une mutation anthropologique sans précédent, une véritable révolution mentale. Qu’en est-il vraiment ? Dans cet ouvrage, documenté et idéologiquement orienté, Baricco prend parti pour le numérique, séduisant et ludique, ce qu’il appelle le « Game ».

« Digital », tout comme « numérique », signifie que les informations sont traduites en chiffres par la machine. A l’emploi du terme « Internet », désignant le réseau informatique mondial, Baricco préfère celui de « Web », abréviation de « World Wide Web », ou toile mondiale, système hypertexte créé par l’informaticien Timothy John Berners-Lee en 1990 : la formule est plus dynamique, plus branchée.

Chez Temporel, Célébration d’André Hardellet, Patrick Cloux (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Chez Temporel, Célébration d’André Hardellet, Patrick Cloux, éditions Le Temps qu’il fait, mai 2021, 168 pages, 18 €

Patrick Cloux est de ces fervents de l’auteur du Temps incertain, dans le sillage de Doisneau et du réalisme poétique. Quel bonheur de redécouvrir cet auteur, fêté par Breton, Françoise Lefèvre et bien d’autres, qui mourut jeune, en 1974. C’est un écrivain marginal, des terrains vagues, des vagabondages insolites, des maraudes de l’essentiel. Chasseurs I et II sont des merveilles : répertoires de définitions poétiques, textes en prose, nouvelles. Il figurait sous le numéro 5000 dans la Collection Livres de Poche, avec une belle illustration de Magritte en couverture. Il faut lire lentement André, ses pépites, laisser décanter ses merveilles. Nourri aux littératures de l’étrange où Lewis Caroll, Mac Orlan, Nerval, occupent les hautes marges, Hardellet est un « passeur » insolite de temps et paysages qui n’existent presque plus que sous la dictée de ses trouvailles. Le styliste concis a enfermé dans ses phrases-bocaux les secrets, arcanes et mystères des lieux traversés. De la foire du Trône aux champs de courses de Vincennes, en passant par les lieux très vagues de ses nombreuses enfances, le poète des Chasseurs sait, ô combien, épeler la vie cachée des choses qui ne vibrent plus, fonds de greniers ou de ruisselets, coffres éventés, fourrures mitées mais dont le parfum reste encore longtemps comme une trace impayable.

Souffles avant, Geneviève Catta (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

Souffles avant, Geneviève Catta, nouvelles, Le Lys Bleu, avril 2021, 96 pages, 11,50 €

 

D’emblée la première nouvelle commence par un dialogue. Le ton du rythme est donné. La vie de tous les jours, surdimensionnée par quelque chose d’extraordinaire, fait surface dans ce style contemporain où alternent introspections et scènes avec souvent « le souffle » pour fil conducteur, ce qui n’est pas banal, et avec aussi, souvent, l’écrit, le mot, le poème, voire la musique, le tout semblant avoir une vérité sociologique particulière : « S’envelopper dans sa tête, chrysalide patiente sur l’empreinte d’hier, l’alternance nourricière du va-et-vient du nouveau fera surgir les mots, bientôt oui, doucement. Emeline s’échauffe à son frémissement et les mots affleurent, oui, oui, le nouveau jouit à la cadence obstinée et lancinante d’Enigma, les yeux sur elle. Et voilà les mots… ».

L’évènement imprévu fuse au moment où on s’y attend le moins. La vie bascule avec parfois une certaine ironie à rappeler le point fort de l’individu obligé de réagir. Comme en écriture parfois, le mot blanc de la vie transcende les mots remplis.