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Les Livres

Madame, Gisèle Berkman (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 21 Septembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Arléa

Madame, Gisèle Berkman, éditions Arléa, Coll. 1er mille, août 2021, 392 pages, 20 € Edition: Arléa

 

Est-elle ange ou démon ? Persécutée, spoliée ? Ou malade, paranoïaque, invasive ? Cachée au monde par peur du scandale, de l’aveu d’une faute ? Personne ne le sait, pas plus elle, au service de « Madame », patronne tyrannique et blessante, aux divers visages, que les personnages gravitant autour de ces deux vestiges perdus dans le grand appartement parisien. Madame et la bonne, son souffre-douleur, son faire-valoir, son repoussoir :

« Rencontre-t-on les yeux de Madame, que l’on se retrouve hameçonné de terrible manière, fretin et qui doit résister ferme pour ne pas se trouver sorti de l’eau par cette canne à moulinet qu’est son regard. A peine sortie de l’eau, elle vous y rejette – c’était juste pour montrer son pouvoir, conseiller de ne pas s’y frotter, ne pas affronter. Désormais, on se présentera à elle tête baissée. Avec le temps, je me fortifie, préparant le moment où je pourrai moi aussi la soulever de terre » (p.122).

Les Roses bleues de Ravensbrück, Jeanine Baude (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 21 Septembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Les Roses bleues de Ravensbrück, Jeanine Baude, Éditions La Rumeur Libre, avril 2021, 80 pages, 15 €

 

Dédié à nombre de femmes qui ont subi les camps, ici Ravensbrück, et en particulier à sa tante Adrienne, le livre de Jeanine Baude tente un hommage désespéré à toutes celles qui ont souffert des camps nazis et ont « entamé » littéralement leur vie aux griffures des camps de la mort. Parallèlement à ces destins broyés, la poète souligne son propre destin, de souffrante. Elle a connu le cancer et ses affres. Elle chante ainsi à deux tons la destinée des femmes, des blessées, des souffrantes de la vie ordinaire.

La poète sait mieux que quiconque que l’histoire ne se balaie pas d’un coup de déni (comme ces falsificateurs nombreux qui inventent, faussent, mentent sur l’histoire). Baude restitue l’histoire vraie de ces femmes, enfermées dans un camp pour femmes, avec tous les « bleus » de leur histoire. Les voilà traquées, haïes, violentées. Les voilà parquées comme du bétail, prêtes à subir poux, maladies, blessures, faim, viols. Elles sont les « roses bleues », ces roses anéanties, qu’une couleur du bleu de la peau abîmée et meurtrie hisse au destin funeste des victimes, des affligées.

Pour Emma (troisième partie) Contre Homais, l’anti-Emma - Madame Bovary, Gustave Flaubert (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 21 Septembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Madame Bovary, Gustave Flaubert, Folio Gallimard, 2001, édition de Thierry Larget, 528 pages, 4,10 €

 

Cette chronique en trois parties est née d’un désir : celui de parler de Madame Bovary non comme d’une œuvre classique, universelle ou universitaire, mais d’évoquer ce que fait ressentir ce roman dans les tripes, par le texte seul, sans glose, surtout si l’on est soi-même Emma, peu importe qu’on soit femme ou homme, surtout si l’on déraisonne en amour, quitte à désespérer parfois de partager cette vibration existentielle qui semble, à qui ne la proclame qu’en discours sans la ressentir de façon absolue, juste le fruit d’un imaginaire littéraire. De cette façon, facile, moderne, de considérer la vibration amoureuse, il ressort aisément qu’elle n’est constituée que de mots, et donc illusoire. Qu’il soit permis de désirer vivre selon cette belle illusion, que les mots tentent de définir depuis des siècles. De toute façon, cette illusion, pour autant que c’en soit une, vaut mieux pour guider une existence que d’autres – celles dont se bercent tous les Homais du monde en particulier.

Le Purgatoire, Pierre Boutang (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 20 Septembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le Purgatoire, Pierre Boutang, éditions Les Provinciales, mars 2021, 430 pages, 30 €

La plupart de ceux qui connaissent le nom de Pierre Boutang l’ont appris grâce aux deux émissions – et au souvenir lumineux qu’elles ont laissé – du magazine télévisé Océaniques, diffusées en octobre 1987. Peu habitué à ce genre de prestation, Boutang y apparut comme un personnage bougon, concentré et ramassé en lui-même, sur la défensive, face à un George Steiner volubile et très à l’aise.

Au début de la première émission, l’animateur – Michel Cazeneuve (1942-2018), lui-même écrivain et spécialiste de C. G. Jung – demanda à ses invités de se présenter réciproquement (ce passage ne figure pas dans la transcription publiée chez Lattès, Dialogues. Sur le mythe d’Antigone, sur le sacrifice d’Abraham, 1994). Steiner qualifia Boutang de « maître d’une certaine solitude, très altière, et qui de temps à autre permet la provocation d’un intérêt passionné ». De son côté, préfaçant la mise en livre de ces entretiens, Boutang écrira : « Le dialogue avec George Steiner, initié dans les années quatre-vingt, comment pourrait-il cesser ? Il m’arrive d’imaginer qu’il se prolonge, et s’accomplit, au Purgatoire, sans que j’aie à prouver l’existence de ce lieu ultime, ni en quel sens c’est un lieu, autrement que par l’étrangeté et la pérennité de notre rencontre ». L’allusion théologique n’est pas gratuite et les termes employés par Steiner – solitude altière – définissent à merveille Le Purgatoire ; non le dogme, mais le livre qui porte ce titre.

Dernière nuit à Montréal / L’Hôtel de verre, Emily St. John Mandel (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 20 Septembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Canada anglophone, Rivages

Dernière nuit à Montréal, mars 2021, trad. Gérard de Cherge, 346 pages, 9,15 € / L’Hôtel de verre, mars 2021, trad. Gérard de Cherge, 398 pages, 22 € . Ecrivain(s): Emily St. John Mandell Edition: Rivages

 

Dernière nuit à Montréal est le premier roman publié par Emily St. John Mandel. Tout commence par une histoire d’amour. Eli, étudiant en linguistique, rencontre Lilia. Il est très épris et pense avoir trouvé en cette dernière la « femme de sa vie ». Lilia semble très attachée à Eli. Et puis, un jour celle-ci dit à Eli vouloir aller acheter le journal. Et, elle ne reparaîtra pas. Eli fera le tour du voisinage, en vain. Et, il se souviendra de ce que lui avait raconté Lilia, que son père l’avait enlevée, l’arrachant à l’emprise d’une mère qu’elle n’aimait pas et qui n’avait d’attention que pour son frère. Elle n’avait alors que sept ans. Elle lui avait dit aussi avoir voyagé de lieu en lieu, d’hôtel en refuge quatorze ans durant, fuyant cette mère. Il lui arrivait juste de laisser sur les pages des bibles Gideon trouvées dans les hôtels quelques lignes : « Arrêtez de me chercher. Je n’ai pas disparu ; je ne veux pas qu’on me retrouve. Je désire rester volatilisée. Je ne veux pas renter à la maison. Lilia ». Seulement, aujourd’hui Lilia est majeure et peut faire ce qu’elle veut.