Identification

Les Livres

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, Fawaz Hussain (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 18 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, éditions du Jasmin, septembre 2020, 140 pages, 18 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain

 

De la mort à la résurrection

Le roman de Fawaz Hussain commence à Paris, où un professeur retraité, Faramarz Hajari, reçoit un appel inattendu d’une ancienne étudiante de la Sorbonne, l’invitant à explorer les traces d’Ibn Arabi – « ach-Cheikh al-Akbar » (« le plus grand maître »), né en 1165 à Murcie, mort en 1240 à Damas, théologien, juriste, poète, soufi, métaphysicien et philosophe andalou, auteur de 846 ouvrages présumés. Habitant un « dernier étage mansardé » où « des corneilles et des pies se chamaillaient sur les bords de cheminée qui leur servaient de perchoirs » et observant « une femme maghrébine » étendre son linge, l’écrivain Faramarz Hajari réceptionne cette invitation à Murcie avec joie et un peu d’appréhension, devant rencontrer d’éminents spécialistes du Maître, honnis par les islamistes égarés dans de fausses doctrines.

Madeleine Bernard, La Songeuse de l’invisible, Marie-Hélène Prouteau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 17 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Hermann

Madeleine Bernard, La Songeuse de l’invisible, mars 2021, 158 pages, 19 € . Ecrivain(s): Marie Hélène Prouteau Edition: Hermann

 

L’art, souvent, retient les grandes figures, les chefs d’école, les novateurs. Il néglige les figures secondaires même si elles ont joué un certain rôle dans la conception artistique d’un peintre ou d’une école. La fin du XIXe a été particulièrement riche en écoles de toutes sortes. Impressionnisme, divisionnisme, cloisonnisme, nabis, symbolisme. Marie-Hélène Prouteau nous embarque pour une découverte des années 1880-1890.

Madeleine, la sœur cadette du peintre Emile Bernard que l’école de Pont-Aven a rendu célèbre, recueille ici l’attention de la romancière qui lui consacre tout un livre. Figure retirée, à l’ombre de la musique et de la piété fraternelle envers un frère fantasque, créatif, déluré, mature et indiscipliné, au grand dam de ses parents.

Des années passées dans le nord, le long de la Deûle, puis à Paris, à Courbevoie, à Asnières. La frêle et blanche Madeleine, à la santé délicate, accompagne au piano les années où son grand frère entame son apprentissage de peinture (à l’atelier Cormon d’où il sera renvoyé) et cueille les rencontres importantes (Schuffeneker, Gauguin, Van Gogh, Anquetin). Il passe par l’impressionnisme, le pointillisme, cède aux aplats japonisants. Participe aux premières expositions.

Soleils éclatés, Claire Vernisse (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Jeudi, 17 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Soleils éclatés, Claire Vernisse, Éditions Le Lys bleu, février 2021, 96 pages, 11,50 euros

Ce recueil, dont l’illustration de couverture est une superbe création picturale d’Alain Added, est écrit dans un style poétique particulièrement original et tout en contrastes :

« Elle griffe la lumière / elle hurle de douceur ».

L’univers de Claire Vernisse est un mélange de rage de vivre et de délicatesse, et l’on se laisse porter par le bel élan qui se dégage des mots :

« Je cours / J’écorche mes bras aux branches (…)

J’avale le vent, je suis le vent / J’avale le ciel, je suis le ciel ».

L’auteure semble percevoir une menace qui plane sur sa sérénité :

« Alors j’avale le soleil (…)

Ils ouvriraient mon ventre pour tuer le soleil ».

Mais elle sait qu’elle vaincra :

« Ils n’auront pas ma faim ».

1984, George Orwell, Gallimard Folio : à propos de la "nouvelle" traduction (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 16 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard)

1984, George Orwell, Traduction : Amélie Audiberti, mai 2021, 416 pages, 8,60 € Traduction : Josée Kamoun, mai 2020, 400 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): George Orwell Edition: Folio (Gallimard)

 

À propos de la « nouvelle traduction » de 1984

Qu’est-ce que traduire ? Trahir, dit un adage d’origine transalpine. Oui, trahir, car un idiome n’est pas l’autre, parce que Dieu a interdit aux hommes de se transformer en briques, de briqueter des briques, parce que Dieu a empêché l’uniformité en abattant la tour de Babel et en dispersant les peuples et en les diversifiant par la langue. Belle offrande, celle de la différence et de la richesse qui en découle. Trahir, donc, parce qu’un mot n’est pas une réalité transposable d’une langue à l’autre. Trahir, aussi, parce que la première phrase de Mr. Vertigo de Paul Auster, « I was twelve when I first walked on water », est bien plus musicale que significative, et qu’en rendre le rythme et les notes en français est impossible. Il faut être en paix avec cette trahison, voire l’assumer.

Là où tout se tait, Jean Hatzfeld (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 16 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Là où tout se tait, janvier 2021, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Jean Hatzfeld


De tous temps, nos mémoires se sont nourries des chroniqueurs, inlassablement minutieux, accumulant et vérifiant, taiseux souvent, un rien obsédés par l’objet de leur collecte. Ainsi, des Croisades ou de la Grande Peste, de toutes les guerres ou des colonisations à l’infini… Ainsi, de Hatzfeld et de sa geste du Rwanda-année 1994, celle d’un des pires génocides de l’histoire des hommes : « jamais population civile n’avait été tuée plus efficacement de la main de l’homme », entendons « artisanalement »… Plusieurs livres, devenus viatiques indispensables. Formidable tableau en plusieurs morceaux, comme triptyques en églises médiévales, disant tout, montrant l’important et les plus infinis détails, donnant, et avec quel superbe respect et amour, la parole qu’il faut à ceux qui ont vécu les 30 jours du Rwanda. Les massacres, vus face massacrés « dans le nu de la vie », puis massacreurs « une saison de machettes », la parole des enfants « un papa de sang », celle de cet Englebert des collines, synthèse à lui seul de ce temps « des tueries ».