Identification

Les Livres

L’amour des choses invisibles, Zied Bakir (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 06 Septembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Grasset

L’amour des choses invisibles, Zied Bakir, juin 2021, 180 pages, 17,50 € Edition: Grasset

 

Dans son autofiction, L’amour des choses invisibles, Zied Bakir agrémente son récit de nombreuses références littéraires, à commencer par Le Langage des Oiseaux.

Le Langage des Oiseaux, de Sheikh ‘Attâr Neyshâbouri, poète mystique iranien des XIIe et XIIIe siècles, est un récit symbolique qui met en scène la marche du pèlerin à la recherche de Dieu sous la forme d’un voyage d’oiseaux tentant d’atteindre le plus vénéré, Simorgh, leur souverain. Et ‘Attâr de prévenir son lecteur que « La marche de chaque individu sera relative à l’excellence qu’il aura pu acquérir et chacun ne s’approchera du but qu’en raison de sa disposition », et de préciser, dans ce passage que Zied Bakir a lu, dûment surligné : « L’amour des choses invisibles c’est l’amour sans souillure. Si ce n’est pas cet amour qui occupe ton esprit, le repentir te saisira bientôt ». Or y a-t-il une chose plus invisible que l’inspiration pour un écrivain presque novice comme il le confie dans l’une de ses interviews ? (1).

La mort écrite de Flaubert, Nécrologies, Marina Girardin (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 06 Septembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

La mort écrite de Flaubert, Nécrologies, Marina Girardin, éditions Honoré Champion, mai 2021, 464 pages, 68 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Les nécrologies de Flaubert ou la fondation d’un mythe littéraire

Que nous disent les nécrologies d’un écrivain ? En quoi ces textes qui annoncent la mort, qui déplorent, qui célèbrent, qui retracent la vie et l’œuvre permettent-ils d’assister « à la naissance […] d’un véritable mythe littéraire » ? C’est à ces questions que répond la riche étude de Marina Girardin, qui a réuni une centaine d’articles nécrologiques dédiés à Gustave Flaubert. Ils sont ici classés chronologiquement et selon leur genre : « Nécrologies », « Les dépêches et reportages d’obsèques », ou encore « Les portraits, témoignages et commentaires ». Cet ensemble met en lumière la manière dont s’opère « une transformation de la relation critique : par sa mort, l’écrivain devient auteur ».

La Vie d’un poète, Stefan Zweig (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Septembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La Vie d’un poète, Stefan Zweig, éditions Arfuyen, juin 2021, trad. allemand, Marie-Thérèse Kieffer, 192 pages, 17 €

 

Porosité

J’utilise le mot porosité pour ouvrir ma chronique, car l’ensemble du livre présente un écrivain en contact avec la poésie, et ce faisant s’approche des affres et luttes au cœur de l’exercice poétique, et ainsi dénote d’un moment de basculement vers le travail du poète. Il en fait presque un soin, toujours est-il. Et je persiste à penser à la porosité de ces poèmes, sachant l’œuvre romanesque si importante ; or un poète se glisse dans cette prosodie et rend poreuse l’écriture du roman par la pratique du poème en vers ou en prose !

Je crois encore que la vérité est derrière ces espèces de lieder, un chant qui va et vient entre le roman et le dit, cet épanchement sur l’authenticité, une certaine pureté de l’expression que recherche Zweig, et qui agit très certainement sur son travail de romancier – d’où l’aspect poreux que j’évoque. Poreux à la véracité, à la musicalité, à la couleur et au ton d’une métrique contrôlée, exigeante, nécessaire. Ce travail lui permet de revenir vers lui, vers sa force, et là, dans cet espace littéraire, le poème vient rendre possible la gésine de l’œuvre totale.

Une année de solitude, Didier Ben Loulou (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Une année de solitude, Arnaud Bizalion Éditeur, mai 2021, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Didier Ben Loulou

 

« Jusqu’à quel âge se sent-on immortel ? Sûrement jusqu’à ce que tu ne puisses plus avancer ni sentir les “onze encens de la beauté du monde” ».

« Être à Jérusalem, c’est avoir choisi d’être définitivement dans la rupture ».

« Tu es accompagné, lors de ton dîner ce vendredi soir, par un petit bouquet de fleurs sauvages qui poussent un peu partout en abondance : fleurs jaunes et oranges, capucines et mimosa. Elles tiennent conversation à ton âme et la tendresse de leurs pétales te fait sentir que la vie ne tient qu’à un souffle ».

Une année de solitude, c’est une année passée à écrire, à lire, à écouter, à parler, à photographier, une année virale qui semble durer un siècle. Une année qui s’ouvre un 12 janvier froid à Paris, un jour sans éclat, où les mots et l’amour s’envolent, les uns reviendront, l’autre qui le sait. Une année qui s’achève un an plus tard par une citation d’Hölderlin : Mais toi, tu es né pour un jour limpide. Une année de solitude à Jérusalem, ce lieu hors de tout, intermédiaire entre ciel et terre ; parfois cloîtré dans son bureau, sur sa petite terrasse, parfois arpentant comme il le fait depuis des années les rues de la vieille ville et ses collines.

La Tresse, Laetitia Colombani (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

La Tresse, Laetitia Colombani, 240 pages, 7,40 € Edition: Le Livre de Poche

 

Un premier livre pour cette réalisatrice et scénariste française. Une découverte donc, qui éclaire d’un jour sensible la condition de femmes et de filles aux quatre coins de la planète. Un regard attentif et attentionné sur le sort peu enviable des femmes, à l’heure où l’internet et les réseaux semblent défier les coutumes ancestrales. La jeune romancière a pris le pari de « tresser » trois histoires pour en livrer à la fois l’injustice, la correspondance et le combat contre la bêtise, les traditions mutilantes. Trois univers sont décrits, d’une plume très réaliste, sur un ton empathique qui emporte le lecteur vers des terres étrangères, qui semblent, de loin, si étranges, comme si le temps nous avait déplacés.

On est en Inde avec une Intouchable, Smita, décidée coûte que coûte à libérer sa fille Lalita de tous les jougs. Les Intouchables en Inde sont les réprouvés, les exclus, les ramasseurs de merdes (c’est le « métier » de Smita). Ils ne peuvent ni toucher ni vivre au contact des autres castes. Pour eux, aucune éducation, aucune libération. Les discours de Gandhi en leur faveur n’ont eu aucun résultat. Smita va se battre, ruer dans les brancards, se mettre en danger pour trouver autre chose pour elle, et surtout pour sa fille.