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Les Livres

L’acteur, Hélène Revay (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Novembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Théâtre

L’acteur, Hélène Revay, Les éditions Sans Escale, octobre 2021, 70 pages, 13 €

 

Plus l’homme avance, moins il aura à quoi se convertir (Cioran)

 

Soliloque

En parcourant cette pièce, j’ai été vite persuadé que Samuel Beckett avait influencé la matière de ce travail. On y reconnaît la syntaxe d’un désespoir, la trace de présences innommables, sans nomination objective, l’absurdité donc de l’existence humaine. Cette impression est restée durable. Hélène Revay a suivi un cursus de philosophie à la Sorbonne, et sachant cela mon intuition a été définitive.

Cela dit, il reste à décrire la relation du lecteur à la pièce de théâtre, lecture dans un fauteuil. L’action n’est pas ici négligée, et on attend très nettement de voir la situation du personnage, de l’acteur, évoluer. Et l’on accepte bien aussi la mise en abîme du théâtre au théâtre, car le personnage n’hésite pas à dire qu’il est acteur et qu’il est dans un théâtre.

Un monstre est là, derrière la porte, Gaëlle Bélem (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 12 Novembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Gallimard

Un monstre est là, derrière la porte, Gaëlle Bélem, Gallimard, Coll. Continents Noirs, mars 2020, 197 pages, 19 € Edition: Gallimard

 

Une phrase revient comme un leitmotiv dans le roman de Gaëlle Bélem : « C’est comme ça, un point c’est tout ». C’est la toute dernière du récit, répétée par la narratrice comme par les autres personnages du roman. Cette phrase énonce un fatum têtu qui tient tout un clan, assurément le clan le plus maudit de l’île de La Réunion : Les Dessaintes. Pourtant ce n’est pas la concurrence au destin le plus funeste qui manque dans une île aux mélanges sociaux et raciaux souterrainement volcaniques, de toute évidence.

« Tout cela se passait à Sainte-Marie puis Bras-Panon, tout près de Millemogom qu’on appelle parfois Paniandy. Mais, ç’aurait pu être n’importe où ailleurs, dans les Hauts de Libéria ou à Dioré, du côté de Saint-Leu et même Villèle. Le lieu n’avait guère d’importance ; les personnes non plus ; sur cette île, à l’époque, les Noirs, les petits Blancs dits Yab, les Malbars dont les ancêtres venaient entre autres de Calcutta, tous souffraient pareillement de toute façon ».

Chevreuse, Patrick Modiano (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 12 Novembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Gallimard

Chevreuse, octobre 2021, 176 pages, 18 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Gallimard

 

Depuis 1968, et une reconnaissance rapide, Modiano s’est fait le romancier du passé à retrouver. Il en est devenu l’expert romanesque, à travers nombre de romans qui, sur base de bottins et de cartes géographiques, dessinent la carte mémorielle de son propre passé, plein d’adresses vérifiables, de noms qui portent francité ou gourme étrangère. Il a témoigné de ces traces dans son livre Un pedigree, qui relate comment son propre passé a pu générer les fictions qui l’ont rendu célèbre, jusqu’à ce Prix Nobel de Littérature. On reconnaît très vite la griffe et la patte du romancier qui s’évertue, le temps d’un livre bref, à démêler un passé glauque, à éclaircir des zones au départ bien troubles.

Ce vingt-sixième roman de l’auteur, né à Boulogne-Billancourt en 1945, ne déroge guère à l’esthétique que Modiano s’est donnée depuis toujours : graver dans le romanesque les ressources fluides d’une vie, passée à courir les pensionnats et les rues de Paris et de sa banlieue cossue.

Nouveau Départ (La saga des Cazalet, IV), Elizabeth Jane Howard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 12 Novembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Nouveau Départ (La saga des Cazalet, IV), Elizabeth Jane Howard, La Table Ronde/Quai Voltaire, octobre 2021, trad. anglais, Cécile Arnaud, 624 pages, 24 €

 

Un petit empire

Elizabeth Jane Howard poursuit le quatrième volume de sa saga familiale, dans un style narratif qui s’immobilise souvent dans la contemplation et la description de détails d’une infinie préciosité. La plupart des membres de la famille Cazalet s’installent à Londres : les trois frères, Hugh le veuf, père de Polly, Simon et Williams ; Edward le sensuel, père de Louise, Teddy et Lydia, et Rupert, le revenant, père de Clarissa, Neville et Juliet. Seule reste à Home Place, avec « sa rocaille et ses roses », la Duche, car le Brig va décéder. Et tapis ici, les rancœurs, les rejets, les maladies, la décrépitude et la mort. Les récits rétrospectifs permettent de se familiariser ou de retrouver chacun des personnages, lesquels régressent ou évoluent, au caractère plutôt conservateur, dans l’après-guerre, de 1945 à 1947, au milieu des démobilisés, des disparus, d’« un million de personnes sans logis ». D’où l’importance de la nourriture, des objets chers et chéris, comme ce « petit mouchoir de dentelle blanc », symbolisant l’ancrage affectif au milieu de la pénurie d’un Londres dévasté.

En mémoire d’une saison de pluie, Fouad El-Etr (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 10 Novembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

En mémoire d’une saison de pluie, Fouad El-Etr, mai 2021, 304 pages, 20 €

 

« … tout flambait, nous, les bûches sur les chenets, et dans le ciel, après la pluie, les éclaircies. De temps en temps les litanies du vent comme un rire de singe tombaient du toit, soulevant l’esprit des bois et des oiseaux de la forêt qui les habitent… ».

En mémoire d’une saison de pluie est un luxuriant roman d’amour et d’amitié, un roman de légèreté, et de grâce, comme le sont les romans inspirés. Le narrateur et ses amis séjournent au Bois Clair, une maison de famille qui s’ouvre sur des bois propices aux plus folles escapades amoureuses. Le Bois Clair inspirante, le Bois Clair captivante, vivifiante, c’est de cette maison qui tremble sous les âges et les blessures du temps, que va naître l’amour et la nostalgie de ces instants bénis que partagent les trois jeunes gens. En mémoire d’une saison de pluie est un roman où la forêt vibre, enflamme le narrateur et son amie, où les arbres et les animaux furtifs, l’illuminent.