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Les Livres

Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur & Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, Maurice Leblanc (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 17 Novembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur & Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, Maurice Leblanc, édition d’Adrien Goetz, Folio Gallimard, septembre 2021, 336 & 352 pages, 5,70 €

Arsène Lupin est, pour l’amateur de séries télévisées de 2021, l’inspiration d’un personnage incarné par Omar Sy, Assane Diop, dans une série à succès, Lupin ; pour qui se tient éloigné du téléviseur et a souvent suivi les recommandations de Francis Lacassin, c’est un personnage créé en 1905 par Maurice Leblanc, et dont les aventures se succèdent jusqu’à la mort de son créateur en 1941. C’est surtout un représentant d’une certaine élégance, d’un certain savoir-vivre, et un personnage paradoxal dans une catégorie du roman policier née depuis peu, celle dont le personnage principal est un surhomme face à une police dont Ganimard, l’ennemi juré de Lupin, pourrait être le parfait représentant : « Il a d’excellentes qualités moyennes, de l’observation, de la sagacité, de la persévérance, et même de l’intuition. Son mérite est de travailler avec l’indépendance la plus absolue » (Arsène Lupin contre Herlock Sholmès). Bref, du Chevalier Dupin créé en 1841 par Edgar Allen Poe à Arsène Lupin, il n’y a qu’une lettre qui change ; l’esprit, génial et quelque peu facétieux, est quasi inchangé, et tant pis si l’intention semble opposée, Lupin étant de l’autre côté de la barrière. Et certes, Lecoq (Emile Gaboriau) et Sherlock Holmes (Conan Doyle) font partie de sa généalogie ascendante – de même que Rouletabille (Gaston Leroux) fait partie de sa généalogie descendante.

L’Insigne rouge du courage, Stephen Crane (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 16 Novembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

L’Insigne rouge du courage (The Red Badge of Courage, 1895), Stephen Crane, trad. américain, Pierre Bondil, Johanne Le Ray, 211 pages, 8,50 € Edition: Gallmeister

 

Roman culte, source de toute littérature sur la guerre de Sécession, ce livre est d’abord – dans son ouverture – une série de tableaux vivants de scènes de la terrible guerre civile qui ensanglanta l’Amérique de 1861 à 1865. Tableaux au sens le plus pictural du terme, tant ombres et lumières, éblouissements et ténèbres, couleurs et reflets s’entrecroisent et se disposent à la manière de l’art d’un peintre. Le champ lexical visuel envahit le récit, envoyant comme une obsession des images qui marquent l’imagination et la mémoire. Aux scènes toujours en mouvement de Shelby Foote (Shiloh) et de Lance Weller (Wilderness, Le cercueil de Job), Stephen Crane fait écho au contraire par l’immobilité des moments de la narration. Si Foote et Weller ont proposé des séquences filmiques, Crane propose une projection de diapositives, de photos fixes. A l’opéra, Crane préfère des tableaux enchaînés à la manière d’Henry Purcell dans son King Arthur, arias sombres et graves succédant à arias guerriers et éclatants.

Le festin des hyènes, Fabienne Juhel (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 16 Novembre 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le festin des hyènes, Fabienne Juhel, Le Rouergue, Coll. La Brune, octobre 2021, 208 pages, 18,80 €


On connaît Fabienne Juhel, et les fers au feu de ses beaux livres : servis par une belle écriture parfaitement maîtrisée, l’art de raconter une histoire, des envolées souvent frisant un rien le fantastique, des personnages que le lecteur n’a garde d’oublier, des tableaux historiques bien calés dans un décor précis comme au cinéma. Et puis, la « musique Juhel », à mi-chemin entre réalisme et lyrisme de bon aloi, parfumé au meilleur du poétique…

Dans ce dernier livre – pas le moins abouti – la caméra se transporte en Afrique noire, époque actuelle, l’Est, au bord d’un lac du grand rift, mais on devrait pouvoir trouver du similaire dans l’Ouest sub-saharien.

On savait hélas, la persistance du « vagin denté » de sinistre mémoire, et de l’ablation du clitoris des petites filles ; nous voilà dans le « festin des hyènes » ; hyènes, nom donné à ces jeunes ou moins jeunes hommes dont la « tâche » si ce n’est le devoir ancestral, est de déflorer les vierges, pour les préparer à leur vie future de femme et de mère – le « kusasa fumbi »… C’est donc un livre qu’on lira dans le silence du citoyen qui est à l’évidence convoqué d’un bout à l’autre du livre, en creux, toujours.

En mémoire d’une saison de pluie, Fouad El-Etr (par Laurent Fassin)

Ecrit par Laurent Fassin , le Lundi, 15 Novembre 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

En mémoire d’une saison de pluie, Fouad El-Etr, mai 2021, 304 pages, 20 € Edition: Gallimard

 

Ce livre est un enchantement et, peu importe au fond, que nous l’appelions roman alors qu’il a tous les attraits d’un conte pour grandes personnes. Peu importe même qu’à raison de l’univers qu’il dépeint, des images qu’il suscite, de la langue et du souffle envoûtants, teintés d’érotisme, qui l’animent, nous le jugions d’autrefois alors qu’il nous parle d’hier, des amours de jeunesse et des mythes de toujours ; des projections sans suite et des authentiques douleurs d’un siècle qui a précédé le nôtre. Un éveil des sens au fil d’une plume alerte, à frôler les forêts, à en atteindre le cœur, à se perdre en vertiges, en caresses, en parfums, une Diane chasseresse découvrant ses appâts, Icare chutant du haut des utopies : voilà en bref ce livre, le point d’orgue d’une vie.

Né à Alexandrie Fouad El-Etr, son auteur, est d’origine libanaise. Il fête en 2021 ses 79 ans. Cet amoureux des langues (le français, l’anglais, l’allemand, l’Italien, le hongrois, l’arabe et même le japonais) a un goût prononcé de la belle ouvrage. Son œil très sûr, son sens de la composition doublé d’une indépendance farouche, l’ont conduit à fonder en 1967, seul et à contre-courant la somptueuse revue La Délirante, puis la maison d’édition éponyme.

Les chants d’Éros, Claude-Raphaël Samama (par Fulvio Caccia)

, le Lundi, 15 Novembre 2021. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Roman

Les chants d’Éros, Claude-Raphaël Samama, Éditions Baudelaire, avril 2021, 152 pages, 12 €

 

Les chants d’Éros : le retour du lyrisme épique

D’entrée de jeu, la page-titre annonce la couleur : c’est un poème dont il s’agit mais pas n’importe lequel, un « roman poème ». Qu’est-ce à dire ? Laissons Claude-Raphaël Samama, auteur pluridisciplinaire dont c’est la 13e œuvre littéraire s’expliquer sur ses intentions : « On trouvera dans Les chants d’Éros ces ingrédients (personnages, progression, narration…) sauf qu’au roman supposé se mêle le parti pris d’une autre écriture, un autre rythme, une “poétisation” – un enchantement – qui voudrait introduire la dimension d’une autre langue. Celle des fous, des mages et des dieux, où, de plus, en majesté, l’antique Éros, universel et sibyllin, revisiterait les jours ». Cette préface résonne comme un manifeste. Et un sacré défi. Car si on lit bien entre les lignes, l’auteur sonne l’heure de la revanche pour la poésie sur le roman dans l’espace littéraire.