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Essais

Ainsi parlait Novalis, Dits et maximes de vie

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 25 Mars 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Poésie, Anthologie, Arfuyen

Ainsi parlait Novalis (Also sprach Novalis), Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Jean et Marie Moncelon, Edition bilingue, novembre 2016, 150 pages, 13 € Edition: Arfuyen

 

Que voici une précieuse anthologie d’extraits choisis de l’œuvre de Novalis, dans cette belle collection qu’enrichissent régulièrement les Editions Arfuyen pour nous faire partager les dits de Sénèque, de Maître Eckhart, de Shakespeare, de Paracelse, de Lulle, d’Emily Dickinson !

Novalis fut poète et philosophe. L’un de ses leitmotiv fut de proclamer l’indissociabilité de la poésie et de la philosophie, toutes deux incarnées par son égérie, son icône au prénom signifiant, Sophie von Kühn, morte à l’âge de quinze ans.

La poésie, dans son rapport intrinsèque avec la philosophie, est donc naturellement l’un des sujets récurrents de ce recueil bilingue. La poésie pour Novalis est à la fois pour l’homme le principe littéraire, le principe vital, le principe moral, le principe existentiel, le principe religieux et l’expression mystique, le principe cosmique, le principe mathématique, le principe universel et le principe divin, le principe créateur, le principe thérapeutique… et, intégrant tout ce qui précède, le principe philosophique.

Réflexions buissonnières, Frédéric Dechaux

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 24 Mars 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Réflexions buissonnières, éd. Unicité, 2017, 81 pages, 13 € . Ecrivain(s): Frédéric Dechaux

 

Un Diogène qui ose encore l’espoir. Ainsi parlerai-je de Frédéric. Il pourrait se laisser tenter par une autre option, désespoir, aigreur, colère, silence. Ce dernier, non, ne l’a pas rendu captif en ses murs de solitude, puisque Dechaux écrit. Mais avec l’humour désespéré d’un Cioran qui fracasserait d’un Rire l’absurdité de nos existences, nos fatuités, la Vacuité de nos vies. Frédéric Dechaux a dans ses aphorismes fort à-propos l’élégance d’un sage qui s’ignore ou du moins, qui ne s’en attribue pas le statut. Sagesse naturelle et discrète de ceux qui ne se prennent pas au sérieux. Des passages traduisent la finesse de ses représentations d’un monde dont, écrit-il, nous gardons « les schémas illusoires adoptés dès l’enfance ». La lucidité cependant ne prend pas le contrôle d’une existence qu’elle jetterait, avec les déchets de la pensée, dans une tour d’ivoire de l’aigreur autarcique et de critique négative, puisque le propos pertinent affleure ici la parole et accomplit le vol libre de l’existence, via l’écriture, via l’expression de ce qui ne se résigne pas à se taire mais, persiste, résiste, et signe. L’authenticité des propos de Dechaux a l’envergure sincère d’un vécu pris aux tripes de l’expérience accordée aux désirs, à une plénitude jaillissante du pessimisme même, où jouer (revêtir un personnage) et jouir exaltent un présent fait de chaque instant, éternel. Frédéric Dechaux se rit de nos destins, comme le Destin se rirait de lui-même.

L’heure heureuse, Zakane

Ecrit par Germain Tramier , le Lundi, 20 Mars 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

L’heure heureuse, QaZaQ, 2015, 44 pages 2,49 € . Ecrivain(s): Zakane

 

Synthétiser le monde

Expérimenter le monde contemporain dans une synthèse des sens ; fuir la banalité, éprouver la désespérance ou l’extase. Une invitation à la poésie, au plein chant, au cri.

 

Zakane c’est un « farouche, vivant », un « clown triste […] artisan de parole », et ça se confirme au travers de son blog : des mots et des espaces (dont nous parlerons prochainement), un espace, une photographie, prolongé par ses textes, convié l’année dernière par Jan Doets à rejoindre sa maison d’édition numérique QAZAQ, L’heure heureuse est son premier recueil, un titre qui, à lui seul, introduit dans sa poétique : cette tentative d’engendrer des instants de lumière ou d’obscurité, au plus près des existences. Le poète est ici perçu comme un être à l’affût du présent, et la poésie comme la possibilité d’expérimenter le monde avec plus d’intensité.

Le Cimetière marin au boléro, un commentaire du poème de Paul Valéry, Michel Guérin

Ecrit par Pierre Windecker , le Jeudi, 16 Mars 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Cimetière marin au boléro, un commentaire du poème de Paul Valéry, éd. Encre marine, janvier 2017, 160 pages, 19 € . Ecrivain(s): Michel Guérin

 

Le titre doit être entendu simplement « dans la langue des peintres » : « comme Vermeer a peint La Jeune fille à la perle ou Matisse un Intérieur au violon ». Aucune superposition à chercher, donc, entre le ballet de Ravel et le poème de Valéry, aucun échange sémantique, aucun commerce de contenus. Mais seulement l’essai, par le commentaire, de « les faire entendre ensemble », de « les mettre en situation de se faire écho en nous » (p.37-38). Cet écho tout simple susurre à l’oreille que le sens, dans le poème, advient par la musique et la danse, le rythme et le mouvement.

Mais ne nous y trompons pas : la modestie du rapprochement place en réalité la barre très haut. De quoi s’agit-il en effet ?

Certes, il s’agit de suivre de sizain en sizain Le Cimetière marin comme une véritable expérience poétique. C’est-à-dire comme une expérience de vivre, mais qui ne se traverse et ne s’accomplit que dans la fabrique (la « composition » dirait Valéry) d’un dire poétique.

La honte, Réflexions sur la littérature, Jean-Pierre Martin

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 15 Mars 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

La honte, Réflexions sur la littérature, février 2017, 420 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Martin Edition: Folio (Gallimard)

 

La honte est un des grands moteurs de la création littéraire. Elle prend de multiples formes : personnelle ou sociale, historique ou politique. Parmi les textes plus connus sur ce thème, d’emblée reviennent les pages de Rousseau dans Les Confessions, ou Albert Cohen dans Solal, où les auteurs s’auto-flagellent (mais juste ce qu’il faut), et celles – bien différentes – d’Antelme, Semprun, Primo Levi, où ce sentiment s’empare paradoxalement des survivants selon un métabolisme biologique paradoxalement paradoxal. Il existe néanmoins une honte plus consubstantielle à la racine de l’écriture – chez Witold Gombrowicz par exemple.

Jean-Pierre Martin approfondit ce qu’il nomme ces « gouffres de déconsidération » qui nous rendent souvent si proches de ceux qui s’osent, se haussent ou s’abaissent à de tels aveux qui forcent (ou forceraient) à sortir de toutes poses. Le processus est complexe car il s’agit de surmonter le regard des autres (famille, société) et le sentiment intérieur qui oblige le plus souvent à n’oser sortir de ce qui invite au silence plus qu’à l’aveu. Ce sentiment peut devenir si paroxysmique qu’il arrive à un auteur de ne pas en survivre : chez Primo Levi ou encore Charlotte Delbo (que l’auteur ne cite pas).