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Essais

Le nouveau pouvoir, Régis Debray

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Lundi, 12 Février 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le nouveau pouvoir, Régis Debray, Les éditions du Cerf, septembre 2017, 93 pages, 8 € . Ecrivain(s): Régis Debray

La promesse de ce livre était séduisante : comprendre le phénomène Macron à travers le spectre de l’avènement du néo-protestantisme.

Mais, si la verve érudite de Régis Debray est là pour nous arracher quelques sourires, à aucun moment est clairement défini ce qu’est le néo-protestantisme. D’ailleurs, à la fin du livre, on a plutôt l’impression qu’il s’agit davantage d’un règlement de comptes avec Paul Ricœur qu’avec le néo-protestantisme… Une raillerie de la philosophie du milieu qui refuserait les contradictions.

Régis Debray s’amuse plutôt à nous décrire le néo-protestantisme à coups de clichés. Il se moque de la nouvelle évangélisation de l’esprit faussement cool des start-up et de la bienveillance. Il voit derrière le néo-protestantisme l’esprit de la mondialisation, de la culture dominante anglo-saxonne protestante, une uniformisation du monde. Cette culture anglo-saxonne engendrerait l’individualisme, la baisse de l’importance du politique avec une approche managériale du traitement des sujets politiques, ainsi que l’obsession de la transparence. Selon lui, la transparence est un phénomène protestant ! « Les pays issus de la Réforme ont un avantage sur leurs voisins, plus arriérés : ils ne mettent pas de volets aux fenêtres. La vertu cultive les maisons de verre, le vice, les maisons closes (les prostituées à Amsterdam sont en vitrine) ».

Les Routes de la traduction. Babel à Genève, Barbara Cassin, Nicolas Ducimetière

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 07 Février 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Les Routes de la traduction. Babel à Genève, Coédition Gallimard/Fondation, novembre 2017, 336 pages, 39 € . Ecrivain(s): Barbara Cassin, Nicolas Ducimetière Edition: Gallimard

 

Bibliophile zurichois, Martin Bodmer (1899-1971) avait réuni une extraordinaire collection, très étendue dans le temps et dans l’espace (contrairement à d’autres bibliophiles qui se spécialisent dans une seule langue et une période précise – par exemple, le livre à estampes du XVIIIe siècle français). Cela ne signifie pas que l’ancien vice-président de la Croix-Rouge internationale fut un brouillon touche-à-tout. Il s’était proposé de réunir les témoignages les plus marquants du génie humain en matière littéraire, articulés selon cinq domaines, cinq « phares » : la Bible, Homère, Dante, Shakespeare et Goethe. Leur étude approfondie suffit déjà à remplir une vie ; à plus forte raison si on se met à en rassembler les multiples éditions et traductions (qui pourrait se flatter de posséder un exemplaire de chaque Bible jamais imprimée ?). Les traductions occupent une place de choix dans le projet de Martin Bodmer (la Bible étant elle-même un texte plurilingue. L’évangile selon saint Matthieu, que nous possédons en grec, est la traduction d’un original hébreu, perdu pour le moment).

Les Rêves et leur interprétation dans le Talmud, Alexander Kristianpoller

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 01 Février 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Verdier

Les Rêves et leur interprétation dans le Talmud, septembre 2017, trad. allemand Léa Caussarieu, 278 pages, 21 € . Ecrivain(s): Alexander Kristianpoller Edition: Verdier

 

 

Texte immense, dépourvu de début, de centre et de fin véritables (on peut commencer la lecture à n’importe quel traité), Le Talmud (ou plutôt les Talmuds, car il en existe deux) est un ouvrage d’accès difficile, même pour des lecteurs de confession juive. Pour un non-Juif, la distance est encore plus grande, bien que, depuis des décennies, le professeur Adin Steinsaltz ait mené un admirable labeur afin de remettre ce livre, écrit en araméen et en hébreu ancien, à la disposition des lecteurs contemporains (sa version commentée, en hébreu moderne, a été déjà traduite en anglais et en français).

Les bords de la fiction, Jacques Rancière

Ecrit par Fedwa Ghanima Bouzit , le Jeudi, 01 Février 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil

Les bords de la fiction, septembre 2017, 208 p. 21 € . Ecrivain(s): Jacques Rancière Edition: Seuil

La fiction n’est pas pure invention et vagabondage de l’esprit. Il y a une raison fictionnelle, un système par lequel on nous dit comment les choses en général peuvent arriver. C’est la matrice d’Aristote qui nous montre comment on peut passer de la prospérité à l’infortune, de l’attente à l’inattendu, de l’ignorance au savoir, moyennant une péripétie ou une épreuve. Pour Jacques Rancière, cette matrice est aujourd’hui encore la base de tout savoir produit par nos sociétés. Mais certains changements sensibles sont advenus depuis l’époque d’Aristote.

Tout d’abord, le champ de la fiction s’est élargi. Il a dépassé la poésie pour englober toutes sortes de discours littéraires, historiques, sociologiques et politiques. Ensuite, c’est une transformation de l’objet de la fiction. Avec la prépondérance de la littérature en particulier, on cesse de se courber devant l’exceptionnel et l’héroïque pour se pencher sur le trivial et le commun. On trouve une poésie aussi dans ces choses jusque-là honnies et négligées, dans les activités nécessaires de la vie et l’écoulement des existences ordinaires. Ainsi, la littérature vient briser la dichotomie entre vies sans histoire et vies héroïques. C’est en partie grâce au développement des sciences sociales qui mettent en lumière cet obscur des activités quotidiennes.

Dernières nouvelles du spectacle (Ce que les médias font à la littérature), Vincent Kaufmann

Ecrit par Arnaud Genon , le Mercredi, 31 Janvier 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil

Dernières nouvelles du spectacle (Ce que les médias font à la littérature), octobre 2017, 280 pages, 20 € . Ecrivain(s): Vincent Kaufmann Edition: Seuil

 

 

Et la littérature, dans tout ça ?

En 2001, Vincent Kaufmann, professeur de littérature et d’histoire des médias à l’Université de St. Gall en Suisse, publiait chez Fayard un ouvrage remarqué, consacré à l’auteur de La Société du spectacle (1967), intitulé Guy Debord. La révolution au service de la poésie. Seize ans plus tard, dans la lignée des travaux du situationniste, il s’intéresse à la « spectacularisation de l’auteur » contemporain et aux conséquences de ce phénomène sur la littérature elle-même. Le constat est sévère, les perspectives, dès les premières pages, alarmistes : « La spectacularisation de l’auteur telle qu’on l’envisage ici, c’est en somme une des modalités, qui n’en exclut pas d’autres, de la disparition de la littérature comme champ ou comme institution ».