Identification

Essais

Rendre justice aux enfants, Jean-Pierre Rosenczveig

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 10 Juillet 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Seuil

Rendre justice aux enfants, mai 2018, 272 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Rosenczveig Edition: Seuil

 

Jean-Pierre Rosenczveig, qui a exercé sa fonction de juge des enfants d’abord au tribunal de Versailles, puis a présidé le tribunal pour enfants de Bobigny pendant 22 ans, est un homme et un professionnel engagé qui, prenant parti pour une visée humaine et sociale de la famille et de la société, défend quelques enjeux essentiels de son métier.

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, l’a, en 2005, jugé « laxiste », héraut d’un certain « angélisme de gauche » ? Il s’en défend, se revendiquant « le plus dur des juges » du tribunal de Bobigny, tout en prenant parti pour la cause des enfants et des adolescents et en faveur des avancées éducatives, sociales et judiciaires qui sont liées aux situations individuelles hautement problématiques auxquelles il se trouve confronté. En effet, Jean-Pierre Rosenczveig est depuis le début de sa carrière membre actif du Syndicat de la magistrature, dont l’une des caractéristiques est de rechercher des solutions innovantes et adaptées à chaque cas, dans la limite de la légalité bien entendu. En outre, il a dirigé dans les années 1980-90 l’Institut de l’Enfance et de la Famille (IDEF) –qu’il a contribué à créer lors de son passage au cabinet de Georgina Dufoix –, organisme chargé de recueillir des données scientifiques dans le champ de l’enfance et de la famille.

Le Livre contre la mort, Elias Canetti

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 06 Juillet 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Albin Michel

Le Livre contre la mort, janvier 2018, trad. allemand Bernard Kreiss, postface Peter von Matt, 490 pages, 25 € . Ecrivain(s): Elias Canetti Edition: Albin Michel

 

Le Livre contre la mort est un ouvrage qu’Elias Canetti n’a pas réellement écrit. Que faut-il entendre par là ? Comme la plupart des écrivains, Canetti accumula au long de son existence des notations éparses, dont une partie est passée dans son œuvre « anthume », qui lui valut le Prix Nobel de littérature en 1981. Le processus est banal. L’originalité de Canetti tient à ce que, de bonne heure, l’attention de l’écrivain se trouva concentrée sur un objet, ou plus exactement un sujet bien précis : la mort. Ainsi naquit l’idée d’un traité dirigé contre le plus universel des phénomènes : « Après le décès de ma mère, je me suis juré d’écrire le livre contre la mort » (p.320). Le projet fut formalisé dans une note du 15 février 1942 : « J’ai décidé aujourd’hui de noter mes pensées contre la mort telles que le hasard me les apporte, dans le désordre et sans les soumettre à un plan contraignant. Je ne puis laisser passer cette guerre sans forger en mon cœur l’arme qui vaincra la mort » (p.29).

Penseurs et tueurs, Roland Jaccard

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 29 Juin 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pierre Guillaume de Roux éditeur

Penseurs et tueurs, mai 2018, 122 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Roland Jaccard Edition: Pierre Guillaume de Roux éditeur

 

« L’affaire est entendue : je suis le fils – illégitime, bien sûr – de Louise Brooks et de Cioran. L’actrice américaine et le volcanique Roumain partageaient la conviction que la création est une aberration, la procréation un crime et la concision un devoir ».

Roland Jaccard a de qui tenir, de Cioran et Louise Brooks, mais aussi d’Arthur Schopenhauer, de son cousin Schnitzler, de George Sanders – Mémoires d’une fripouille –, ou encore de Clément Rosset et Richard Brautigan. Il a parfois écrit sur eux, quand il ne les a pas édités, du temps où il dirigeait « Perspectives critiques »aux Presses Universitaires de France. Penseurs et tueurs est un essai des extrêmes, comme on le dit d’une course en très haute montagne, alors face au danger, au risque de chute, d’avalanche ou d’étouffement, le suisse amateur de tennis de table éclate de rire, comme s’il disait, même si tout cela n’a aucun sens, on ne doit pas se priver d’en rire.

Les Racines du hasard, Arthur Koestler

Ecrit par Yannis Constantinidès , le Mercredi, 13 Juin 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques

Les Racines du hasard, Les Belles Lettres, janvier 2018, trad. anglais Georges Fradier, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Arthur Koestler

Arthur Koestler, auteur prolifique et inclassable, est surtout connu pour son grand roman sur les procès de Moscou, Le Zéro et l’infini (Darkness at Noon), mais il a rédigé aussi de nombreux essais, parfois déroutants comme celui-ci. Les Belles Lettres republient depuis quelques années en rafale ces essais depuis longtemps épuisés ; initiative bienvenue, mais on peut regretter que les vieilles traductions de Georges Fradier chez Calmann-Lévy n’aient pas été révisées à cette occasion. La réédition des Racines du hasard semble d’ailleurs avoir été faite à la hâte, si l’on en juge par la présence d’un énorme doublon (p.72) et par le nombre trop élevé de coquilles (dès le verso de la page de grand titre (!) puis pp.21, 32, 34, 36, 42, 48, 49, 51, 59, 63, 65, 81, 97, 117, 121, 124, 125 (2), 127, 132, 136) pour un éditeur de cette qualité.

Ajoutons que le titre de l’ouvrage, s’il est très suggestif, est trompeur parce que le pur hasard y est justement nié. The Roots of Coincidence (1972) porte plutôt sur les coïncidences signifiantes, c’est-à-dire celles qui semblent obéir à une finalité sous-jacente. Tout l’enjeu de ce livre court mais extrêmement dense est en effet de montrer que ce que l’on pense aléatoire ou arbitraire relève en réalité d’une logique psychique cachée. Car il s’agit ici d’étudier les phénomènes paranormaux, comme la perception extra-sensorielle, la télépathie ou la psychokinèse (télékinésie), à la lumière des acquis récents de la physique la plus théorique !

Don Quichotte, Pietro Citati

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 28 Mai 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Italie

Don Quichotte, 2018, trad. italien Brigitte Pérol, avril 2018, 192 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Pietro Citati Edition: Gallimard

 

Pietro Citati lecteur de Cervantès

Pietro Citati prouve combien le Don Quichotte de Cervantès reste un livre inépuisable. Dans ce roman premier, sorte de chant renversant et mystique (sous certains aspects) et farce de première importance, Cervantès mélange le rire à la douleur. Et l’auteur italien commente à sa manière cette symbiose en dépliant des plis inconnus de la robe de Dulcinée du Toboso comme des hauts de chausse du héros et de son fidèle écuyer. Il prouve comment Cervantès procède pour que bien des ombres et des chausse-trappes nous attirent là où la question que les deux héros, inconsciemment, se posent, se déplace sans cesse entre un « qui je suis » et un « si je suis ».

Les mots de Cervantès ne font donc rien que constater les dégâts d’un héros premier de l’histoire du roman. Ecrire, rappelle l’Italien, est donc toujours croire à la vie mais dans un sens particulier. Et il appelle à l’éveil, à la lucidité du lecteur face à une œuvre hors norme et ses suites de fractures, merveilles, absurdités et critiques implicites. Celles-ci portent autant sur le rêve que sur la réalité. L’essai trace une nouvelle carte pour ce livre où se pose la question de leur sens.