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Essais

Little Brother, Raphaël Enthoven

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 07 Juin 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Little Brother, mars 2017, 128 pages, 11 € . Ecrivain(s): Raphaël Enthoven Edition: Gallimard

 

Raphaël Enthoven a-t-il eu vraiment l’intention de réécrire les Mythologies de Roland Barthes, vaste entreprise destinée à décoder et à interpréter les signes de notre temps ? A l’instar de son inspirateur, l’auteur nous offre une trentaine de courtes réflexions qui décryptent le réel au gré de l’actualité culturelle, sociologique ou politique, allant de la sémantique de The Walking Dead à l’usage du selfie, de la cigarette électronique à l’uberisation sociétale initiée par Uber. L’ensemble est parsemé de nombreuses références philosophiques. Quelques-unes de ces chroniques attirent davantage l’œil et l’intérêt du lecteur.

Dans le chapitre La fin du monde n’aura pas lieu, à une époque où la moralisation de la vie politique fait problème, Enthoven émet deux formules saisissantes, illustrant en raccourci les fulgurances de sa pensée : « La science galope quand la morale claudique », « Ainsi naissent les savants fous et les tempéraments catastrophistes ».

A propos des émoticônes dont nous parsemons nos textes à l’envi, l’avis du philosophe est que celles-ci se contentent de répéter, sur un autre mode, ce qui vient d’être dit, message redondant et non pas, comme on pourrait le croire, interprétation personnelle d’un contenu objectif. Préciosité de notre temps digital.

Je n’ai pas tué mon père Euthanasie, en finir avec l’hypocrisie, Philippe Catteau

Ecrit par Mélanie Talcott , le Jeudi, 01 Juin 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Cherche-Midi

Je n’ai pas tué mon père Euthanasie, en finir avec l’hypocrisie, mars 2017, 142 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Philippe Catteau Edition: Le Cherche-Midi

 

Si l’on ne se préoccupe guère de vivre heureux et de savourer chaque instant de la vie, trouvant toujours matière à nous plaindre, à stresser et à regretter, ou encore à hésiter entre une chose et une autre, fuyant même la décision, il n’en va pas de même pour notre fin de vie que l’on souhaite, pour la plupart, paisible et entourée de ceux que l’on aime. La vision des mouroirs médicalisés nous effraie, que ce soit dans le silence feutré des hôpitaux ou dans la triste solitude des résidences pour vieillards, où dépérissent à petit feu celles et ceux qui ont perdu leur autonomie et dont la famille ne peut plus ou ne veut pas assumer la dégénérescence. La mort, dans nos sociétés condomisées, on la planque. On la veut discrète et qu’elle passe son chemin sans nous perturber. Souvent, c’est la souffrance de l’autre, celle de notre compagne ou compagnon, d’un père, d’une mère ou d’un enfant, qui nous renvoie nez à nez avec nos garde-fous et agit sur nous comme un puissant révélateur. La question surgit alors : « et si j’étais à sa place ? »

Chroniques politiques des années trente (1931-1940), Maurice Blanchot

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 17 Mai 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Chroniques politiques des années trente (1931-1940), Les Cahiers de la NRF, avril 2017, 560 pages, 29 € . Ecrivain(s): Maurice Blanchot Edition: Gallimard

Pour aborder les chroniques politiques de Blanchot, il ne faut pas chercher où se situe son propos par rapport aux traditionnels discours et doxas des écrivains politiques. Pour autant son propre discours n’est pas simplement « littéraire ». Mais il représente trop une remise en question de la politique pour ne pas échapper à sa « zone » d’influence. Blanchot comprend vite que la politique n’est pas à même de s’attribuer ce qu’elle prétend accomplir. D’une certaine manière elle peut paraître « sans droits » tant elle les bafoue. Si bien qu’il demande aux politiciens ce qu’ils ne peuvent pas : être conséquents avec leurs actes.

Une telle attitude est pratiquement brute et sauvage. Blanchot s’est donc heurté à une impasse que l’invasion allemande signera pratiquement définitivement. Certes, il se sentait déjà « démissionnaire » par rapport à ses écrits politiques. Et lorsque Drieu de la Rochelle lui demanda de bien vouloir continuer à écrire dans la NRF « à condition d’écarter tous textes politiques », la messe était dite. Et Blanchot d’ajouter : « écrivain inconnu je ne constituerais pas une digue suffisante contre les occupants ». Une page se tournait.

La Géode & l’Eclipse, Jacques Sicard

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 17 Mai 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La Géode & l’Eclipse, Editions Le Pli, avril 2017, 180 pages, 25 € . Ecrivain(s): Jacques Sicard

 

Dès le titre du livre de Jacques Sicard, La Géode & l’Eclipse, on se voit confiné à la tâche dont s’occupe l’auteur, c’est-à-dire à la fois à une vision cristalline, complexe, et sujette à des phénomènes de disparition, d’effacement, d’invisibilité. Car nous sommes aux prises avec un texte labyrinthique, qui offre ensemble la pensée et la connaissance, propose de disparaître pour se chercher, de se trouver pour se retrouver en zones connues, rebondir encore, de la chose sue à l’étrangeté de notions gazeuses, éthérées.

D’ailleurs, ce livre se présente comme une dissertation écrite – mais qui a la puissance de l’énoncé oral – avec un style varié, proche de ce que la didactique appelle le varia. Mais comme nous le disions précédemment, on est à la fois porté à explorer des territoires nouveaux en équilibre intellectuel sur des choses apprises, déjà repérées et d’autres dissimulées ou nouvelles, qui confèrent au lecteur, au lecteur devenu actif et qui cherche lui aussi, un goût pour une écriture dense et un peu rebelle. Nous sommes témoins d’un feuilletage, obligés de nous arc-bouter sur les ligatures qu’offre le texte. Peut-être pourrions-nous évoquer cette impression de lecture en faisant appel à ce que Roland Barthes appelait le Baroque, et plus précisément la petite perle irrégulière qui propose une saisie partielle de la totalité. Donc, un chemin vers l’intrigue, l’étonnement.

Fureur divine Une histoire du génie, Darrin M. McMahon

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 16 Mai 2017. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Fayard

Fureur divine Une histoire du génie, trad. l’anglais (USA) Christophe Jaquet, 384 pages, 24 € . Ecrivain(s): Darrin M. McMahon Edition: Fayard

 

Nous vivons une époque géniale, où les génies se croisent au détour de la moindre page d’un magazine culturel, du moindre programme télévisé – cinéastes, acteurs, chanteurs, écrivains, sportifs, tous semblent s’être donné le mot pour nous abreuver de génie. Jusqu’à plus soif ou jusqu’à la nausée, au choix. L’esprit critique peut à tout le moins se montrer dubitatif face à cet assaut de génialité : il écoute, il voit, il lit, et se demande si tout cela est bien raisonnable.

C’est à ce stade de la réflexion qu’arrive à point l’essai de Darrin M. McMahon, historien américain spécialiste du XVIIIe siècle et déjà auteur d’un Happiness : A History (2006), dont la renommée anglo-saxonne appelle une traduction, surtout s’il est du même tonneau que le présent Fureur Divine. Une Histoire du Génie (2013, première publication en anglais), cet essai appartenant au genre peu couru en francophonie de l’histoire des idées. C’est-à-dire que l’essai de McMahon n’analyse pas une idée dans une époque donnée, mais en montre l’évolution au fil des siècles – en l’occurrence, de l’Antiquité grecque à l’époque actuelle, en sept chapitres d’une clarté limpide. Cet historique permet de comprendre comment ce mot, « génie », a pu passer de l’évocation du plus rare à celle du plus commun.