Ainsi parlait Novalis, Dits et maximes de vie
Ainsi parlait Novalis (Also sprach Novalis), Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Jean et Marie Moncelon, Edition bilingue, novembre 2016, 150 pages, 13 €
Edition: Arfuyen
Que voici une précieuse anthologie d’extraits choisis de l’œuvre de Novalis, dans cette belle collection qu’enrichissent régulièrement les Editions Arfuyen pour nous faire partager les dits de Sénèque, de Maître Eckhart, de Shakespeare, de Paracelse, de Lulle, d’Emily Dickinson !
Novalis fut poète et philosophe. L’un de ses leitmotiv fut de proclamer l’indissociabilité de la poésie et de la philosophie, toutes deux incarnées par son égérie, son icône au prénom signifiant, Sophie von Kühn, morte à l’âge de quinze ans.
La poésie, dans son rapport intrinsèque avec la philosophie, est donc naturellement l’un des sujets récurrents de ce recueil bilingue. La poésie pour Novalis est à la fois pour l’homme le principe littéraire, le principe vital, le principe moral, le principe existentiel, le principe religieux et l’expression mystique, le principe cosmique, le principe mathématique, le principe universel et le principe divin, le principe créateur, le principe thérapeutique… et, intégrant tout ce qui précède, le principe philosophique.
Rarement poète aura ainsi glorifié l’art poétique avec autant de foi, de ferveur et de conviction, en en faisant l’art et l’architecture de l’univers.
Florilège :
La poésie est le grand art de la construction de la santé transcendantale. Ainsi le poète est le médecin transcendantal…
L’homme véritablement moral est poète.
La poésie transcendantale est un mélange de philosophie et de poésie.
La poésie est le héros de la philosophie.
La philosophie est la théorie de la poésie. Elle nous montre ce qu’est la poésie, qu’elle est unité et totalité.
Le vrai poète est omniscient.
La poésie est le réel véritablement absolu. Voici le noyau de ma philosophie.
Le poète comprend la nature mieux qu’un esprit scientifique.
On devrait graver au fronton de la Poésie cette affirmation qui n’est paradoxale qu’en surface :
Plus c’est poétique, plus c’est vrai.
La poésie étant le mode d’expression naturel de l’amour, et Novalis étant lui-même un archétype du poète amoureux, la relation passionnelle qu’a nourrie l’auteur tout au long de sa vie à l’endroit de Sophie von Kühn, du vivant de la jeune fille et particulièrement après la mort de celle-ci, cristallise dans sa vision poétique du monde.
Le poème lyrique est le chœur dans le drame de la vie – du monde…
L’amour est le but final de l’histoire du monde – l’Amen de l’univers.
Novalis, poète mystique et lyrique, philosophe du divin, associe poésie, religion et amour dans ce regard qu’il porte sur le monde.
L’amour peut, par volonté absolue, se transformer en religion.
Notre vie tout entière est un service divin.
Les poètes et les prêtres ne faisaient qu’un, aux commencements, c’est plus tard qu’ils se sont séparés. Le vrai poète est cependant toujours resté prêtre, de même que le vrai prêtre est toujours resté poète…
Cette vision-fusion se retrouve, encore et toujours, sublimée dans le personnage idéalisé, sanctifié, séraphique, quasiment divinisé de Sophie, à qui il voue une dévotion mariale.
J’ai pour la chère Sophie de la religion. L’amour absolu, indépendant du cœur, fondé sur la foi, est religion.
Novalis traduit cette conception poético-théologico-philosophique du monde, qu’il revendique comme lui étant personnelle, naturellement par l’écrit, d’où de nombreuses réflexions, en usant, pourrait-on dire, de la fonction métalittéraire du langage, sur les livres, la littérature en tant qu’art, le roman, le conte, la traduction, la langue, les langues, le rapport de l’écrit, du décrit, au réel.
Chaque homme a sa propre langue.
Le monde doit être romantisé…
Un roman est une vie en tant que livre…
L’art d’écrire des livres n’est pas encore inventé. Mais il est en passe de l’être…
Tous les romans où le véritable amour est présent sont des contes, des événements magiques.
Poésie, littérature, philosophie, représentation par le langage de l’univers, des dieux et des hommes, tout est finalement du ressort de l’art et de l’artiste.
Seul un artiste peut deviner le sens de la vie.
Novalis concentre et recentre tout ce qui précède en cette formule saisissante :
Devenir un homme est un art.
Le poète philosophe a maîtrisé parfaitement cet art. Novalis, devenu un homme, un grand, par l’art, est cet artiste qui a donné un sens à sa vie. La chrestomathie que nous présentent en cet ouvrage Jean et Marie Moncelon, remarquables traducteurs collecteurs, en est la parfaite démonstration.
Patryck Froissart
Novalis est né en Saxe en 1772. Il s’inscrit en 1790 à l’Université d’Iéna pour y suivre des études de droit, qu’il délaisse rapidement pour la philosophie et la poésie. Schiller est l’un de ses professeurs. Il s’inscrit en 1791 à l’université de Leipzig, où il se lie avec Friedrich Schlegel, puis en 1792 à Wittenberg où il achève ses études de droit en 1794. En stage à Tennstedt, il rencontre Sophie von Kühn, âgée de 12 ans. En mars 1795, ils se fiancent secrètement, fiançailles rendues officielles en juin 1796. Malade, Sophie est opérée en juillet. Goethe se rend à son chevet. Elle meurt en mars 1797, à 15 ans. Fin 1797, il entre à l’École des Mines de Freiberg, première École polytechnique d’Europe. Il y suit les cours des plus grands scientifiques du temps. Il conçoit l’idée d’une vaste encyclopédie où sciences et arts soient mis en relation : Le Brouillon général. Il écrit de très nombreux fragments et collabore à l’Athenaeum, la revue des frères Schlegel (1798-1800). Il lit Plotin, Böhme, Leibniz, Paracelse. Nommé responsable de salines en 1800, il entreprend le roman Henri d’Ofterdingen. En août, première crise de phtisie. Il meurt le 25 mars 1801 à 28 ans.
Docteur d’État en lettres et sciences humaines, spécialiste de Louis Massignon et de Novalis, Jean Moncelon anime sur Internet D’Orient et d’Occident la « Communauté virtuelle des pèlerins d’Orient, des admirateurs de Novalis et de tous les amateurs de rêves, de poésie, d’aventures intérieures, de peuples oubliés et d’écrivains nomades ».
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