Autant un lecteur relativement cultivé n’aurait guère de difficulté à citer un philosophe grec, français ou allemand, autant il serait en peine de nommer un penseur espagnol et, s’il y parvenait, prononcerait probablement le nom de José Ortega y Gasset (Vivès, le contemporain d’Érasme, étant à peu près – bien qu’à tort – oublié). Ortega eut en commun avec Vivès d’avoir vécu une partie de son existence hors de son pays natal (celui-ci repose d’ailleurs à Bruges, après avoir enseigné en Grande-Bretagne et mené la vie gyrovague des humanistes).
Ortega y Gasset (1883-1955) n’est pas tout à fait inconnu en France : même si un projet d’Œuvres complètes traduites (aux éditions Klincksieck) a fait long feu, il existe des ouvrages de synthèse, comme ceux d’Alain Guy (Seghers, 1969) et de Juan Manuel Monfort Prades (RBA, 2016 : il était possible de l’acquérir dans les relais de gare). Ortega est, dans l’ensemble, connu (mais également occulté) par un seul livre, La Révolte des masses (Stock, 1961 ; Les Belles-Lettres, 2010), alors qu’il a énormément écrit.