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Critiques

Histoires impossibles, Ambrose Bierce (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Septembre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Nouvelles, Grasset, En Vitrine, Cette semaine

Histoires impossibles, Ambrose Bierce, Grasset, Les Cahiers Rouges, 1985, trad. américain, Jacques Papy, 159 pages, 7,50 € Edition: Grasset

 

Commençons par écarter une lourde hypothèse qui pèse sur Ambrose Bierce et son œuvre : la ressemblance avec Edgar Allan Poe, son contemporain. Tous deux sont américains certes, tous deux écrivent dans un genre qui inscrit le fantastique dans sa courbe narrative assurément. Mais là s’arrêtent, absolument, les rapprochements possibles.

Le monde de Poe est fait de lieux lugubres, de rues sombres, de maisons malfaisantes, de cadres urbains maléfiques. Celui de Bierce est essentiellement rural, naturel, souvent enchanteur avant que ne surgisse l’effroi. On peut voir à cet écart local la naissance des deux écrivains : Poe, fils de Boston. Bierce fils d’un État alors très rural, l’Ohio, dans la petite localité de Cave Creek.

L’univers littéraire de Bierce semble droit sorti des œuvres de Henry David Thoreau. La Nature est d’abord chez lui beauté, asile, recueillement. Certains passages semblent sortis tout droit de Walden.

Matignon la nuit, Nicolas Idier (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 11 Septembre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Plon

Matignon la nuit, Nicolas Idier, Plon, août 2024, 176 pages, 19 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier Edition: Plon

 

« Je suis une sous-plume, comme il y a des sous-mains. Un bout de plume de demain, un vestige de plume. Une ou deux barbules, à peine. Je n’ai presque rien pesé dans l’organisation sans faille du cabinet du Premier ministre. Mon départ se fera sans un tremblement, sans le moindre frémissement » (Matignon la nuit, 17:00).

Cet éblouissant roman est dédié À toutes les plumes, celles qui officient dans l’invisible auprès des ministres et du Premier d’entre eux, celles qui se glissent dans ce roman, plumes romanesques pour la plupart, plumes françaises et chinoises, affûtées et anonymes parfois. Nicolas Idier, qui fut l’une des plumes du Premier Ministre Jean Castex, romance cette expérience, cette aventure unique entre les murs de Matignon – Matignon est un peu ma Cité Interdite, mon voyage intérieur.

Revue Apulée, #9 Art et Politique, Collectif (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 10 Septembre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Revues, Zulma

Revue Apulée, #9 Art et Politique, Collectif, éditions Zulma, mai 2024, 416 pages, 25 € Edition: Zulma

 

Création et pouvoir

Le numéro 9 de la Revue Apulée, riche de près de 90 contributrices et contributeurs, aborde ce qui fait lien entre l’art comme « invention permanente (ou pour le dire autrement work in process) et le politique, lieu [qui] n’échappe guère aux ressacs de l’histoire » [Hubert Haddad]. Et ce, en dépit d’une société contemporaine, travaillée et minée par l’« explosion des typologies identitaires, assignations sexuées, biologiques, communautaristes, ethniques [et de la] subite profusion de micro-intégrismes claniques » [Haddad]. La Revue Apulée propose un panorama des 20ème et 21ème siècles, du point de vue historique, anthropologique et esthétique. Ce qui semble transparaître ici, c’est le concept cher à Jean-Paul Sartre, celui de « littérature engagée », ou plus précisément de l’écrivain engagé, conscient, et le plus lucide possible ; l’engagement vu comme une obligation morale définissant une éthique dans laquelle l’homme est toujours responsable de lui-même.

L’Enchanteur, René Barjavel (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 09 Septembre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

L’Enchanteur, René Barjavel, Folio, 1987, 480 pages, 9,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Depuis plus de neuf cents ans, Merlin hante la littérature et l’imaginaire occidentaux, avec juste un passage à vide durant la Renaissance – mais un retour en force depuis l’époque romantique. Aujourd’hui encore, séries télévisées, parodiques ou non, et films s’inspirent de cette figure du magicien conseiller des rois et prophète. Et si l’influence de Merlin sur Gandalf, le magicien de Tolkien, est diffuse (Tolkien s’inspirait d’un fonds nordique plutôt que celtique), elle est évidente sur Dumbledore, le directeur de Poudlard, l’école de magie créée par J.K. Rowling pour sa saga Harry Potter. Bref, Merlin est une figure omniprésente, comme un point de repère dans l’histoire des histoires racontées.

Il était logique que Barjavel, en 1984, pour ce qui va s’avérer être son avant-dernier roman, choisisse de s’attacher à la destinée de cette figure emblématique entre autres d’un rapport fort à la nature, ce Merlin qui en vient à se fondre dans la forêt, devenant « bois vif, écorces, racines, feuilles vertes et feuilles mortes, graines germées, sèves montantes, odeurs mouillées, couleurs lavées que le soleil revenu chauffait et caressait ».

La maison Dieu, Céline Laurens (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 06 Septembre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Albin Michel

La maison Dieu, Céline Laurens, Albin Michel, août 2024, 240 pages, 20,90 € Edition: Albin Michel

 

« Chaque fenêtre de la maison de Monsieur et Madame donne à voir sa saison préférée. Imaginez. Celle du salon de musique, le printemps : Mallora et Abel boivent de la citronnade. Ils feuillettent des livres sur une table blanche et rouillée disposée sur la terrasse en pierre. Le ciel est clair, l’arrosoir rutile perdu dans l’herbe et leurs visages éclatent de nudité dans ces premières tonalités franches du printemps » (Élise, La maison Dieu).

Avant d’être le nom du dernier roman de Céline Laurens, La Maison-Dieu est la lame XVI du Tarot de Marseille, dont Paul Marteau nous dit « qu’elle représente les constructions éphémères et fécondes de l’Homme, toujours détruites, toujours reprises, douloureuses parce qu’elles ruinent ses ambitions, bienfaisantes parce qu’elles accroissent sans cesse les richesses de son savoir (1) ».