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Critiques

Spinoza Code, Mériam Korichi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 08 Octobre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Grasset

Spinoza Code, Mériam Korichi, Grasset, mars 2024, 240 pages, 19,50 € Edition: Grasset

 

À l’article « Code », le dictionnaire de Littré renvoie à l’ensemble des recueils de lois portant les noms d’empereurs romains (Théodose, Justinien) et, pour l’étymologie, au latin codex, « proprement tablette à écrire ». C’est plus ou moins ce dont il s’agit et, consciemment ou non, Mériam Korichi prend le contre-pied de toutes les histoires de manuscrits retrouvés dans les endroits les plus improbables, qui peuplent le genre romanesque (on pense ainsi au Nom de la Rose). Commençons par dire ce que ce livre n’est pas : le Spinoza Code n’a rien à voir avec le Da Vinci Code et les élucubrations afférentes, parce que le codex, le volume manuscrit en question existe bel et bien à la bibliothèque du Vatican (dont le catalogue, subdivisé en une multitude de fondi, est notoirement d’une complexité inégalée) : il s’agit du manuscrit Vat. Lat. 12838 (désormais numérisé et consultable en ligne), un manuscrit assez modeste et oublié pendant des siècles, qui présente la particularité d’avoir été copié, non sur les Opera posthuma de Spinoza parues en 1677, mais sur le manuscrit original (qui fut probablement détruit par l’imprimeur une fois son travail achevé, suivant la pratique courante de l’époque, aussi choquante nous paraisse-t-elle).

Que du vent, Yves Ravey (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 07 Octobre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Que du vent, Yves Ravey, Les Éditions de Minuit, août 2024, 123 pages, 17 € Edition: Les éditions de Minuit

 

Le goût de l’insipide

L’art du titre selon Yves Ravey.

Nous avions commencé à lire Ravey avec le pur, synthétique et extrême Le Drap. Beau titre pour débuter la lecture d’un auteur dont on ne se lasse pas depuis des décennies. Livre après livre, tous les deux ans, Ravey nous ravit.

Ce titre Que du vent, d’aujourd’hui, excelle par son exactitude scientifique et non météorologique. Rien ne souffle sur cette histoire hormis l’ennui des lotissements, la platitude des sentiments, les piscines nulles à pleurer creusées entre deux entrepôts où notamment du commerce hasardeux de discount lessiviel venu d’Afrique.

Patient X, Le dossier Ryūnosuke Akutagawa, David Peace (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Octobre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, En Vitrine, Rivages, Cette semaine

Patient X, Le dossier Ryūnosuke Akutagawa, David Peace, Rivages, octobre 2024, trad. anglais, Jean-Paul Gratias, 366 pages, 24 € . Ecrivain(s): David Peace Edition: Rivages

 

David Peace n’a jamais rien fait comme tout le monde. Ses terrifiants « polars » étaient un véritable laboratoire littéraire dans lequel il dynamitait toutes les règles du genre, les contraignant à des pages sombres et souvent absconses, d’une poésie admirable. Ses célébrations du football étaient des exercices de style dont les échos – Li-ver-pool – Li-ver-pool – ne finiront jamais de résonner à nos oreilles.

Avec Patient X, Peace s’attache à présenter une sorte de biographie d’un écrivain japonais célèbre auquel il voue un véritable culte, Ryūnosuke Akutagawa. Une fois cela dit, il faut se précipiter à préciser que l’ouvrage ne ressemble à aucune biographie jamais éditée. L’intimité de Peace avec son modèle tisse une sorte de patchwork fait de passages romancés de la vie de l’auteur (vérité ? Fiction ? la magie romanesque prend en charge la question), d’articles de journaux d’époque, d’extraits de paroles de l’écrivain. La tresse entière est une résurrection de Ryūnosuke, une biographie partielle, partiale, totalement subjective.

Monsieur de Bougrelon, Jean Lorrain (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 02 Octobre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Monsieur de Bougrelon, Jean Lorrain, éditions Le Chat Rouge, 2014, 222 pages, 20 €

 

Selon Dominique Fernandez (Dictionnaire amoureux de Stendhal, Plon, 2013), le nouveau Stendhal Club ne compte à ce jour et ne comptera jamais que douze membres. Si par caprice je fondais un Lorrain Club, combien d’adhérents pourrais-je espérer ? Cinq ou six, tout au plus ? Lorrain, pourtant, n’est pas si oublié qu’on pourrait le supposer : une monumentale biographie par Thibaut d’Anthonay, somme d’érudition prodigieuse (J.L., Miroir de la Belle Époque, Fayard, 2003, 986 pages), et de constantes rééditions en témoignent : telle celle de Monsieur de Bougrelon par Le Chat Rouge en 2014 (parution initiale en 1897 comme pour Les Nourritures terrestres de Gide : coïncidence anodine ?).

S’agit-il de son meilleur roman ?

Au château d’Argol, Julien Gracq (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mardi, 01 Octobre 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Editions José Corti

Au château d’Argol, Julien Gracq, Librairie José Corti, 1938, 184 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

Albert, Herminien et Heide, les trois seuls personnages de ce roman, n’ont-ils pas d’obligations professionnelles ou familiales, de relations sociales ? Comment rentrent-ils, après d’harassantes heures à cheminer dans la forêt, de plus en plus loin de leur point de départ ? Comment, lorsque l’un est gravement blessé, est-il soigné dans ce château dont le seul domestique visible est toujours aperçu par son propriétaire dormant au détour d’un escalier, sur le rebord d’une terrasse ?

Un lecteur taraudé par ce genre de questions de bon sens risque d’être déconcerté par ce roman. S’en délecteront au contraire ceux sensibles aux envoûtements d’une littérature dont le premier souci n’est pas de plaire mais de créer.